La valorisation financière d’une entreprise : deux approches

La valorisation financière d’une entreprise : deux approches

2. Objectifs de la valorisation et les deux principales approches

Valoriser une société c’est calculer la valeur financière d’une entreprise en tenant compte des données comptables passées et du potentiel de développement de la société. L’objectif de la valorisation n’est pas unidimensionnel et la technique de valorisation privilégiée par l’analyste évaluateur différera suivant les objectifs assignés à la mission d’évaluation.

On distingue, en effet, la valorisation de type « patrimoniale » commanditée par le chef d’entreprise pour évaluer son patrimoine à un instant T dans le cadre de la détermination de l’ISF ou de la préparation d’une transmission familiale en douceur, de la valorisation d’une cible en vue d’une opération de fusion-acquisition; ou encore de la valorisation d’une entreprise cotée dans le cadre d’une opération de marché.

En dépit de cette pluralité d’objectifs, une constante se dégage. Quelle que soit la phase de développement, le secteur, le potentiel de croissance de la société, la valorisation doit permettre d’évaluer financièrement la somme que devrait verser une personne physique ou morale pour acquérir 100% du capital de la société.

C’est après, une fois réalisée la valorisation de 100 % du capital, que l’on ajustera le prix en fonction de l’objectif et des modalités (acquisition d’un bloc de titres offrant une minorité de blocage, cession de parts représentant la majorité des droits de vote,…). Il y aurait donc une valeur ou plutôt une zone de valeur objective mais plusieurs prix possibles. C’est en ce sens que les moyennes de méthodes de valorisation constituent des hérésies, consacrant la mauvaise adéquation des méthodes retenues, toutes les méthodes choisies devant être appropriées et converger vers une zone de valeur centrale (qui n’est pas la moyenne arithmétique des méthodes).

Dans la pratique, on distingue deux principales approches, qui permettent d’évaluer une société. Chaque approche est plus ou moins utilisée par les professionnels et plus ou moins influente sur la valorisation finale en fonction du secteur et de la taille de la société.

On distingue l’approche actuarielle, qui valorise la société à partir de sa capacité à générer des flux de revenus récurents (cash-flows, dividendes,…), et l’approche comparative, qui valorise une société à partir de données sur des sociétés présentant un profil comparable (opérations comparables, indices de référence, données financières de concurrents,…).

Après avoir présenté chacune de ces approches, nous analyserons les techniques utilisées.

a) Approches actuarielles intrinsèques.

On parle d’approche intrinsèque par opposition aux approches analogiques. Les approches intrinsèques s’attachent aux fondamentaux de l’entreprise indépendamment de la valorisation des entreprises cotées qui pourraient être comparables. Les approches intrinsèques sont également appelées approches dynamiques dans la mesure ou elles reposent sur des anticipations et des prévisions. Il s’agit de déterminer la valeur de l’entreprise en fonction de la rentabilité et des flux qu’elle est susceptible de générer dans l’avenir.

On distingue les approches intrinsèques fondées sur l’actualisation des flux économiques (DCF ou discounted cash flow) et les méthodes d’évaluation intrinsèques fondées sur l’actualisation des profits économiques (EVA/MVA- Economic value added & Market value added). Ces méthodes se sont aujourd’hui complètement généralisé et sont universellement employées par l’ensemble des acteurs de « l’industrie du levier ».

Les résultats de ces évaluations sont néanmoins très souvent sujets à caution du fait des conditions de leur mise en œuvre et de la superficialité des analyses qui les sous tendent.

Les premières sources d’erreurs apparaissent lors de la phase de construction du plan d’affaires prévisionnel. Ceux si s’avèrent généralement trop optimistes. On citera pour exemple le plan initial de rachat de la société de fabrication de matériel de protection incendie SICLI en 1990 dont l’ensemble du montage et de la valorisation avaient été établies sur la base d’une croissance du chiffre d’affaires de 10% annuels pour une marge devant passer de 5 à 8% sur la période de prévision.

Quand il a fallu un an après le bouclage de l’opération que les financeurs et investisseurs reviennent autour de la table de négociation, les prévisions qui ont sous tendu les hypothèses de révision avaient alors été revues sur une base de croissance nulle tant pour le chiffre d’affaires que pour la marge.

Les erreurs dans l’élaboration du business plan se traduisent généralement par une absence de cohérence entre les perspectives de développement de l’activité de l’entreprise et les perspectives de développement du secteur lui-même ou entre la croissance du chiffre d’affaires et le montant des investissements nécessaires à la constitution de l’actif économique.

Nous avons à ce titre développé un modèle d’analyse de cohérence de la croissance de l’actif économique (Cf annexe 5). Il s’agit dans ce modèle d’apprécier la croissance de l’actif économique en fonction du coefficient d’intensité capitalistique de la cible64. On part du principe que le coefficient d’intensité capitalistique, a condition de productions constantes connaît une grande stabilité dans le temps.

Il faut donc une quantité d’actifs économiques globalement identique pour produire une quantité de valeur ajoutée déterminée. Si le prévisionnel anticipe une progression de la marge et donc de la valeur ajoutée65, celui ci déterminera donc la masse des actifs nécessaires pour produire cette valeur ajoutée. Cette masse se partage entre actifs de renouvellement d’une part et actifs de croissance d’autre part.

L’essentiel de la clé de répartition consiste dans l’appréciation du taux de productivité mais également du coefficient d’utilisation de l’actif brut qui permet d’exprimer ainsi le coefficient d’intensité capitalistique corrigé. Ce modèle n’a pas la prétention d’établir le plan d’investissement futur de la cible mais permet de contrôler la validité des hypothèses sous jacentes au modèle de prévision.

