Une source d’inspiration pour les relations quotidiennes

Une source d’inspiration pour les relations quotidiennes

Chapitre 4

Autour de la réciprocité actuante

Parmi les concepts centraux de la psychopédagogie perceptive que nous devons convoquer dans notre réflexion théorique, la notion de « réciprocité », et plus particulièrement de « réciprocité actuante », tient une place centrale car elle cristallise un regard particulier sur le champ de la relation.

En tant que discipline mettant en jeu l’accompagnement d’une personne ou d’un groupe par un praticien, la psychopédagogie perceptive propose des modalités de relation d’aide qui, nous le verrons, lui sont particulières. Cette relation d’aide fait l’objet d’une exploration et d’un apprentissage par les étudiants-praticiens.

Une fois formés à cet art de la relation soignante et formative, les praticiens la mettent en œuvre dans leurs champs d’activités respectifs, la santé, l’éducation ou les arts.

La réciprocité en psychopédagogie perceptive : une source d’inspiration pour les relations quotidiennes

Très vite, nombreux sont les professionnels, voire les étudiants en somato-psychopédagogie, qui sont frappés par la qualité de cette relation d’aide, par sa profondeur et sa subtilité. La surprise tient peut-être autant à l’expérience de rejoindre autrui là où lui-même ne saurait se découvrir seul, qu’à la façon dont le praticien s’éprouve lui-même au sein de cette relation.

La découverte d’une nouvelle modalité de rapport à soi et à son patient ou élève devient alors, pour beaucoup de praticiens, une source d’inspiration pour leur vie relationnelle. Pour les uns, c’est la qualité de présence dont ils ont bénéficié durant un traitement qui leur ouvre un espace nouveau tant celle-ci est savoureuse, constructive et supportante.

Pour d’autres, c’est l’art du dialogue et de la présence à l’autre, expérimentés lors de l’exercice de leur profession, qui met en évidence à la fois les magnifiques potentialités relationnelles qui sont les leurs et les effets bénéfiques de celles-ci sur les personnes accompagnées.

Pour l’homme ou la femme derrière le praticien, il y a là un horizon vers lequel il peut être motivant de tendre dans le projet de bonifier l’ensemble de ses interactions relationnelles. Voici en quels termes une praticienne ayant plus d’une dizaine d’années d’expérience se prononce à ce sujet, dans son journal de recherche7 : « Pourquoi est-ce que je ressens un écart si grand entre mes capacités relationnelles comme thérapeute et celles que je déploie au quotidien, surtout avec les très proches ? »

7 Cette personne fait partie des praticiens-chercheurs du Cerap mais n’est pas l’un des participants de notre enquête.

La perception de cet écart apparaît par contraste. En effet, il ne s’agit pas de la visée d’un idéal, d’une modalité relationnelle qui relèverait d’un imaginaire, avec toutes les projections que l’on est en droit d’attendre dans une telle dynamique.

Non, il s’agit bien d’un questionnement naissant de l’expérience, d’une qualité relationnelle tangible, éprouvée. Notre praticienne poursuit : « Comment rapprocher ma façon de faire en traitement de ma façon de faire ordinaire dans ma relation à l’autre ? Je n’aime pas me voir capable d’autant de pertinence dans la rencontre thérapeutique et si peu habile dans mes relations avec mes proches.

Je voudrais amener jusqu’à mes relations quotidiennes mon savoir faire de thérapeute. »

Les enjeux sont-ils bien posés ? S’agit-il vraiment pour notre praticienne de transférer un « savoir-faire de thérapeute » dans ses relations quotidiennes, en particulier avec ses proches ?

Peut-être l’enjeu n’est-il pas tant dans le transfert d’un savoir-faire thérapeutique que dans la ‘bonification’ des relations personnelles par la qualité de présence que notre praticienne reconnaît offrir dans ses traitements.

Laissons-la préciser : « Je découvre avec l’observation de cette journée de travail, que comme thérapeute, mon but est la rencontre. C’est cela qui me motive et guide mon travail. On a un outil merveilleux de rencontre, avec cette qualité de présence que l’on a développée et sur laquelle on s’appuie pour rencontrer l’autre.

C’est quand cette sorte de rencontre est là que la réciprocité actuante s’instaure. Et ce lieu de rencontre est le lieu d’accomplissement de la personne, de mon patient comme de moi même. Quand je travaille de là, tout est possible. Il me vient soudain à l’esprit que ma posture relationnelle avec mes proches n’est pas souvent la rencontre, car elle est considérée comme acquise !!!! Une idée à creuser sûrement! »

En résumé, que nous apprend la confidence de notre praticienne et qui peut être utile à notre recherche en cours ? Que la pratique de la psychopédagogie perceptive ouvre à la possibilité d’une rencontre de grande qualité avec les personnes accompagnées sur le plan professionnel, avec les patients-apprenants. Et cette qualité de rencontre est attractive au point d’amener le praticien dans le projet d’une ‘bonification’ des ses modalités relationnelles avec ses proches.

Allons jusqu’à poser la question suivante : la relation amoureuse ne gagnerait-elle pas elle aussi en qualité si elle pouvait bénéficier de cette nature de ‘présence’, si elle pouvait être elle aussi le terrain d’expression d’une ‘réciprocité actuante’ ? Il est vrai que la question peut être inversée.

Quelle serait le changement d’attitude qui permettrait au rapport amoureux de s’inscrire naturellement dans une rencontre des présences, telles que celles qui se donnent à vivre dans les moments privilégiés de l’accompagnement thérapeutique ou formatif ?

Mais est-ce véritablement si simple ? Les enjeux spécifiques des relations signifiantes et en particulier des relations amoureuses – implication personnelle et affective, rapport à l’amour, sexualité – n’imposent-ils pas de repenser globalement et de façon créative le carrefour qui se cherche entre rapport au sensible et relation de couple ?

Quoiqu’il en soit, il est ici question de la possibilité d’un savoir-vivre-ensemble qui s’exprime au-delà de l’espace et du temps du strict accompagnement professionnel. Se mettre en chemin en ce sens relève certes d’un processus de renouvellement du moi, mais tout autant d’une dynamique de renouvellement de la relation, de « renouvellement du nous ».

Tableau 5 : La réciprocité actuante : une source d’inspiration pour la vie quotidienne

Secteur de vieConstats et interrogations
Champ de l’activité professionnellela réciprocité actuante : fondement de la relation soignante et formatrice entre praticien et patient/apprenant
rejoindre autrui là où lui-même ne saurait se rejoindre
s’éprouver soi-même au sein de cette modalité relationnelle
actualiser ses potentialités relationnelles
être rejoint, en tant que patient/apprenant, dans une qualité de présence savoureuse, constructive, supportante
la réciprocité actuante : un lieu d’accomplissement de l’autre comme de soi
Champ de la vie privéela perception par contraste des carences au sein des modalités relationnelles quotidiennes
le projet de bonifier les interactions avec les proches
tenter le transfert du « savoir-être-en-relation » du champ de la vie professionnelle vers le champ de la vie privée
s’ouvrir à une nature de

rapport amoureux qui permettrait la rencontre naturelle des présences

vers un « renouvellement du nous »

 

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