Computer-mediated counseling, Nouveau traitement de santé mentale

Computer-mediated counseling, Nouveau traitement de santé mentale

Partie pratique

Pour cette dernière partie du mémoire, nous avons décidé d’analyser deux études américaines. La première étude compare l’effet du « computer mediated counseling » à celui d’un « traditionnal face-to-face counseling pour des patients souffrant d’anxiété.

La deuxième évalue la qualité de l’alliance thérapeutique sur des patients souffrant de divers problématiques, avec, ici aussi, un groupe face à face et un groupe utilisant Internet. L’impossibilité de réaliser une étude de cas de qualité en Belgique, vu l’inexistence de ce type de démarche thérapeutique dans notre pays, nous a fait choisir d’analyser des recherches existantes.

Si le nombre d’articles sur le sujet de ce mémoire commence à être conséquent, les études sérieuses, elles, sont encore très rares. Nous avons sélectionné la première car elle se préoccupe des différents aspects de l’entretien thérapeutique, nous livrant une évaluation globale. La seconde étude a été retenue car elle évalue un aspect central : l’alliance thérapeutique.

Ces deux études, sélectionnées parmi un choix très limité, nous ont paru être adéquates dans le cadre de cette partie pratique. L’hypothèse de travail est donc le postulat que les entretiens de soutien par Internet sont efficaces malgré l’absence de certains aspects traditionnels (pas d’accès au langage corporel, à la voix,…). Pour mesurer cette efficacité, des critères précis seront définis dans les deux études ci-dessous et évalués puis comparés au groupe contrôle.

1 Computer-mediated counseling: an empirical study of a new mental health treatment

Gary E. Cohen

Barbare A. Kerr

Computers in Human Services vol. 15(4:13-25) 1998

The Haworth Press, Inc.

1.1 Introduction

Comme nous l’indiquent les auteurs, de plus en plus de services thérapeutiques sont proposés sur Internet. Différentes modalités sont proposées, les principales étant la communication synchrone (chat) et la communication asynchrone (email).

La vidéoconférence est très rarement proposée car les moyens techniques ne permettent pas encore aux particuliers d’obtenir une vidéoconférence de qualité. Les auteurs nous précisent que ces approches vont être évoquées sous les termes de « computer mediated counseling » et que leur article va se focaliser sur la communication synchrone.

La prolifération de ces offres thérapeutiques pose de nombreuses questions. Une relation d’aide thérapeutique peut elle vraiment se développer en l’absence de stimuli visuels et auditifs ? Jusqu’à présent, de nombreux programmes informatiques ont été crées pour imiter une interaction thérapeutique (Weizenbaum, 1966 ; Colby, 1975 ; Bluhm, 1988 ; Plutchik & Karasu, 1990).

Les auteurs remarquent que certaines études ont démontré qu’un programme informatique peut, dans certains cas, être aussi efficace qu’un thérapeute. Ils citent le traitement des phobies (Ghosh, Marks & Carr, 1988), la dépression (Selmi et al., 1990) et également la désensibilisation systématique, le biofeedback et l’orientation de carrière professionnelle (Sampson, 1983).

Selon les auteurs, l’expérience sensorielle lors de l’utilisation de ces programmes ou bien lors d’entretien assisté par ordinateur est différente. La différence se situe pour eux dans le fait que les réponses données par un humain ne sont pas des réponses génériques et préprogrammées mais des réponses interactives, personnalisées.

Malgré le nombre croissant de thérapeutes proposant actuellement des thérapies assistées par ordinateur, peu de recherches existent concernant la validité de cette pratique.

On retrouve des études sur les groupes de supports en ligne concernant différentes problématiques : le sevrage de différentes substances (king, 1995) ou encore les victimes d’abus sexuels (Finn & Lavitt, 1994).

Les auteurs citent également l’étude de Parks & Floyd (1996) concernant la qualité des relations en ligne, celle, également, de Walther et Boyd (in press) à propos des motivations pour chercher de l’aide en ligne.

Ils remarquent également que Sander (1996) a relaté de manière anecdotique ses expériences concernant la thérapie de couple par Internet mais qu’on ne trouve pas d’études empiriques à propos du « computed mediated counseling ».