Cette approche permet de modéliser la croissance de l’actif économique d’exploitation ou tout au moins de détecter les incohérences et sous estimations flagrantes des données transmises par l’entreprise et ses conseils.

64 Nous retenons comme coefficient d’intensité capitalistique le rapport entre l’actif économique brut et la valeur ajoutée afin de neutraliser les effets de distorsion introduits par les aléas de la politique commerciale (équilibre production vendue / négoce) qui dans le cadre de l’analyse d’une PME peuvent souvent être non négligeables.

65 On considère donc que la croissance de l’activité s’effectue dans des conditions de production similaires

Le taux d’actualisation doit également être cohérent avec la nature des flux pris en compte dans la démarche de valorisation de la cible. En effet, les flux de fonds, dans la mesure où ils sont destinés à rémunérer l’ensemble des pourvoyeurs de fonds sera actualisée au coût moyen pondéré des capitaux engagés. En revanche, un calcul tenant uniquement compte du résultat net c’est à dire un flux uniquement destiné à la rémunération de l’actionnaire devra être actualisé quant à lui au coût d’exigence de rentabilité de l’actionnaire.

La détermination aléatoire du taux d’actualisation et des modalités de calcul de la valeur terminale font également partie des erreurs et approximation couramment rencontrées.

b) Approches comparables

Ces approches sont utilisées en complément des approches fondées sur les flux futurs. On peut distinguer deux catégories d’approches analogiques. La première se fonde sur l’affectation à l’entreprise à évaluer des ratios de valorisation ou multiples observés pour des sociétés comparables cotées. La seconde s’appuie sur des transactions récentes intervenues dans le même secteur que celui ou opère l’entreprise.

La principale difficulté de ces approches réside dans l’établissement d’un échantillon d’entreprises comparables qui soit à la fois pertinent et significatif. On notera que les valeurs obtenues par la mise en œuvre de ces méthodes sont des valeurs correspondant au point de vue minoritaire, c’est à dire qu’elles n’intègrent pas de prime de contrôle. Cette approche sera la plupart du temps largement compensée par la liquidité attachée à la notion même de cotation boursière. Il n’existe pas de règle ou d’étude ayant strictement formalisé cette approche.

On peut estimer que la prime de contrôle implique une sous cote d’ordre de 20 à 40%, tandis que l’illiquidité du titre non coté implique quant à lui une surcôte d’au moins 30%. Dans tous les cas, l’application des sur-côtes et des sous- cotes ne peut être effectuée que dans le cadre d’une analyse fine et argumentée sur la taille de l’entreprise et son positionnement au sein de son secteur d’activité. Bien entendu, les multiples ne peuvent être calculés que sur les seules valeurs historiques mais doivent également faire l’objet d’une évaluation prospective.

Des plans d’affaires trop favorables, aux taux d’actualisation généralement trop faibles ou aux multiples trop élevés qui ne tiennent que rarement compte des décotes de liquidité, on est amené à constater que ces approximations conduisent à généralement surévaluer les entreprises non cotées. On notera également qu’à la différence des entreprises cotées, les non cotées sont souvent avares d’informations (stratégiques, financières ou concurrentielles). Cette relative pauvreté de l’information ne concourt pas à faciliter l’approche des différents intervenants de ce type d’opérations.

L’approche évaluative est généralement menée par le vendeur, plus rarement par l’acheteur qui tenu par des impératifs de temps dans le cadre d’une procédure de mise aux enchères ne pourra pas toujours mener toutes les diligences souhaitables.

Les banques et autres intervenants s’en remettent ainsi de façon relativement récurrente à une approche standardisée se rapprochant plus souvent de l’approche score que d’une analyse financière réellement pertinente. La réforme du ratio de solvabilité initié par le processus de Baale II ne milite pas dans une approche moins systémique de la problématique.

Le besoin de réévaluer régulièrement la valeur des encours de dette d’acquisition en fonction d’une notation interne, le plus souvent péréquée avec les systèmes de notations des grandes agences fait rentrer l’analyse dans des systèmes de normalisations parfois surprenants.

On sera ainsi étonné d’apprendre que l’un des facteurs discriminants de ce type de modèles de score prend largement en compte les potentiels d’évolution du chiffre d’affaires à 5 ans, alors qu’une des conditions de réussite de ce type d’opération consiste dans la minimisation des besoins financiers liés à l’exploitation ou à l’adaptation de l’outil et de l’organisation aux effets de changement de taille.

En résumé, un LBO devrait être d’autant plus sécurisé que la maturité de la cible lui confère une perspective d’évolution limitée (que ce soit sur le plan de son activité ou des technologies employées et développées); Il est alors dans ce cas handicapé du point de vue de sa notation et risquerait dans ce cas d’être plus consommateur de fonds propres qu’une affaire à croissance rapide (mais équilibrée bien entendu). Nous avons reproduit en annexe un exemple de système de notation d’une grande banque de la place.

L’erreur sur l’estimation de la valeur de la cible constitue un des principaux facteur d’échecs des opérations de fusions et acquisition, notamment dans le cadre des LBO. La logique voudrait que l’on détermine la valeur et qu’en fonction du résultat de cette évaluation on mette en place les catégories de fonds respectifs nécessaires (fonds propres, quasi-fonds propres, relais et dette bancaire).

Dans la réalité, la valeur s’avère être une conséquence des contraintes financières du montage de l’opération. Le nombre d’intervenants est effectivement nombreux et tend à complexifier le mode d’approche de la valeur et la formation du prix de la cible.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: CNAM PARIS DESS Finance d'Entreprise - Chaire de Finance du Professeur Denis DUBOIS - Spécialisation Finance d'entreprise
Auteur·trice·s 🎓:
Virginie PHAM

Virginie PHAM
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté pour l'obtention du DESS Finance d'entreprise - 2001-2029
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