Les modes d’accès à l’emploi après la sortie de formation
5.4.3. Les modes d’accès à l’emploi après la sortie de formation
L’enquête prévoyait la possibilité de décrire les modes d’accès aux différents emplois occupés successivement. Dix modes d’accès à l’emploi ont été distingués, eux-mêmes regroupés selon les trois mêmes types utilisés lors de l’analyse des modes d’entrée dans les dispositifs de formation :
– Des canaux a priori non relationnels, tels que les réponses à petites annonces, les candidatures spontanées, l’ANPE ou hoc, les concours.
Il s’agit de canaux « considérés a priori comme non relationnels par les personnes interrogées » dans la mesure où 1) c’est ainsi que les interviewés les perçoivent, et 2) la question n’était pas conçue pour repérer autre chose.
Certes, derrière l’apparence formelle d’un canal médiatisé peut se cacher des dimensions relationnelles (Lièvre 1995 ; chapitre 1, §1.2.5.4. ; chapitre 3). Comme toute organisation, celle-ci est aussi inscrite dans des réseaux relationnels qui traversent sa frontière.
Encadré 6. Définition de l’emploi dans l’enquête sur les 3° cyclesLa définition de l’emploi retenue est celle couram- ment employée dans les enquêtes de cheminement du Céreq, à savoir un emploi d’une durée d’un mois minimum, hors emplois dits « de vacances »167. 252 personnes sur les 265 retrouvées (95%) ont occupé au moins un emploi sur la période d’enquête. Pour chacun de ces emplois successifs, il a été demandé comment il avait été obtenu.
L’objectif était de repérer les types de réseaux mobilisés, et en parti- culier ceux relevant du dispositif de formation suivi. Les réponses détaillées correspondant au questionnaire sont fournies dans la série de tableaux 29 en annexe 4. Les 19 items on été regroupés pour l’analyse. |
– Des canaux relationnels identifiés comme tels : il s’agit du lien par lequel la mise en relation entre l’étudiant et l’employeur s’est s’effectuée.
Il peut s’agir tout d’abord de relations familiales, de relations amicales (celles-ci étant non exempte d’ambiguïtés dans la mesure où la tendance à considérer une relation professionnelle comme un « ami » dans ce milieu professionnel est relativement marquée) ou de relations professionnelles, puisque les dispositifs accueillent aussi des personnes déjà engagées dans la vie active.
Et surtout, il peut s’agir de relations nouées dans le cadre de la formation (enseignant, intervenant) ou lors du stage (embauche dans l’entreprise même ou dans une autre et rencontrée grâce au stage).
Un point doit être noté à propos de ce dernier groupe de relations : le mode de désignation est sensible au problème du multiplexage, c’est-à-dire au fait qu’une même relation puisse être par exemple dans le même temps une relation de travail et une relation amicale : un lien établi dans le cadre d’un stage long (six mois) peut se voir désigné comme une relation amicale tout en étant toujours objectivement une relation professionnelle.
Bien que le phénomène ne soit probablement pas conséquent, nous avons retenu de façon stricte et sûre les seules relations explicitement liées au dispositif de formation, ce qui minimise, dans une faible mesure, leur poids169.
167 Critère qui n’est pas toujours sans ambiguïté : un emploi vécu au départ comme un « emploi de vacances » peut en cours de route se révéler porteur d’autres enjeux, surtout à cette période de vie pour les jeunes sortants. Nous avons procédé ainsi : la question prononcée par l’enquêteur ne mentionne pas la restriction « hors emplois dits de vacances ». C’est donc dans un premier temps à l’interrogé que revient le soin de juger de la pertinence d’évoquer telle période d’emploi durant l’été et du sens de celle-ci par rapport à son parcours professionnel. Dans un second temps, l’enquêteur pouvait avoir un doute, et c’est alors que son jugement intervenait. Devant faire préciser la réponse, l’enquêteur s’entendait alors avec l’enquêté sur ce qu’ils considéraient comme période d’emploi.
168 La question comportait 14 items principaux plus un item « autres, précisez », certains pouvant se décomposer. Au total, 19 items on été retenus après nettoyage et fermeture de la question « autres ». Voir le questionnaire en annexe 3
– Certains modes d’accès correspondent à des situations intermédiaires, moins aisément identifiables du point de vue des réseaux (« autres canaux non identifiés »).
Ainsi, quelques professionnels en formation continue ont retrouvé leur emploi à la sortie, d’autres ont connu par la suite des mutations internes (cas de quelques-uns dans la fonction publique) ou des évolutions suffisamment significatives pour que le nouvel emploi soit saisi, l’un des objectifs de l’étude étant de décrire le maximum d’emplois.
La réponse fournie porte la marque d’un changement de situation ne s’apparentant pas, pour la personne interrogée, à une véritable recherche d’emploi.
Enfin, quelques réponses n’ont pas permis d’identifier clairement le canal en jeu : certains étudiants ont créé leur activité, d’autres ont obtenu un « emploi » en rapport avec leur formation dans le cadre du service national (VSNE)…
Certes, derrière ces « mutations », ces « évolutions » et les règles officielles les régissant se cachent aussi des dimensions relationnelles, mais il n’a pas été possible de les repérer à l’époque. Les effectifs concernés sont toutefois assez faibles.