Les premières recherches concernant la communication assistée par ordinateur ont déduit que le style de communication lors de celle-ci était plus formel et dépersonnalisé (Morley & Stephenson, 1977 ; Rutter, 1987) que les interactions en face à face. Les auteurs relèvent néanmoins que, à l’époque de ces études, Internet était principalement utilisé pour la réalisation de tâches particulières et pas pour communiquer ou se divertir.

Depuis l’époque de la rédaction de cette étude, l’utilisation d’Internet a évolué et de nombreuses personnes utilisent Internet à des fins de communication et de divertissement. De nombreuses personnes utilisent maintenant Internet pour trouver des contacts sociaux (Walther & Boyd, in press). A l’heure actuelle, cette remarque est encore plus pertinente qu’à l’époque de la rédaction de l’étude.

D’année en année, de plus en plus de gens apprennent à utiliser Internet quotidiennement et, dans notre société du moins, la majorité des adolescents utilisent régulièrement ce nouveau média.

Utiliser Internet sera bientôt aussi normal et courant que d’utiliser une télévision. La communication assistée par ordinateur diffère de la communication en face à face sur 3 aspects : l’absence du langage non-verbal, un contact plus anonyme et un délai entre les réponses (Spears & Lea, 1992).

D’après Walther (1992), ce type de communication offre un environnement sensoriel réduit, qui donne aux participants un plus grand contrôle sur les informations qu’ils révèlent et plus de latitude pour gérer l’impression qu’ils vont créer chez l’autre, ce qui permet, en quelque sorte, de se présenter de manière sélective.

Les auteurs précisent à juste titre que le thérapeute proposant ses services par Internet devra avoir en tête cette possibilité dont dispose le patient.

Il est évident que certaines informations sont perdues en l’absence de langage non verbal, néanmoins, ce moyen de communication, dans certaines situations, pourrait être préférable à la communication en face à face.

Walther (1996) décrit un phénomène qu’il nomme « hyperpersonal communication ». Etre libéré de certaines obligations sociales (paraitre intéressé, sourire, acquiescer,…) permettrait de libérer certaines ressources cognitives qui pourraient alors être utilisées au choix des mots et à une construction plus évoluée du message.

La présence d’un délai entre les réponses permet, elle aussi, de consacrer plus de temps à construire son message. A ce sujet, il serait intéressant d’étudier les variations de l’état de conscience lors de l’utilisation de l’ordinateur.

Comme nous l’avons expliqué lors du chapitre sur l’effet de désinhibition, Suler pense que l’utilisateur d’un ordinateur entre dans un état modifié de conscience. Il ne va pas plus loin dans cette idée mais nous pensons qu’il serait intéressant d’étudier les conséquences des différents états modifiés de conscience sur la relation et l’individu.

Les auteurs font l’hypothèse que les utilisateurs d’Internet pourraient être plus conscients de leurs processus internes que lors d’une communication en face à face. Une étude (Matheson & Zanna, 1989) qui compare les deux méthodes de communication a trouvé que, lors d’une communication en ligne, les utilisateurs étaient plus conscients de ce qui se passait en eux (la perception de leurs sentiments actuels, leurs attitudes, valeurs et croyances).

Ils étaient par contre moins conscients de leur apparence extérieure (peu d’importance attribuée à l’apparence présentée aux autres ainsi qu’à la comparaison sociale entre le sujet et les autres). Cet état particulier résultant du média pourrait être utile pour l’exploration de soi ou les problèmes personnels.

Le client peut également apprécier le fait que le « computer mediated counseling » est perçu comme plus anonyme que la thérapie en face à face. Rutter (1987) et Wark (1982) ont montré que l’intimité peut être atteinte plus rapidement lors d’un entretien téléphonique que lors d’un face à face.

Wellman (1996) pose l’hypothèse que l’environnement en ligne minimise encore plus les informations sensorielles, ce qui créerait, d’après eux, une illusion d’intimité qui diminue les risques interpersonnels perçus et facilite l’expression de problèmes émotionnels.

Les auteurs remarquent que les patients qui vivent un sentiment de honte ou de culpabilité pourraient bénéficier de cette facilitation d’expression. Interagir avec un thérapeute résidant à l’étranger pourrait également faciliter l’expression d’un vécu difficile à partager.

Les auteurs notent néanmoins qu’un grand désavantage, lors du travail avec un patient anonyme, sera l’impossibilité de protéger la santé du client en cas de crise, vu que le thérapeute n’aura aucun moyen de contacter l’entourage ou le médecin du patient.

