Les déterminants du rationnement du crédit au Maroc

Les déterminants du rationnement du crédit au Maroc : utilisation de données d’enquêtes – Chapitre II :
Pour traiter le problème de l’auto sélection à priori, on ne pourra pas utiliser les données de l’enquête du Ministère de l’Industrie et du Commerce (MIC), car toutes les entreprises enquêtées ont demandé du crédit et ont au moins un compte bancaire.
Le recours à une base de données qui comprend des entreprises employant 10 salariés et plus, se justifie par le fait que les exigences qui s’appliquent aux grandes, moyennes et petites entreprises en matière d’accès au crédit bancaire, s’appliquent aussi forcément aux micro entreprises. En plus, le problème de financement au Maroc ne concerne pas seulement les micro entreprises mais aussi les grandes, petites et moyennes entreprises. En effet, selon le rapport établi par le Ministère de l’Industrie et du Commerce en Collaboration avec la Banque Mondiale5, les entreprises manufacturières du Maroc sont financées dans leur grande majorité par leurs fonds propres et leurs bénéfices réinvestis (62%) et seulement 20% du financement proviennent du secteur bancaire.
Les résultats tirés de l’analyse de données de cette enquête vont nous permettre de comparer la nature des difficultés rencontrées par les entreprises formelles avec celles rencontrées par les ME6. Autrement dit, s’agit-il des même contraintes ou bien existe t-il d’autres difficultés spécifiques au micro entreprises ?
De ce fait, les modèles utilisés dans cette partie auront pour but d’étudier les déterminants de l’accès au crédit bancaire6 et les déterminants du montant du prêt7 (enquête du MIC).
Pour analyser les déterminants des facilités de découvert bancaire, nous allons procéder à l’estimation d’un modèle économétrique où la variable dépendante «DECOUVER » est une variable dichotomique prenant la valeur 1 si l’entreprise bénéficie de facilités et 0 sinon. Cette estimation sera effectuée à l’aide d’un modèle Probit, et ce en raison de la nature qualitative de la variable dépendante. Par la suite on va analyser les déterminants du plafonnement du découvert obtenu par les entreprises. Pour cela, on utilise un modèle Tobit du fait de la nature quantitative de la variable dépendante (cf Madala 1995: Limited dependant and qualitative variables in econometrics).
Par la suite, et dans une deuxième section, on va essayer d’analyser les déterminants du rationnement du crédit par les banques en direction des micro entreprises.
Section I: Analyse du rationnement et du plafonnement du crédit : Cas des entreprises formelles du secteur manufacturier marocain.
I.1.Présentation de l’enquête et traitements préalables de données
I.1.1 Présentation de l’enquête
L’enquête FACS 2000 – menée par le Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Energie et des Mines en collaboration avec la Banque Mondiale- a été conduite auprès de 859 établissements dont 78% sont des PME8, elles exercent dans 7 branches d’activité : l’électronique, le textile, l’habillement, les produits alimentaires transformés, les produits chimiques et pharmaceutiques, les produits du cuir et chaussures et les produits plastiques et dans 6 régions différentes du Maroc : Fès, Tanger, Nador, Settat, Rabat et Casablanca.
A partir de 1933 établissements (base de l’échantillonnage), un tirage au hasard a été effectué pour avoir 1000 établissements et un échantillon de remplacement de 500 établissements par industrie. Le choix des régions est justifié par la concentration des industries dans ces régions.
1.1.2. Quelques traitements préalables de la base de données
Nous avons dû procéder à certains traitements à la fois d’apurement et de créations de variables pour corriger certaines anomalies afin de permettre un traitement économétrique en adéquation avec la nature des modèles que nous avons spécifiés. Le travail effectué est récapitulé ci- après :