5.4.3.1. L’évolution dans le temps des réseaux mobilisés pour accéder à un emploi
Nous avons tout d’abord souhaité observer l’évolution des moyens mobilisés au cours du temps lorsque les élèves changeaient d’emploi et entraient plus avant dans le monde du travail. Se retrouvent ici les analyses développées au chapitre 3 sur le poids de l’école dans le processus d’accès au premier emploi.
Si l’on regarde les cinq dispositifs de formation (tableau 28), ce qui frappe de prime abord, c’est l’importance des dimensions relationnelles dans le processus d’accès à l’emploi.
Plus des trois quarts des élèves ont obtenu leur premier emploi de cette façon, et si elle diminue un peu, cette fréquence de citation reste aux 2/3 pour les emplois suivants.
Les canaux non relationnels augmentent sensiblement au second emploi, du fait des petites annonces et surtout des candidatures spontanées, comme si l’efficacité de ces moyens s’améliorait avec la connaissance du fonctionnement du marché.
Une explication peut être tentée sur cette part croissante de candidatures spontanées qui augmente dès qu’on change d’emploi (de 12 à 24%).
Il s’agit de candidatures « efficaces », puisqu’elles ont abouti à un recrutement ; or dans la majeure partie des cas, elles supposent pour être efficaces, que l’individu qui met en œuvre ce moyen soit déjà capable de bien identifier le milieu qu’il vise et les acteurs déterminants pour une embauche, voire de disposer déjà d’informations sur les opportunités d’emploi.
Et cela ne s’acquiert qu’avec les immersions successives dans le milieu professionnel. Dernier point, il est probable là encore qu’une partie de ces candidatures spontanées masquent en fait la mobilisation d’une relation, mais rien ne l’assure.
Le type de réseau mobilisé évolue ainsi avec le changement d’emploi ; et, comme attendu, il concerne particulièrement les moyens relationnels.
L’effet du dispositif lui-même (à travers ses intervenants, ses enseignants, le stage… correspondant aux réponses « formation » et « stage ») est largement dominant pour le premier emploi, mais il chute très vite pour les emplois suivants. Les réseaux professionnels que chacun se constitue au cours de son cheminement après son entrée dans la vie active prennent alors le relais.
Ainsi, près de la moitié (49%) des premiers emplois ont été obtenus par l’intermédiaire du dispositif de formation (enseignant-intervenant, ou stage) et cette proportion diminue très rapidement ensuite pour ceux ayant occupé deux emplois ou plus (resp. 12% et 7%).
Ces dispositifs de formation ne se cantonnent donc pas strictement au rôle de transmission des connaissances ou des savoir-faire, et offrent bien autre chose à travers les processus à l’œuvre dans leur fonctionnement, que ce soit en terme de socialisation professionnelle (l’apprentissage des codes), d’opportunités de rencontres (réseaux des enseignants, des intervenants, stage, …) ou de reconnaissance par le milieu professionnel. Cet apport cependant, même s’il ne disparaît pas tout à fait, s’estompe vite, dès le second emploi.
169 Pour une identification plus fine de la nature des liens et des canaux mobilisés, une observation plus précise aurait nécessité des entretiens avec les personnes interrogées portant sur l’histoire de ces mises en relation, ce que ne procure pas le mode d’interrogation de l’enquête source des données
En revanche, les réseaux fournis par le milieu professionnel, peu présents pour le premier emploi170, en début de vie active, deviennent prépondérants dès l’occupation d’un second emploi (10%, 40%, puis 45%).
Les relations amicales jouent leur rôle de façon stable quel que soit le rang de l’emploi occupé (12 à 15%) ; et le rôle marginal de la famille peut être noté, aspect qui se retrouve dans d’autres enquêtes quand il s’agit de population d’origine sociale élevée (Degenne et alii 1991).
Les réseaux mobilisés pour accéder à un emploi évoluent donc au cours du temps, et l’effet du dispositif de formation s’estompe très rapidement.
Les milieux que l’on traverse successivement offrent les réseaux qu’on peut mobiliser, ceci montrant le rôle que peut jouer un dispositif de formation dans l’accès au premier emploi : nous retrouvons ici de façon encore plus accentuée les résultats déjà constatés au chapitre 3 (§ 3.3. et 3.4.).