Pour les auteurs, un autre avantage possible de l’utilisation de ce média réside dans la réduction possible de l’influence des stéréotypes. Un autre avantage est celui du lieu de l’entretien, plus besoin ici de se déplacer pour parler à son thérapeute.

Les auteurs font également référence à un dernier avantage. Selon eux, certains personnages pourraient éviter la thérapie en face à face à cause de la stigmatisation associée à la psychothérapie.

Malgré les bénéfices potentiels de ce type de thérapie, de nombreuses questions éthiques sont évoquées par les auteurs. Comment garantir la confidentialité ? Comment s’assurer qu’une personne de l’environnement géographique du patient puisse intervenir en cas de crise ? Comment s’assurer que la personne avec qui on communique est bien le thérapeute ou le patient avec qui on est sensé communiquer ? Comment évaluer et diagnostiquer sans observer le langage corporel ? Sur quelles lois se baser lorsque le thérapeute et le client résident dans des pays différents ? Actuellement, les règles de conduite développées par plusieurs organismes permettent de gérer ces différents problèmes.

Enfin, la question éthique la plus importante selon les auteurs, celle qui doit encore être le sujet de recherches, est la suivante : est ce que le « computer mediated counseling » est efficace ? Pour tenter de répondre à cette question, leur étude compare l’impact des entretiens de soutien assisté par ordinateur avec celui des entretiens de soutien en face à face.

Les clients consultent pour des problèmes d’anxiété et sont assignés aléatoirement à l’un ou l’autre groupe. Les entretiens par ordinateur sont synchrones et écrits à l’aide du clavier. Le niveau d’anxiété est mesuré avant et après l’entretien. Les thérapeutes sont également évalués après l’entretien.

1.2 Méthode

Participants

24 étudiants bacheliers d’une université américaine ont été recrutés pour cette étude. Le premier critère de sélection est d’être bachelier, le deuxième d’avoir demandé un soutien pour gérer un problème d’anxiété.

Les thérapeutes sont 6 étudiants de master (en counseling psychology) de cette même université. Pour contrôler l’effet du sexe du thérapeute sur l’étude, tous les thérapeutes sont des hommes. Ils ont été admis après avoir passé un test préalable de vitesse de frappe et après avoir été évalués quant à leur capacité à avoir une discussion fluide par ce type de média.

1.2.1 Instruments

L’anxiété ressentie par les clients a été mesurée par le State-Trait Anxiety inventory (Spielberger, Gorsuch & Lushene, 1970). Cet inventaire mesure l’anxiété ressentie à un moment particulier dans le temps (state anxiety) et l’anxiété ressentie en général dans la vie de tous les jours (trait anxiety).

Le patient se voit présenter des affirmations (ex : je me sens anxieux) et est invité à les coter sur une échelle de 1 à 4 suivant leur exactitude. Chacune des deux échelles est constituée de 20 items. Le score minimum est de 20 (anxiété minimum) et le score maximum de 80 (anxiété maximum). Lors de cette étude, seule la première échelle (state anxiety) sera utilisée.

Les clients ont utilisés le Counselor Rating Form (Barak & Lacrosse, 1975) pour évaluer 3 aspects du thérapeute ( exprertness, attractiveness & trustworthiness). Ce questionnaire est constitué de 12 items sous forme d’échelle de Likert à 7 points (exemple d’item : chaleureux). Un second inventaire a été proposé après l’entretien : le Session Evaluation Questionnaire (Stiles & Snow, 1984).

Celui-ci évalue 4 aspects de l’entretien (depth, smoothness, positivity, arousal). Ce questionnaire est constitué de 21 items sous forme d’échelle de Likert bipolaire à 7 points (ex d’item: agréable – désagréable).

Les clients ont également rempli le Computer Usage Survey (créé par les auteurs). Celui-ci évalue l’expérience et le confort avec l’ordinateur et Internet. Les clients ont été invités à spécifier la fréquence de leur utilisation de l’ordinateur ainsi que la fréquence de leur utilisation d’Internet.

Le questionnaire demande également de spécifier si on possède un ordinateur à la maison. Les clients sont invités à estimer leurs sentiments vis-à-vis de l’ordinateur (sur une échelle de 0 à 10 allant de très négatif à très positif). Enfin, ils doivent évaluer leur vitesse de frappe en choisissant une des 5 possibilités suivantes : « faster than most », « faster than average », « average », « slower than average » & « slower than most ».

