Campagnes de marketing ethnique et l’industrie alimentaire USA

Des campagnes de marketing ethnique qui touchent aujourd’hui toutes les industries – Section 2 :
L’Amérique du marketing ethnique s’adresse essentiellement à trois grands groupes de consommateurs : les Afro-Américains, les Latinos et dans une moindre mesure les Asiatiques, moins nombreux mais considérés comme des consommateurs modèles. En 2001, les professionnels du marketing ont consacré 2,1 milliards de dollars à cibler les Latinos, 1,5 milliard les Afro-Américains et 254 millions les Asiatiques.5 Dans un pays où beaucoup de minorités ne parlent pas anglais, le marketing ethnique était presque devenu une nécessité aux Etats-Unis. Afin d’étudier les différences de comportement de chaque groupe ethnique en fonction de son degré d’acculturation, les entreprises américaines ont investi des millions de dollars et ont installé des veilles afin d’étudier des focus groupes ethniques. Tous les grands annonceurs du pays se sont ainsi mis à faire du grassroots marketing en profitant d’évènements culturels pour pénétrer les communautés qu’ils désiraient cibler. Savoir quel est le pouvoir d’achat de chaque minorité et déterminer ses habitudes culturelles est essentiel pour mieux cibler les ethnies. Informé de la tradition Afro-Américaine de porter du blanc à la messe le cinquième dimanche du mois, la grande chaîne de magasins JC Penney a par exemple lancé une campagne «tailleurs blancs» dans la presse féminine destinée aux Noires américaines, et les ventes ont décollé. On sait également que les Asiatiques intéressent beaucoup les banques car ce sont de grands épargnants. Peu à peu, toutes les grandes industries américaines vont s’intéresser au marketing ethnique et vont vouloir conquérir les marchés des minorités qu’ils avaient autrefois délaissé.
Aujourd’hui rares sont les professionnels du marketing à ne pas cibler ou envisager de cibler les minorités ethniques. Même l’armée américaine, qui compte 30% de Noirs et 8% de Latinos, a consacré en 2002 15% de son budget publicitaire pour cibler les Latinos du pays. 5 Après les attentats du 11 septembre 2001 et le sentiment anti-arabe qui s’en est suivi, l’US Army a même conçu une campagne marketing qui s’adresse directement aux Arabes-Américains, en langue arabe.
Campagne de recrutement de l'armée américaine
Campagne de recrutement de l’armée américaine
Certaines industries sont toutefois plus concernées et plus actives dans la pratique du marketing ethnique aux Etats-Unis : l’industrie alimentaire et l’industrie cosmétique en tête, suivis par l’industrie automobile et les institutions financières, qui s’intéressent elles aussi de plus en plus à ces marchés en pleine expansion.

I. L’industrie alimentaire

A- Pepsi, l’avant-gardiste

La légende raconte que le premier consommateur de Pepsi était un Noir. En 1898, le créateur de la boisson Caleb Bradhamen avait confié à son assistant Afro-Américain la précieuse tâche de goûter la boisson en avant-première, selon l’histoire officielle. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors que l’armée américaine est encore ségrégée, Pepsi est l’unique soda à distribuer ses boissons aux régiments afro-américains. Dès 1946, la société se lance officiellement dans le marketing ethnique avec comme objectif d’augmenter les ventes de Pepsi dans les communautés noires. En concurrence face à Coca- Cola, Pepsi se positionne alors sur le segment ethnique en faisant du marketing direct au sein des ghettos noirs.
Affiche publicitaire Pepsi
Affiche publicitaire Pepsi mettant en scène Ron Brown, années 1940
En 1948, la compagnie lance sa première publicité ciblant les Noirs américains, avec dans le rôle principal un jeune afro-américain de 7 ans nommé Ron Brown, qui deviendra plus tard Secrétaire d’Etat au Commerce sous la présidence de Clinton. Pepsi signe par la suite un contrat avec le magazine Ebony, le premier du genre pour un annonceur de cette envergure. Puis la compagnie commence à offrir des bourses d’études aux étudiants noirs et sponsorise dans les années 1970 diverses émissions de télévision rendant hommage à l’héritage culturel des Noirs. Précurseur, PepsiCo nomme en 1958 le premier Latino responsable des ventes, Robert Dalmau, puis en 1962 le premier Afro-Américain vice- président d’une entreprise de cette taille, Harvey Russel, et ce malgré les menaces du Klu Klux Klan qui essayera de boycotter la marque. En 1984, Pepsi se lace dans l’entertainment marketing (marketing du divertissement) en réalisant le spot télévisé culte «Jackson Street» avec Michael Jackson, qui deviendra porte-parole de la marque. Pepsi sera également le premier à diffuser un spot publicitaire en espagnol sur une chaîne grand public dans les années 1980. La société continuera de recruter des stars noires dans les années 1990, tout en se tournant de plus en plus vers les Latinos. Pepsi reçoit même en 2001 le prix d’excellence en latino marketing par l’Association National Advertisers. Pepsi ne fait pas seulement du marketing ethnique, mais aussi du marketing urbain en utilisant différentes stratégies selon la tranche d’âge ciblée par exemple. En effet, si les baby-boommers ont pu connaître un univers ségrégatif, leurs enfants n’ont pas envie de voir uniquement des Noirs dans les pubs, tout comme les Hispaniques.
Pour contrer son concurrent, la compagnie Coca-Cola s’est elle aussi mise au marketing ethnique. Afin de séduire les Latinos, adeptes de football, la société a par exemple organisée une «mini coupe du monde» dans les lycées du Texas, Etat à forte population hispanique. Ainsi, la guerre des colas se déroule aussi aujourd’hui sur le terrain du marketing ethnique et les deux géants ne cessent de se battre pour gagner des parts de ces niches markets.