– Nous avons trouvé des réponses par non à la question V5 (l’entreprise a t-elle des facilités de découvert bancaire) et en même temps on répond à la question V8 (quels types de garanties l’entreprise a t-elle fourni ?), alors qu’il fallait aller directement à la question V9 (voir le questionnaire en annexe).
– Lors du traitement économétrique, nous avons trouvé quelques résultats aberrants. En revenant au calcul d’indicateurs de la statistique descriptive, il s’est avéré qu’il y avait des problèmes de colinéarité entre certaines variables explicatives. Il a fallu donc regrouper certaines modalités de variables, compte tenu des préoccupations d’ordre économique. Pour éviter ce problème de colinéarité, on a eu recours aux transformations suivantes :
¾ Nous avons remplacé les variables « garantie 1 jusqu’à garantie 7» (question V8 en annexe) par une variable quantitative déduite à partir de la somme des variables « garantie » déjà citées. Cette transformation va permettre de savoir si le nombre de garanties offertes agit sur la décision de la banque d’accorder des facilités de découvert ou pas.
¾ Les modalités de la variable « motif de l’investissement » (QuestionV36 en annexe) ont été regroupées ainsi : la première modalité « R1INV » est la réalisation de la « SV361 : améliorer la qualité des produits existants et/ou la SV362 :Introduire un ou plusieurs nouveaux produits ». La deuxième modalité « R2INV » remplace la « SV363 », la troisième modalité « R3INV » remplace la « SV364 : Réduire le coût unitaire de production ». Et enfin la modalité « R4INV » remplace à la fois la « SV365 : remplacement des équipements abîmés » et « SV366 : Remplacement des équipements obsolètes ».
¾ Les modalités de la variable « Lieu de l’activité » ont été regroupé de telle sorte à tenir compte des privilèges accordés à certains centres au détriment des autres. Ainsi le regroupement a été fait de la manière suivante :
« REG1 » si l’entreprise est soit à Casablanca, Rabat ou Settat. L’entreprise pourra être à la fois dans 3, 2 ou un de ces centres ;
« REG2 », si l’entreprise est à Fès ;
« REG3 », si l’entreprise est à Tanger ;
« REG4 », si l’entreprise est à Nador.
¾ La variable taille de l’entreprise a été créée à partir de l’hypothèse suivante : on a considéré que les salariés temporaires travaillent en moyenne 6 mois par an. Alors, la taille de l’entreprise correspondra à la somme des permanents augmentée de la moitié du nombre des travailleurs temporaires. En fait, avec cette hypothèse, le biais sera le moins important d’une entreprise i à une entreprise j et n’aura pas d’effets sur les résultats des estimations.
I.1.3. Explication de la facilité de découvert bancaire : les enseignements de l’analyse bivariée.
L’objectif ici est d’essayer d’analyser quelles sont les relations qui existent entre l’accès au crédit bancaire et les différentes caractéristiques des entreprises, à savoir : le niveau d’éducation du chef de l’entreprise, le fait que l’entreprise semble avoir une possibilité d’investissement prometteuse, le fait que l’entreprise possède ou pas des machines électriques, le fait que ces machines soient contrôlées ou pas par des ordinateurs, le nombre de garanties que l’entreprise fournit, l’âge de l’entreprise, le sexe du gestionnaire de l’entreprise, la part des acquisitions en équipement importées, l’activité de l’entreprise, la forme juridique de l’entreprise, la taille de l’entreprise ou le nombre d’employés, les motifs d’investissement pour lesquels le prêt a été demandé et enfin la région dans laquelle l’entreprise opère.
Dans ce paragraphe, et pour éviter les répétitions, on va se contenter de lire les tableaux sans donner d’explications. Ces dernières étant épargnées pour l’analyse économétrique.
• L’effet de l’âge de l’entreprise sur l’accès au crédit
L’entreprise la plus ancienne a la probabilité la plus élevée d’avoir accès au crédit bancaire. Ainsi, si 84,6% des entreprises ayant plus de 20 ans ont bénéficié du crédit, elles ne sont que 71,4% parmi celles ayant un âge inférieur ou égal à 10 ans.
Tableau 3 : Age de l’entreprise et accès au crédit