1.2.2 Structure

Les clients ont été aléatoirement assignés à une session de « face to face counseling » (FTF) ou « computer mediated counseling » (CM). Les variables indépendantes de cette étude sont : le mode d’entretien (face à face ou assisté par ordinateur) ainsi que le temps (avant et après la session). Les variables dépendantes étudiées sont l’anxiété ressentie (avant et après l’entretien), la perception du thérapeute par le patient et la perception de l’entretien.

1.3 Procédure

Lors d’une interview préliminaire, les auteurs ont expliqué aux clients que différentes méthodes de thérapie étaient étudiées dans le traitement de l’anxiété. Les clients ont du signer des documents de consentement. Avant de rencontrer leur thérapeute, ils ont complété le State-Trait Anxiety Inventory et le Computer Usage Survey, ils ont ensuite été amenés dans une pièce où les attendait leur thérapeute ou un ordinateur.

Ceux qui allaient utiliser l’ordinateur ont reçu quelques explications sur le fonctionnement du programme de discussion (chat), ils ont ensuite attendu un message du thérapeute signifiant le début de l’entretien.

Les thérapeutes des deux groupes ont suivi une procédure standardisée lors de l’entretien. Celui-ci avait la forme d’une interview semi-structurée, approximativement divisée en 3 parties : prise de contact et identification du problème, exploration du problème et enfin discussion à propos des solutions possibles. Le thérapeute commencerait par encourager le client à identifier les types de situations qui causeraient l’anxiété.

Le client choisirait alors le problème le plus important et celui-ci serait l’objet du reste de l’entretien. Le thérapeute guiderait alors le client lors d’une exploration plus profonde du problème en le questionnant sur l’intensité, la durée, la fréquence et les conséquences physiques du problème. Il l’interrogerait également sur les tentatives de solutions que le client a mis en place, et enfin explorerait avec lui les solutions possibles.

Les questions du thérapeute seraient aussi ouvertes et non-directives que possible. En conclusion de l’entretien, le thérapeute évaluerait l’importance de la difficulté du client à surmonter son anxiété, proposerait d’orienter le client vers une thérapie ou une aide médicale si nécessaire et enfin encouragerait le client à continuer d’utiliser les tentatives de solutions qui ont été efficaces.

Après l’entretien, les clients compléteraient le Counselor Rating Form, le Session Evaluation Questionnaire et le State-Trait Anxiety Inventory (seulement la partie concernant la « State Anxiety »). En dernier lieu, on présenterait au client les services psychologiques disponibles localement.

1.4 Résultats

Une analyse de variance (ANOVA) a été effectuée sur les scores obtenus au « state anxiety » par tous les participants avec le temps (avant et après l’entretien) ainsi qu’entre les sujets et le mode d’entretien (assisté par ordinateur ou en face à face) et encore entre les sujets eux même.

Aucun effet d’interaction n’a été trouvé entre le temps et le mode d’entretien sur la « state anxiety » des participants (F (1,22)=0.19, p=.67). Cela signifie que les 2 modes d’entretien ont à peu près le même effet sur l’anxiété des participants.

Un effet principal a été trouvé pour le facteur temps : il y a une baisse significative de l’anxiété après l’entretien par rapport à avant. (F (1,22)=40.57, p <.001). Aucun effet principal n’a été trouvé pour le mode d’entretien (F (1,22)=0.04, p=.85), ce qui indique que l’anxiété mesurée après l’entretien n’a pas été influencée de manière significative par le mode d’entretien (assisté par ordinateur ou face à face). Les moyennes et déviations standards sont indiquées dans le tableau 1 et un résumé des données utilisées jusqu’ici se trouve dans le tableau 2.

image0012 1

Computer-mediated counseling, Nouveau traitement de santé mentale

Des analyses de variances multivariées (MANOVAs) ont été réalisées pour mesurer les cotations attribuées par les clients à leur thérapeute et à la session. Les clients du groupe FTF (face à face) ont attribué une cote significativement plus haute à leur entretien concernant l’excitation (arousal) que ceux du groupe CM (assisté par ordinateur) (F(1,22)=6.69, p=.017).

