Les moyens de préventions du conflit social

3 Les moyens de préventions

Fort des éléments précédents sur la nature des conflits et les entreprises qui y sont exposés, il convient désormais d’examiner les moyens et les outils pour en prévenir l’apparition.

Tout d’abord qu’est ce que « prévenir » un conflit social ?

C’est comprendre les enjeux sociaux « les irritants »22 pour anticiper et canaliser les risques de conflits sociaux.

C’est aussi donner de la visibilité aux salariés et à leurs représentants sur la stratégie de l’entreprise.

C’est ensuite mettre en œuvre, autant que de besoin, les moyens et outils propres à atteindre cet objectif.

22 « Prévenir et gérer les conflits sociaux dans l’entreprise », Hubert Landier et Daniel Labbé , Editions Liaisons

3.1 Comprendre

Comme vu précédemment, les conflits surgissent dès lors qu’il y a forte divergence entre les intérêts des salariés et des employeurs. Tous nos interlocuteurs soulignent l’importance de transmettre et d’expliquer le plus sincèrement possible les enjeux stratégiques de l’entreprise aux représentants du personnel.

De par l’importance de l’assimilation de ces messages, les Instances Représentatives du Personnel doivent être à même de les comprendre. Pour ce faire, ils doivent être capables d’appréhender la situation de l’entreprise d’un point de vue technique et stratégique.

Cette approche passe donc nécessairement par une professionnalisation des Instances Représentatives du Personnel, proposée et prise en charge par l’entreprise.

Néanmoins, charge aux syndicats de proposer des candidats à la hauteur des enjeux de leur fonction.

Il convient de préciser que cette compréhension n’est pas une opération de manipulation des représentants du personnel. Il ne s’agit pas de créer une caste de syndicalistes d’élite se déconnectant de la base et perdant toute leur légitimité.

Ils se verraient alors dans l’incapacité de transmettre efficacement le message aux salariées.

Par ailleurs, il ne s’agit pas d’espérer la suppression des conflits, mais plutôt d’aider les représentants à mieux comprendre l’impact d’une action de revendication, ses enjeux, ses limites et ses conséquences pour l’entreprise ainsi que pour ses parties prenantes.

L’annonce de la fermeture d’un établissement entraînant une suppression d’emplois provoquera immanquablement une réaction de la part du personnel, même s’il y a eu compréhension des causes par les représentants syndicaux.

Leur rôle est alors de défendre les intérêts des salariés menacés et de canaliser le conflit.

Comme le dit Patrick Chalmel, ce qui est important c’est de renforcer la crédibilité des représentants du personnel en les repositionnant dans leur rôle de corps intermédiaire.

La médiation n’est pas envisagée comme un moyen de prévention des conflits sociaux. Tous nos interlocuteurs en placent l’utilité lors d’une altération de la compréhension entre les parties au moment où il y a une perte de contrôle du conflit.

En effet les médiateurs n’interviennent que dans le cas de conflit avancé et de rupture complète du dialogue.

3.2 Anticiper et analyser

Le volet social de la stratégie de l’entreprise ne s’improvise pas, il doit être considéré dans la durée.

Une politique sociale se construit et la prévention des conflits n’en est qu’un des éléments.

Les entreprises sont confrontées à des contraintes économiques dont l’échelle de temps est raccourcie.

Tous nos interlocuteurs ont insisté sur la nécessité de disposer de temps pour traiter des problèmes sociaux. Dès lors, seul un travail de fond sur le sujet avec l’ensemble des acteurs permet d’anticiper au mieux les conséquences des chocs économiques.

C’est dans cette dimension que l’on peut trouver un élément de contribution à la performance globale de l’entreprise.

A titre d’exemple, depuis dix ans, Jean-Martin Folz, en rupture avec son prédécesseur, a mis en place une politique sociale (revalorisation des salaires des syndicalistes, transparence dans la transmission des informations à destination des Instances Représentatives du Personnel, signature d’un accord de méthode mondiale, …).

PSA annonce fin septembre 2006 plusieurs milliers de suppressions de postes dans le monde.

A ce jour, les syndicalistes qui se sont exprimés ont mis en avant le contexte économique défavorable à leur entreprise, lié à la conjoncture de l’industrie automobile.

Sans préjuger des réactions au sein des unités de production, il est d’ores et déjà possible d’évaluer l’impact de la nouvelle politique sociale de Peugeot. Parions que les coûts sociaux auront été minimisés.

Toutes les entreprises rencontrées ont affirmé prévenir les conflits sociaux.

Néanmoins, elles nous ont présenté des dispositifs de prévention d’importance inégale.

Consciemment ou inconsciemment, elles ont adapté leurs moyens de prévention à leur niveau de risque.

Nous pouvons parler d’assurance du risque social.

D’un côté du spectre, nous pouvons citer la RATP qui, outre une batterie d’indicateurs, a mis en place un service dédié à l’analyse qualitative du climat social, et a contractualisé l’exercice du droit syndical avec les partenaires sociaux dans un accord.

De l’autre, BNP-Paribas qui n’a pour seul outil de vigilance que l’observatoire social de sa branche professionnelle, et quelques indicateurs standards.