Accès
ou pas
Age de l’entreprise
Inférieur ou égale à 10 ansCompris entre 11 et 20 ansSupérieure à 20 ans
Non28,6%22,8%15,4%
Oui71,4%77,2%84,6%

• L’effet du statut juridique de l’entreprise
On remarque d’après le tableau qui suit, que globalement la proportion des entreprises qui ont réussi à avoir un crédit dépasse largement la moitié. Si on décompose selon les statuts juridiques de l’entreprise, on constate pour les sociétés anonymes, que la proportion qui a bénéficié de crédit représente 87,7%, tandis que pour les coopératives, elle représente 83,3%. On peut déduire alors que la forme juridique de l’entreprise n’est pas un facteur déterminant dans la stratégie de sélection des banques.
Tableau 4 : Statut juridique de l’entreprise et accès au crédit

Accès ou pasStatut juridique de l’entreprise
Personne
Physique
SARLSociété
Anonyme
CoopérativeAutres
Non33,3%28,0%12,3%16,7%42,9%
Oui66,7%72,0%87,7%83,3%57,1%

L’effet du niveau d’études du dirigeant de l’entreprise
La banque peut percevoir le niveau d’études du chef de l’entreprise comme une marque de sa capacité à mieux gérer son entreprise. D’après cette enquête, les chefs d’entreprises les plus éduqués ont plus de chance de voir leur demande acceptée (80,5% pour ceux ayant un niveau d’études supérieur, 74,8% pour ceux ayant un niveau d’études secondaire et 58,8% pour les sans éducation).
Tableau 5 : Niveau d’études du dirigeant de l’entreprise et accès au crédit

Accès ou
pas
Niveau d’études du dirigeant de l’entreprise
Niveau
supérieur
Niveau
secondaire
Niveau
primaire
Pas d’éducation
Non19,5%25,2%25,6%41,2%
Oui80,5%74,8%74,4%58,8%

• L’effet de l’utilisation des machines automatiques
82,7% des entreprises qui utilisent des machines automatiques ont eu accès au crédit contre 71,0% pour celles n’ayant pas de machines automatiques. On remarque donc qu’il n’y a pas de différences significatives entre ces pourcentages. Ce qui laisse à penser que c’est un facteur non déterminant bien qu’il pourra constituer un indicateur de performance de l’entreprise.
Tableau 6 : Utilisation des machines automatiques et accès au crédit

Accès ou pasL’entreprise utilise des machines automatiques
NonOui
Non29,0%17,3%
Oui71,0%82,7%

• L’effet de la taille de l’entreprise
Le tableau 7 montre que la taille de l’entreprise joue relativement sur la décision de la banque d’accorder ou non des crédits aux entreprises. Parmi les entreprises ayant plus de 200 employés permanents, 81,7% ont eu accès au crédit bancaire contre 79,1% pour les entreprises moyennes et 70,2% pour les petites entreprises.
Tableau 7 : Taille de l’entreprise et accès au crédit

Accès ou
pas
Taille de l’entreprise
Petite entrepriseMoyenne entrepriseGrande entreprise9
Non29,8%20,9%18,3%
Oui70,2%79,1%81,7%

• L’effet du secteur d’activité de l’entreprise
On remarque d’après le tableau 9 que les entreprises du secteur de l’industrie alimentaire sont celles qui bénéficient plus que les autres des crédits bancaires (91,7%). Le secteur des machines électriques vient en deuxième position avec 88,9% suivi du secteur de cuir (84,1%) et du secteur du plastique (79,5%). Les autres secteurs à savoir le textile et l’habillement viennent en dernière position avec respectivement 77,0% et 69,1%.
Tableau 8 : Activité de l’entreprise et accès au crédit

Accès ou pasActivité de l’entreprise
AlimentsTextileHabillementMachines
électriques
Produits
Chimiques
PlastiquesCuir
Non8,3%23,0%30,8%11,1%17,1%20,5%15,9%
Oui91,7%77,0%69,2%88,9%82,9%79,5%84,1%

L’effet de la part importée d’équipements en machines automatiques
On remarque que la part de l’équipement importé n’est pas un facteur déterminant pour bénéficier du crédit. En effet, le pourcentage des entreprises ayant bénéficié d’une facilité de découvert par rapport à la part des acquisitions importée n’obéit par à une certaine logique. Elle est de 100% pour les entreprises ayant une part d’acquisition qui varie entre 21 et 40% et de 82,4% pour les entreprises dont la part d’acquisition est compris entre 41 et 60%.
Tableau 9 : Part de l’équipement importée et facilités de découvert

Accès ou pasLa part de l’acquisition importée
0%Entre 1 et 20%Entre 21 et 40%Entre 41 et 60%Entre 61 et 100%
Non28,0%14,3%17,6%20,0%
Oui72,0%85,7%100,0%82,4%80,0%

Lire le mémoire complet ==> (Risque, incertitude et financement des micro entreprises au Maroc
Etude comparatiste avec les entreprises formelles du secteur manufacturier marocain
)

Mémoire pour l’obtention du DESA – UFR « Econométrie Appliquée à la Modélisation Macro et Microéconomique »
Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et sociales – Université Hassan II
_________________________________
5 Le secteur manufacturier marocain à l’aube du XXI ème siècle : résultat de l’enquête pour l’analyse et la compétitivité des entreprises (FACS-Maroc), 2000.
6 La variable « crédit bancaire » a été prise comme proxy de la variable « facilités de découvert ».
7 La variable « montant du prêt » est approximée par la variable « plafond des facilités de découvert »
8 Petites et moyennes entreprises
9 Dans cette classification, on a adopté la définition du « Livre blanc de la PME » (2000). Ce livre propose de diviser les entreprises en grandes, moyennes et petites. Les grandes sont celles qui ont plus de 200 employés permanents, les petites sont celles qui ont moins de 20 employés permanents et enfin les moyennes sont celles qui n’entrent pas dans les deux catégories.
 

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