L’opération LBO: les conditions de mise en place

L’opération LBO (opération à effet de levier): les conditions de mise en place

III. Les facteurs de réussite et les risques d’échec corrélatifs des opérations à effet de levier

L’acquisition des entreprises avec effet de levier est un mode d’investissement particulier dont la finalité n’est pas le développement de l’entreprise mais le détournement de la quasi-totalité de la création de valeur de la firme vers les apporteurs de fonds propres.

C’est ce qui explique le fait que les entreprises reprises selon ce procédé sont généralement mises en pression de façon importante. Vernimmen définit le LBO comme une diminution de fonds propres de l’entreprise.

En effet, monter un LBO revient à détruire les fonds propres ou du moins une partie des fonds propres de l’entreprise cible et à les remplacer par des prêts : c’est donc créer une situation d’endettement sans raison économique fondamentale. Tout se passe en fait comme si le financier souhaitait récupérer à son profit le différentiel de rentabilité occasionné par une gestion et un management qui ne tire pas partie de la moindre occasion de valeur.

Encore faut-il ne pas se tromper de cible et ne pas confondre une approche cyclique et une approche laxiste de la trésorerie.

En outre, la multiplicité des intervenants et l’aggravation du stress que génère le surendettement occasionné par la mise en place de la dette d’acquisition génère des potentialités de conflits d’intérêt qui doivent impérativement être traités dès la genèse de l’opération, et donc, dans le cadre du processus d’acquisition et de mise en place, qui, de fait, constitue essentiellement un processus de négociation.

Enfin, au-delà du levier financier, le LBO utilise la totalité des effets de leviers possibles : juridique, fiscal, social. Chaque recherche d’optimisation comporte évidemment un risque de rupture ou «d’excès d’habileté», pour reprendre la terminologie de l’administration fiscale.

La plupart des études et des articles mettent systématiquement en avant ce type de risque. Sans vouloir aucunement les minimiser ou les réduire à des risques accessoires, nous aurons tendance à estimer que ces risques ne sont réellement préoccupants que dans la mesure où ils génèrent des risques financiers qui se rajoutent au risque économique.

Il existe donc, selon nous, une hiérarchie des risques dont l’échelle, relativement courte, place à son sommet l’ensemble des risques économiques et financiers.

La notion de réussite ou d’échecs des opérations se mesure traditionnellement par la mesure du TRI. Cette appréciation doit, selon nous, faire l’objet d’une mesure en fonction de l’acteur qui intervient dans l’opération à son niveau. Nous constaterons alors que le niveau de risque, c’est-à-dire l’espérance de succès ou de revers est bien également hiérarchisé tant en en ce qui concerne sa probabilité d’occurrence qu’en ce qui concerne son niveau d’exposition.

Si le sort d’une opération est largement réglé au moment de sa mise en place, c’est-à- dire de sa négociation, il apparaît que la capacité des intervenants à détecter et assumer une crise conditionne leur capacité à conduire une négociation intelligente et efficace. La crise révèle effectivement les divergences d’intérêt au grand jour.

Il peut s’avérer parfois plus délicat de rapprocher les intérêts d’acteurs qui tentent de sauver ce qu’ils peuvent, d’acteurs qui initient une opération et sont dans un état d’esprit de répartition de gains potentiels. En ce sens, on peut dire que les montages à effet de levier constituent des catalyseurs et des « laboratoires de culture » des conflits d’agence.

A. Les conditions de mise en place de l’opération

1. L’environnement économique

Il est de coutume de penser que les LBO connaissent un risque accru en période de basse conjoncture et inversement. La corrélation entre les données macro-économiques et la bonne ou la mauvaise tenue des opérations n’apparaît pas si évidente que cela. En revanche, le LBO influence directement la conduite de la politique d’investissement ainsi que la gestion opérationnelle des sociétés reprises.

a) Le facteur conjoncturel

Poser le facteur conjoncturel comme facteur de réussite ou d’échec des opérations de LBO revient à rechercher de facto l’influence des facteurs macro économiques indépendamment de l’action individuelle de chaque gérant en qualité d’investisseur et de chaque manager, en qualité de dirigeant de cible ou groupe de cible.

Une étude a été menée à ce sujet en 2002 par CPR private Equity. L’analyse consistait en première analyse à tester les relations, d’une part, entre l’évolution des taux et celle de la conjoncture macro-économique mesurée par la croissance des PIB français et anglais (agrégés sous la forme de moyennes annuelles) et, d’autre part, par les multiples et durations 52 des séries d’opérations du fonds sur la période (85-95)53.

Ce croisement de données ne révèle pas de relation clairement définie à l’exception de la forte sensibilité des durations de l’année n à la conjoncture de l’année n+1 (R²=-0,89); ce qui veut dire que la duration de l’année n est d’autant plus courte que la conjoncture de l’année suivante (n+1) est bonne.