Tableau 28. Mode d’accès à l’emploi selon le rang de celui-ci ; réponses pour l’ensemble des formations (« Comment avez-vous trouvé cet emploi ?« )
Fréquence des citations(réponses multiples possibles) | Premieremploi occupé | Secondemploi occupé | Dernieremploi occupé si plus de 2 |
Canaux a priori non relationnels | 23,4% | 39,2% | 26,2% |
Réponse à petite annonce | 9,5% | 14,0% | 2,4% |
Candidature spontanée | 12,3% | 21,0% | 23,8% |
Concours | 0,4% | 1,4% | – |
Anpe, Apec | 1,2% | 2,8% | – |
Canaux relationnels identifiés | 77,4% | 65,8% | 66,8% |
Par l’intermédiaire de la formation ou du stage | 48,8% | 11,9% | 7,2% |
Relations professionnelles | 10,3% | 39,9% | 45,3% |
Relations amicales | 14,7% | 11,9% | 14,3% |
Relations familiales | 3,6% | 2,1% | – |
Autres non clairement identifiés | 17,9% | 15,4% | 16,7% |
Emploi repris à la sortie de form°, mutation interne | 10,3% | 7,0% | 4,8% |
Divers (création d’activité, service national…) | 7,6% | 8,4% | 11,9% |
Nombre de répondants | 252 | 143 | 42 |
TOTAL des réponses | 299 | 172 | 46 |
5.4.3.2. Les modes d’accès au premier emploi selon les dispositifs
Comme attendu, lorsqu’on distingue les modes d’accès à l’emploi pour les élèves issus de chaque dispositif de formation (tableau 29), les mêmes phénomènes s’observent globalement : quel que soit le dispositif, le groupe “ dispositif de formation+stage°” domine dans l’accès au premier emploi.
De plus, les différences entre les dispositifs, perceptibles pour le premier emploi, s’estompent dès l’occupation d’un second emploi : l’effet de la formation disparaît très vite, les modes d’accès dominants devenant pour chaque dispositif les relations professionnelles ou les candidatures spontanées.
Nous n’avons donc présenté ici que les données relatives au mode d’accès au premier emploi, la petitesse des effectifs par dispositif au second emploi ne permettant pas de surcroît de mener l’analyse au-delà.
170 La part des réponses positives pour l’accès au premier emploi est due bien sûr aux professionnels en formation continue.
Les modes d’accès au premier emploi portent ainsi la marque des spécificités des dispositifs de formation dont sont issus les élèves.
Quelques différences notables apparaissent entre les dispositifs observés, comme il était possible de s’y attendre étant donné la variété de leur mode d’organisation ou des profils et des parcours de leurs étudiants.
Tableau 29. Mode d’accès au premier emploi selon le dispositif de formation suivi (« Comment avez-vous trouvé cet emploi ?« )
Fréquence des citations pour le premier emploi occupé(réponses multiples possibles) | Dispositif | ||||
A | B | C | D | E | |
Canaux a priori non relationnels | |||||
Réponse à petite annonce | 4,4% | 4,7% | 14,3% | 15,7% | 25,0% |
Candidature spontanée | 13,2% | 15,3% | 7,1% | 5,9% | 20,0% |
Concours | – | – | – | – | 5,0% |
Anpe, Apec | 1,5% | – | 3,6% | 2,0% | – |
Canaux relationnels identifiés | |||||
Par l’intermédiaire du disp. de formation ou du stage | 47,1% | 53,0% | 85,7% | 31,4% | 30,0% |
– professionnelles | 11,8% | 3,5% | 10,7% | 19,6% | 10,0% |
Relations – amicales | 13,2% | 20,0% | 7,1% | 15,7% | 5,0% |
– familiales | 2,9% | 5,9% | – | 2,0% | 5,0% |
Autres non clairement identifiés | |||||
Emploi repris à sortie de form°, “ mutation ” interne | 7,4% | 8,2% | 10,7% | 19,6% | 5,0% |
Divers (création d’activité, service national…) | 2,9% | 12,9% | 7,1% | 7,9% | – |
Nombre de répondants | 68 | 85 | 28 | 51 | 20 |
TOTAL des réponses | 71 | 105 | 41 | 61 | 21 |
Tout d’abord, s’ils dominent partout, le poids des réseaux relationnels liés aux dispositifs de formation varie de 30 à plus de 85% des réponses selon les cas. Au-delà de ce rôle prépondérant, mais variable, des dispositifs de formation pour l’accès au premier emploi, ceux-ci se distinguent encore :
- pour les dispositifs A et B, les relations amicales jouent un rôle, et sont complétées pour A, plus diversifié, par les candidatures spontanées ;
- pour D, reprises d’emploi ou mobilité interne concernent près de 20% des étudiants qui en sortent, ceci rappelant le grand nombre d’adultes actifs qui la suivent, mais on peut noter aussi le poids des contacts issus du milieu professionnel antérieur (16%) ;
- pour E, c’est enfin les petites annonces (25%) et les candidatures spontanées (20%) qui complètent le rôle global joué par le dispositif.
Au total, les modes d’accès au premier emploi apparaissent très typés :
- les canaux relationnels sont largement majoritaires pour la formation C, et il s’agit quasi- uniquement des relations liées au dispositif de formation lui-même ;
- les canaux relationnels sont aussi largement dominants pour les dispositifs A, B et D : mais ici, les relations liées au canal du dispositif de formation se combinent avec les réseaux personnels, plutôt amicaux pour A et B, plutôt professionnels pour D ;
- et enfin, pour la formation E, les canaux non relationnels dominent, mais sont aussi associés à ceux fournis par la structure de formation elle-même.