B- Des produits alimentaires transformés

Le secteur de l’alimentation dans sa globalité a dû s’adapter aux changements démographiques du pays. Il était devenu essentiel d’adapter les recettes de leurs produits aux goûts de la nouvelle population américaine. Alors que beaucoup se contentaient de traduire les emballages en différentes langues pour cibler les marchés ethniques, de plus en plus de sociétés se sont mises à créer des produits spécifiquement pour ces cibles. Dès 1913, Procter & Gamble lançait «Crisco», une marque de matière grasse végétale spécialement conçue pour la minorité juive et publiait par la suite un livre de recettes intitulé «Les recettes de Crisco pour la mère de famille juive» en yiddish et en anglais. La minorité hispanique est incontestablement celle qui va avoir le plus d’influence dans l’industrie alimentaire américaine. Certaines marquent conçoivent aujourd’hui des produits spécialement pour les Latinos en espérant que la fascination pour la culture hispanique donne un attrait universel au produit. D’autres modifient directement leurs produits pour les adapter aux goûts des Latinos, habitués aux saveurs épicées. Les chips Doritos Salsa Verde de Frito-Lay, filiale de PepsiCo, ont par exemple connu un tel succès qu’elles sont depuis vendues également au Mexique.32 En 2001, Mars a créé les M&M’s dulce de leche spécialement pour les hispaniques, avec pour slogan «El sabor es hipnotico» («La saveur est hypnotique»). Si le fabriquant de friandises vise avant tout les Hispaniques avec ce genre de campagnes, il déclare aussi vouloir conquérir l’Amérique entière en raison de l’influence majeure qu’exerce la culture latino-américaine aux Etats-Unis.33 L’accord de Libre-échange Nord-Américain (ALENA) dans les années 1990 a aussi facilité l’importation de produits et de marques populaires en Amérique latine. C’est ce qui s’est passé pour Nestlé USA, qui avait déjà cerné le potentiel des Latino- Américains et importait les produits déjà popularisés en Amérique latine dans des marchés à forte population hispanique comme New York et Miami. La compagnie a ainsi consacré 10 millions de dollars à ce marché en 2001 et s’est même mise à développer des produits dérivés conçus spécialement pour les Latino-américains.5
Les grandes chaînes de distribution se sont également mises au marketing ethnique en adaptant leurs points de vente aux goûts et événements des ethnies. L’entreprise Sears s’est par exemple lancée dans le micro-merchandising en «hispanisant» environ 200 magasins stratégiquement situés dans des zones à forte population hispanique en proposant dans ses rayons les produits préférés des Latinos.33
Certains n’ont cependant pas eu besoin de s’adapter aux goûts de la communauté hispanique, puisque leurs produits étaient déjà très appréciés par celle-ci. C’est le cas par exemple de Budweiser qui a toujours été la bière préférée des Latinos. La marque surfe désormais sur le phénomène en engageant majoritairement des Latinos dans ses campagnes de publicité, et en sponsorisant des évènements sportifs et culturels hispaniques, le tout en langue espagnole.
Budweiser, sponsor de la Coupe du Monde de Football 2010
Budweiser, sponsor de la Coupe du Monde de Football 2010
Lire le mémoire complet ==> (Le marketing ethnique «made in USA» est-il transposable au modèle républicain français ?)
Mémoire de recherche – IEP de Toulouse

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le marketing ethnique made in USA est-il transposable au modèle républicain français ?
Université 🏫: Institut d’études politiques IEP de Toulouse
Auteur·trice·s 🎓:
Mlle Soraya Thonier

Mlle Soraya Thonier
Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche - 2014
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