La corrélation est faible en revanche entre la croissance économique et la performance des fonds. On ne constate pas non plus d’effet retardant absolument flagrant. C’est ainsi que la corrélation entre les séries N/N-2 est de 0,50; passe à 0,56 sur la base N-1 et n’est finalement que de 0,36 sur la même année 54.

On en conclut que le multiple de rendement semble indépendant de la conjoncture, et serait uniquement le fait de la qualité de gestion des gérants de fonds. Cette qualité de gestion serait ainsi le fait de la politique de sélection active, de l’accroissement de valeur des cibles. On peut même penser que cette performance serait particulièrement stimulée en période de conjoncture basse 55.

b) L’impact du facteur industriel sur la politique d’investissements et la gestion des sociétés acquises

L’acquisition de l’entreprise par effet de levier est un important générateur de stress à tous les niveaux de la firme. La réduction des fonds propres opérée par la nature même du montage tend à focaliser l’optimisation de l’ensemble des ressources vers le remboursement de la dette d’acquisition.

En ce sens donc, ce type de montage provoque généralement une rupture positive dans la structure de l’organisation et dans les relations contractuelles de la firme entre dirigeants et apporteurs de ressources. Il est généralement admis que les firmes reprises en LBO, paradoxalement, « surperforment » leurs consœurs non reprises et donc non endettées.

De nombreuses études ont démontré cet état de fait aux Etats-Unis. Les études empiriques réalisées en France par Desbrieres et Schatt montrent que la situation est inverse.

On constate en effet qu’après l’opération, les investissements réalisés par les firmes reprises en LBO sont plus importants que ceux réalisés par les sociétés du même secteur d’activité. En effet, la plupart des opérations en France sont le fait de transmissions familiales tandis qu’aux Etats-Unis, l’essentiel provient des restructurations des groupes.

Le comportement d’investissements des groupes familiaux en voie de cession est naturellement plus malthusien que dans le cas des filiales ou divisions de groupes. Il semblerait donc, au regard des statistiques reprises en annexe, que les firmes indépendantes ont un taux de vieillissement de leurs actifs d’exploitation supérieur à celui des sociétés détachées de groupe.

Au-delà de l’effet de rattrapage induit par le comportement des cédants antérieurement à la reprise, l’ensemble des caractéristiques des sociétés reprises se détériore du fait de la destruction des réseaux strictement attachés à l’histoire et à la personnalité du chef d’entreprise, de la modification des relations interpersonnelles au sein de la firme elle-même.

Ces conclusions illustrent particulièrement le fait que le profit d’un LBO se fait, avant tout, en direction des vendeurs, et ce, d’autant plus que l’opération cédée est indépendante et à actionnariat familial. Nous serions tentés dans une première approche de faire un parallèle entre cette caractéristique et la multiplication des opérations de petite taille, où les cédants restent au capital de l’entreprise acquise.

52 On entend par duration la durée de détention des opérations et la capacité des entreprises cibles à servir des revenus intermédiaires de dividendes et d’intérêts sur les quasi-fonds propres.

53 Cf annexe ‘

54 cf annexe 4 – Rapports croissance et performance, rapports croissance et duration.

55 Dans un même ordre d’idée, on constate que les provisions passées par les banques, sur les crédits aux entreprises sont essentiellement le fait de crédits octroyés durant les périodes de conjoncture haute, accroissant leur sélectivité durant les périodes creuses au risque d’accentuer les dépressions en générant des effets de cycles. La réforme du ratio de solvabilité dans le cadre du processus de Bâle II pourrait constituer un facteur de sensible aggravation de ce type de risque systémique.

56 La notion de capital immatériel humain est celle qui se rapprocherait le plus de la notion d’âme de l’entreprise dans une acception humaniste. Il s’agit donc des relations personnelles du chef d’entreprise cédant, de sa relation à l’équipe managériale, de sa connaissance particulière de l’entreprise et de son marché dont il est souvent le créateur ou le découvreur.

On peut, dans ce cas, escompter une réussite supérieure dans la mesure où l’opération fait l’économie des transferts de capital immatériel humain 56 tout en bénéficiant de l’effet d’accélération propre au stress généré par l’endettement, celui-ci conduisant à la traque et à l’extermination des poches de sous-création de valeur.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: CNAM PARIS DESS Finance d'Entreprise - Chaire de Finance du Professeur Denis DUBOIS - Spécialisation Finance d'entreprise
Auteur·trice·s 🎓:
Virginie PHAM

Virginie PHAM
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté pour l'obtention du DESS Finance d'entreprise - 2001-2023
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