Le résultat n’indiquait pas de différence significative entre le groupe FTF et le groupe CM pour ce qui concernait la cotation de l’entretien au niveau de l’indice « depth » (F (1,22)=0.25, p=.63), au niveau de l’indice « smoothness » (F (1,22)=0.002, p=96) ou « positivity » (F(1,22)=0.003, p=.96). Les moyennes et déviations standards pour chaque groupe sont contenues dans le tableau 3 et un résumé des données utilisées par les MANOVAs se trouvent dans le tableau 4.

Computer-mediated counseling

Computer-mediated counseling

Aucune différence significative n’a été trouvée entre la cotation de expertness (F(1,22)=0.10, p=.75), il en va de même pour attractiveness (F(1,22)=0.59, p=.45) et de trustworthiness (F (1,22)=0.59, p=.45), ce qui signifie que la présence physique ou non du thérapeute et du client dans la même pièce n’a pas d’influence sur ces traits. Les moyennes et déviations standards pour chaque groupe se trouvent dans le tableau 5 et le résumé des données utilisées par les MANOVAs se trouve dans le tableau 6.

Nouveau traitement de santé mentaleimage007 1

Nouveau traitement de santé mentale

Le confort et l’expérience avec les ordinateurs ont été évalués également. Les résultats indiquent que l’échantillon montrait une utilisation d’Internet plus importante que la moyenne américaine. Intelliquest Information Group, Inc. (1998) a trouvé que 30% des citoyens américains âgés de plus de 16 ans utilisaient Internet. A l’heure actuelle, ce pourcentage est beaucoup plus élevé.

Selon Tom Paper (2007), 70% de la population d’Amérique du nord et 40% de la population européenne utiliseraient Internet actuellement. Ces statistiques sont approximatives mais montrent bien à quel point l’usage d’Internet s’est généralisé lors de ces 10 dernières années. 63% de l’échantillon de Cohen & Kerr ont accès à Internet à la maison et 88% à l’école. Ces résultats sont détaillés dans le tableau 7.

Nouveau traitement de santé mentale

1.5 Discussion

L’étude de ce petit échantillon a permis d’obtenir des informations intéressantes, il est néanmoins important d’étudier les réactions de différents groupes ethniques et socioéconomiques à ce type d’entretien thérapeutique.

L’échantillon utilisé ici était assez homogène et ne peut pas être généralisé. Malgré ces limites, il est intéressant de remarquer une baisse uniforme de l’anxiété ressentie par les clients suite à l’entretien, et cela avec ou sans l’utilisation de l’ordinateur comme média de communication. Les clients ont également coté plus ou moins identiquement leur thérapeute en ce qui concerne les 3 indices suivants : « trustworthiness, expertness & attractiveness » quel que soit leur groupe.

Si les mérites des entretiens de soutien en face à face visant une réduction de l’anxiété ont été démontrés au fil du temps, il semblerait, d’après les résultats obtenus, qu’une seule séance pourrait également être efficace pour réduire l’anxiété ressentie par les clients.

Les auteurs remarquent que l’indice « expertness » pourrait avoir été influencé, dans le groupe CM, par le fait que le caractère asynchrone de la conversation a permis aux thérapeutes de formuler chaque phrase avec une grande précision.

En ce qui concerne l’indice « attractiveness », les auteurs font l’hypothèse que les participants pourraient avoir attribué des caractéristiques attractives aux thérapeutes pour remplacer les informations sensorielles inaccessibles (voix, apparence physique, …). Il se peut donc qu’ils aient jugé une version imaginaire du thérapeute. Celle-ci pourrait être idéalisée si le texte échangé a paru chaleureux et sincère.

Ces attributions pourraient avoir remplacé la chaleur humaine perçue lors d’un entretien en face à face. Les auteurs posent à juste titre cette hypothèse du thérapeute imaginé.

Elle s’accorde avec les hypothèses de Suler que nous avons présenté précédemment dans le chapitre concernant l’effet de désinhibition en ligne. Comme le dit Suler, le client juge une vision imaginaire du thérapeute, qui est, selon lui, « introjectée » dans le psychisme du client. Le client imaginerait tout ce qu’il ne connait pas du thérapeute et l’intégrerait dans cette image mentale.

L’indice « arousal » plus élevé dans le groupe FTF pourrait être expliqué par la proximité physique et la plus grande variété de stimulations sensorielles. Certaines études montrent qu’une excitation élevée peut être associée avec certains bénéfices comme de meilleures performances (Matthews et al., 1990), une mémorisation plus efficace (Maher & Van Giffe, 1988) ou encore un plus grand désir de s’affilier avec l’autre ( Dube et al., 1995).