Ceci nous amène à dire qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise politique de prévention des conflits, elle s’adapte au contexte socio-économique de l’entreprise.

Un dispositif de prévention des conflits est assimilable à une police d’assurance sociale. On y souscrit en fonction du risque de grève estimé. La sensibilité au risque est plus marquée dans les univers ayant un vécu récent de conflit social.

Le désintérêt des entreprises françaises pour le risque de conflit est lié au fait que nous n’avons pas rencontré de véritables grandes grèves liées aux entreprises. La dernière grande grève liée au transport remonte à 1995.

Le risque de conflit est un vague souvenir, dès lors n’est-il pas sous estimé ?

Ajouté à cela, dans la société actuelle, l’individualisme est de mise, l’intérêt collectif n’est plus prioritaire.

On constate un détachement pour les causes collectives qui n’ont pas d’impact sur le quotidien de chacun.

Ainsi, un conflit dans le secteur automobile, qui n’a pas d’incidence sur la vie quotidienne des français, aura moins d’impact sur l’opinion publique qu’un conflit dans l’univers des transports, où, aboutissant à une grève, il a pour risque de paralyser les voyageurs, et de fait l’économie.

Le passage de la qualification à la compétence a accéléré le phénomène d’individualisation des rémunérations. L’argent est le nerf de la guerre, ce principe accentue le passage des revendications collectives aux revendications individuelles.

Le management participatif se décline entre autre par l’actionnariat salarié. Ce mécanisme sensibilise et implique davantage les salariés aux résultats de l’entreprise. De fait, les intérêts financiers de l’entreprise et des salariés se rapprochent.

Le risque partagé, salariés et employeurs, contribue à canaliser le risque de conflit social.

Il est néanmoins important que l’employeur reste majoritaire. Les directions d’entreprise ne souhaitent pas arriver à un système de co-gestion, et pour le salarié, il vaut mieux éviter de « mettre tous ses œufs dans le même panier ». Pour BNP Paribas ainsi qu’Euronext, le niveau de participation salarié maximum semble se situer aux alentours de 8 à 10 %.

En conséquence, nous constatons aujourd’hui pléthore de revendications individuelles au détriment des grandes causes collectives. Il y a déplacement des causes collectives d’entreprise aux causes collectives nationales. Il semble que seules ces dernières parviennent encore à mobiliser suffisamment pour que l’opinion publique s’y intéresse et que des actions soient engagées.

Le dernier mouvement de masse concernait le CPE, mais il est important de souligner que la revendication était d’avantage d’ordre politique que sociétale.

3.3 Communiquer

Concernant la communication interne, plusieurs de nos interlocuteurs insistent sur la nécessité de fournir des informations « vraies » sur la marche de l’entreprise, au-delà même du devoir d’information de l’employeur auprès du Comité d’Entreprise.

Le risque de cette démarche transparente est de deux natures :

ƒ l’incompréhension des enjeux

ƒ le mauvais usage de ces informations (perte de confidentialité, transmission déficiente due au point précédent, …) par les partenaires sociaux.

Les limites se situent dans la capacité d’écoute et de prise en compte des individus occupant les fonctions de représentation.

En effet, les grandes mutations de certaines entreprises, ayant des impacts sociaux lourds ne pourront jamais être totalement prises en compte et relayées par ces derniers. La communication en tant que moyen de prévention n’est alors plus suffisante.

D’autre part, il est important de ménager aux représentants du personnel des espaces d’expression. Il s’agit de leur donner la parole, quel que soit la franchise des échanges, pour favoriser l’expression des humeurs.

Il ne faut jamais négliger les propositions émises par les partenaires sociaux, afin d’encourager les comportements constructifs et le dialogue.

Les deux axes précédemment cités, transparence et liberté d’expression doivent permettre une compréhension réciproque. L’objectif étant de construire sur le long terme un climat de confiance.

Cependant, il ne s’agit pas d’instrumentaliser les instances pour leur masquer la réalité des problèmes. Ce climat n’exclura pas des moments d’opposition car, pour rappel « les conflits » sont parfois nécessaires, et moteur du progrès.

D’un point de vue externe, l’incidence de la communication (média TV, presse, etc …) peut influencer les contextes de négociations :

ƒ D’un côté, les représentants peuvent être tentés d’instrumentaliser la médiatisation du conflit, avec les risques de conséquences néfastes sur l’image de l’entreprise (image auprès des actionnaires et des investisseurs) qui y sont liés.

ƒ De l’autre coté la Direction peut aussi faire prendre conscience aux partenaires sociaux de ces risques liés à la médiatisation du conflit.

Compte tenu des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, il est aujourd’hui difficile pour les entreprises d’avoir un discours externe différent du discours interne. Là encore intervient le risque d’une image dégradée auprès de l’opinion publique.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Comment les grandes entreprises d’aujourd’hui préviennent-elles les conflits sociaux ?
Université 🏫: Université Paris IX-Dauphine - MBA Management Des Ressources Humaines
Auteur·trice·s 🎓:
Catherine & Didier & Marc & Marina & Raoul

Catherine & Didier & Marc & Marina & Raoul
Année de soutenance 📅: Mémoire (gestion des conflits sociaux en entreprise) - Promotion 2005-2006
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