Néanmoins, certains états particuliers comme l’hypnose ont également démontré leur efficacité. Concernant les bénéfices d’une excitation élevée, on pourrait ajouter un éventuel point négatif : si cette excitation baisse avec le temps, le patient pourrait être déçu ou désintéressé par la disparition de cet aspect de la relation.

Si elle est absente dès le début, il y aurait donc plus de stabilité dans le temps. Il pourrait être intéressant d’étudier les effets de l’excitation ainsi que ceux de ses variations.

De nombreuses personnes qui sont en souffrance se retrouvent dans l’impossibilité de se présenter chez un thérapeute. D’autres encore, pour diverses raisons, n’en ont pas l’envie. Le fait que ces entretiens soient plus anonymes qu’un entretien en face à face pourrait aider les clients à parler de choses personnelles et les aider à baisser leurs défenses suffisamment que pour bénéficier d’un soutien thérapeutique.

Les introvertis, par exemple, pourraient apprécier le mode de fonctionnement des entretiens assistés par ordinateur et particulièrement le fait qu’ils auront plus de temps pour répondre et donc plus de temps pour réfléchir.

Beauvois et Eledge (1996) ont trouvé que les introvertis avaient une inclinaison positive vis-à-vis de la communication par ordinateur car elle leur offrait plus de temps pour répondre.

Les clients qui ont peu de temps à consacrer pourraient également apprécier le fait qu’ils peuvent consulter sans se déplacer. Enfin, le thérapeute peut également bénéficier de ce temps de réponse pour mieux construire le message qu’il va faire passer au client.

Les auteurs remarquent également que ce type d’entretien a des similarités avec la journal-thérapie. Les entretiens de soutien psychologique par Internet pourraient combiner les avantages de la journal-thérapie avec ceux d’un contact humain individualisé fourni par un professionnel de la santé mentale, et cela en optimisant le temps consacré à l’entretien. Les auteurs ont remarqué avec justesse la présence de ces similarités, et nous renvoyons ici le lecteur au chapitre concernant l’écriture thérapeutique.

Les entretiens de soutien par ordinateur pourraient aider à fournir des services de santé mentale à une plus grande variété de gens. Il reste beaucoup à apprendre concernant les types de gens pour qui cette forme de traitement serait bénéfique ainsi qu’à propos de ses avantages et désavantages.

Les auteurs concluent en disant que les clients ayant besoin d’un soutien émotionnel important pourraient penser que la communication par ordinateur n’est pas un substitut adéquat aux interactions en face à face mais que ce type de communication interposé pourrait plaire à des clients plus indépendants, intéressés par le développement personnel ou faisant face à des problèmes spécifiques.

Comme le pense la majorité des professionnels de la santé mentale, cette forme d’entretien thérapeutique n’est pas assimilable à une forme de psychothérapie. Le terme « counseling », dont nous n’avons aucune traduction française, rend bien compte de cette forme de travail thérapeutique qui s’approche de ce que nous appelons entretiens de soutien, bien que cette traduction reste fort approximative.

Le présent article nous montre néanmoins que ce « counseling » par Internet pourrait réellement être thérapeutique. Tous les aspects de notre société évoluent avec la technologie, et la psychologie ne fait pas exception.

Ce type de « counseling » est déjà pratiqué par de nombreux thérapeutes. D’après les auteurs, qui citent Martha Ainsworth, plus de 70 sites web proposaient leurs services de counseling par Internet en 1998.

Cette même source, en 2001, avait référencé 300 sites, plusieurs « E-clinic » et 500 thérapeutes indépendants proposant des services d’E-therapy. Comme le montrent ces chiffres, ce service prolifère rapidement.

Il nous parait donc indispensable de continuer à l’étudier. Parmi de nombreux aspects à explorer, l’influence de la personnalité et des pathologies psychiatriques sur la relation thérapeutique par Internet nous semble importante, et absente des recherches actuelles.

Ces 2 expressions peuvent se traduire approximativement par « entretien de soutien psychologique assisté par ordinateur » et « entretien de soutien psychologique en face à face »

Pour un rappel sur l’importance de l’alliance thérapeutique et ce qu’on en sait actuellement : Michaël Villamaux (2000), http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/Recherche/PLR/PLR25/PLR25.html#6

Au cours de cette étude de cas, le contenu de l’article, traduit, synthétisé et remanié sera indiqué en italique pour éviter toute confusion avec les propos de l’auteur de ce mémoire. La traduction se veut la plus proche possible du contenu original mais il est souvent nécessaire de reformuler les propos pour qu’ils soient cohérents, ce texte est donc, inévitablement, une synthèse arbitraire des idées de Cohen et Kerr.

Les auteurs citent Metanoia, un répertoire en ligne des services thérapeutiques qu’on peut trouver sur Internet. Ce site est maintenu par Martha Ainsworth, une des membres fondateurs de L’ ISHMO. En 1998, les auteurs y ont trouvé plus de 70 sites web référencés.

Nous avons trouvé un psychanalyste (Jean Pierre Begue) en France qui propose, entre autre, une psychanalyse par vidéo conférence (seul le patient utilise la webcam, l’analyste, lui, reste invisible). Son site web se trouve à l’adresse suivante : http://begue1.chez-alice.fr/Cyberpsy.html.

Ces termes se traduisent approximativement par « entretien de soutien assisté par ordinateur ».

Walther utilise le terme « selective self-presentation »

Traduction approximative de « increased salience of personal feelings, attitudes, valuers and beliefs)

Traduction approximative de « public self-awareness »

Traduction approximative de « lack of importance of physical appearance and motives involving self-presentation and social comparison.

Il n’est pas précisé le sens de « personnal issues » que nous traduisons par problème personnel, mais nous pensons que cela fait référence aux problèmes de la vie de tous les jours, et pas aux problèmes pathologiques. Nous n’avons pas réussi à nous procurer l’article pour vérifier.

Ils citent uniquement des stéréotypes basés sur la vision (en lien, par exemple, avec la couleur de peau ou l’attirance physique).

Se référer au précédent chapitre consacré aux règles de conduites pour plus de détail.

La discussion se fait en temps réel, par chat.

Les universités américaines proposent différents types d’études en psychologie. Principalement : le doctorat en psychologie, le master en psychologie clinique et le master en « counseling psychology ». Ce dernier concerne surtout la partie de la psychologie qui n’est pas liée aux pathologies mentales graves. Ces « conseillers » réalisent des entretiens de soutien ou des guidances orientées vers la résolution de problèmes particuliers. Pour plus d’information sur les distinctions entre ces études, difficiles à résumer ici, consulter cet excellent site : http://www.guidetopsychology.com/cln_cns.htm

80 mots en moins de 2 minutes et demie.

Pour éviter de biaiser le lecteur en traduisant approximativement ces termes, ils seront laissés tels quels dans le texte. Expertness fait référence à la compétence du thérapeute, attractiveness à l’attraction (générale, pas sexuelle) perçue par le client vis-à-vis du thérapeute et trustworthiness à la perception du thérapeute en tant que personne de confiance.

Ces termes ne seront pas traduits dans le texte. Depth signifie profondeur, smoothness signifie fluidité, positivity fait référence à l’aspect positif et arousal signifie excitation (générale, pas sexuelle).

Ces termes se traduisent par : plus rapide que la plupart ; plus rapide que la moyenne ; dans la moyenne ; plus lent que la moyenne ; plus lent que la plupart.

Les termes originaux sont : introductions and issue identification, issue exploration, discussion possible solutions.

Par souci de clarté, les tableaux sont repris tels quels

Statistiques prises sur le site data360 : http://www.data360.org/graph_group.aspx?Graph_Group_Id=315

Nous avons tenté ici de traduire l’idée suivante: « Expertness ratings in CM counseling may have been impacted but the counselor’s ability to edit awkward phrasing outside of the client’s view.

Dans l’un comme dans l’autre, le client écrit de manière ininterrompue à propos de ce qu’il pense et de ce qu’il ressent.

Martha Ainsworth ainsi que certains membres de l’ISHMO utilisent le mot E-therapy pour faire référence au counseling par Internet. Son site reprenant une liste des adresses Internet offrant ce type de service se trouve à l’adresse suivante : http://www.metanoia.org/

Il nous semble également important de faire une étude plus large permettant de généraliser les résultats à la majorité des clients. Enfin, à ce jour, aucune étude n’évalue ce type d’entretiens thérapeutiques par Internet sur la longueur. Il parait évident qu’un soutien psychologique ne se limite pas à la prise de contact et à la première rencontre, mais qu’il est également un processus progressif qui doit être étudié sur la durée.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top