La cité domestique : chaîne de dépendances personnelles

La cité domestique : chaîne de dépendances personnelles

II. La cité domestique ou la grandeur que confère la position dans une chaîne de dépendances personnelles

Principe supérieur commun : Origine, Tradition, hiérarchie

BruSEL est en principe rétif à toute hiérarchie. Les membres sont placés à égalité : chacun peut ainsi se proposer de participer aux échanges et aux décisions qui se prennent au sein d’une assemblée souveraine. Cependant, la référence aux fondateurs (ou aux anciens) est parfois utilisée pour asseoir la légitimité d’un jugement. Puisque ce sont eux qui ont créé la charte, le fait de changer un des articles revient inévitablement à s’opposer à l’esprit des débuts.

La position des p.i. 1 et 10 dans le débat un numéro par membre illustre bien cela : toutes d’eux relativement anciennes dans le système, elles s’opposèrent à la transformation de la règle un numéro par toit. Ne voyant pas de « raison de changer », elles se refusent à remettre la règle en question.

Bien que la structure de BruSEL soit horizontale, quelques traces de la hiérarchie des qualifications sont encore tangibles : on ne dispose pas du temps de l’architecte aussi facilement qu’on pourrait disposer de celui de la sophrologue. Les modes d’expression du jugement de type domestique apparaissent parfois en filigrane au sein des relations entre membres. C’est là souvent le point de départ des conflits : des membres peuvent se sentir méconnus, moins demandés, et – exceptionnellement – traités comme des domestiques.

Etat de grandeur : Supériorité hiérarchique

Nous avons distingué deux voies d’introduction de hiérarchie dans le réseau :

i. Le beau parler : les qualités oratoires d’universitaires ou de grandes gueules amènent parfois à ce que des décisions soient prises sans que les personnes moins habituées à ce genre d’exercice aient pu faire valoir leurs idées. Il est arrivé qu’elles se fassent piéger.

ii. Le manque de participation : Bien que la structure du réseau soit réticulaire, le déficit de participation amène à ce que la décision se retrouve concentrée dans un petit nombre de mains. La philosophie peut ainsi se perdre.

Dignité : Habitude (elle rend les convenances naturelles)

Il y a dans BruSEL un petit nombre de devoirs minimaux qui ont peu ou prou trait au monde domestique et auxquels on ne peut se soustraire : C’est là le prix que chacun a à payer pour ne pas nuire à ses relations personnelles. Les habitudes qu’il convient d’adopter sont peu nombreuses, On demande aux membres « la moindre des politesses », c’est-à-dire répondre aux sollicitations, ne serait-ce que pour décliner l’invitation, rester social, poli, gentil, cordial, convivial, et rester correct à l’égard du système, ne pas profiter et aller ainsi à l’encontre de son esprit.

Répertoire des sujets : Chaîne des générations

Il n’y a pas vraiment de continuité à ce niveau. Beaucoup de membres fondateurs ont quitté le SEL ; par conséquent, il y eut un certain roulement au niveau de la coordination : c’est-à-dire que des nouveaux ont pris la relève sans pour autant être des proches des anciens.

Au niveau du groupe entier, force est de constater qu’il est plus hétérogène qu’au départ. Avec l’assouplissement de la règle d’adhésion par cooptation, le public s’est en effet fortement diversifié, ce qui est unanimement applaudi par les membres en tant que cela permet en principe un large brassage socio-culturel et en tant que cela conforte – de facto – le caractère exceptionnellement démocratique de BruSEL.

Mais à côté de ses nombreuses éloges, subsistent quelques critiques : BruSEL est parfois qualifié de trop hétérogène, c’est-à-dire que l’on y rencontre parfois des gens avec qui l’on a trop peu d’affinités, ou qui sont trop marginaux.

Répertoire des objets : Règles de savoir-vivre

Les règles de savoir-vivre existent en petit nombre (cf. supra) : le réseau fait en général la part belle à l’informel, la spontanéité, la souplesse, la légèreté etc.

Formule d’investissement : Renoncer à l’égoïsme

L’importance du renoncement à l’égoïsme est principalement évoquée par les p.i. 5, 8, 10 et 12. On valorise ce qui est animé par des motivations non-pécunaires, tout ce qui tient à l’altruisme, au don de soi, au bénévolat etc. L’idée est de dire que mon intérêt engage non seulement les liens aux choses que je possède, mais également les liens aux personnes que je côtoie. Mais ici comme ailleurs l’idée ne fait pas nécessairement l’unanimité, ainsi la p.i. 3 dit avoir l’intuition qu’il y a des gens qui sont fort en négatif qui « ne veulent pas donner » [3.314]

Rapports de Grandeur : Respecter, être responsable

Le respect se décline principalement sous les formes suivantes : (i) Respect des disponibilités de chacun, des décisions de chacun, de la différence ; (ii) respect qui s’exprime à travers le refus des rapports inégalitaires, domestiques; (iii) La responsabilité à l’égard de ses engagements est généralement appréciée.

Relations naturelles : Commerce des gens bien élevés, recevoir une bonne éducation

L’éducation réside moins dans la reproduction d’une mentalité que dans un changement de mentalité. Quelques petites règles de savoir-faire s’avèrent toutefois nécessaires : le disponibilité, le respect, la responsabilité, l’amabilité, la gentillesse et la convivialité.

Figure harmonieuse : L’âme du foyer, l’harmonie de la vie familiale

Les bruseliennes, évènements moins formels et moins sérieux que les traditionnelles AG, sont des moments de fête, des occasions de prendre contact, de se rencontrer, parfois même de tisser des liens d’amitié. Mais elles ne sont pas pour autant identifiées aux réunions d’un cercle d’amis. Tout n’y est pas toujours rose, tout le monde ne s’y entend pas avec tout monde. Il y a des cons, des gens limités, des gens pas sympas, des personnes avec qui on n’accroche pas.

Epreuve modèle : Cérémonie familiale, situation mondaine

Les deux grands espaces mondains de BruSEL sont les bruseliennes (cf. supra) et les AG (cf. infra). L’épreuve consiste à parvenir à s’y faire connaître et reconnaître, faire en sorte que les autres membres s’y intéressent à ce que l’on fait.

Mode d’expression du jugement : Appréciation

Dans les échanges, le mode d’expression du jugement est souvent du type de l’appréciation : on doit choisir les activités que l’on aime faire, on ne rend un service que si on le désire. « Gai », « sympathique » ou « chouette » sont donc des qualificatifs régulièrement attribués au système, aux fêtes et aux échanges. Mais il arrive aussi d’entendre qu’un membre n’a pas eu satisfaction. Il y a parfois des échanges qui se passent mal, des tensions.

Formule de l’évidence : Exemple (de conduite exemplaire)

Coordinateurs, fondateurs

Elles voient également dans cette proposition quelque chose qui s’apparente à une volonté de contrôle, de responsabilisation ; une « logique de marché ».

Certains membres peinent parfois à se faire à l’idée que l’organisation n’a pas de « chefs », pas de direction, pas de hiérarchie. Ainsi, la responsabilité du bon fonctionnement du SEL est parfois placée sur les épaules des coordinateurs comme s’ils étaient des chefs ou des responsables administratifs : « Oui mais vous ceci ou vous cela, et non pas nous, comme si c’était eux du SEL quand ça ne va pas (…) ; on n’a pas l’habitude d’appartenir à un réseau où il n’y a pas de local, il n’y a pas une institution avec des gens, des noms, un numéro de téléphone à appeler en cas de difficulté » [8.279].

Les bruseliennes sont des réunions gaies, festives, informelles, conviviales. Ce sont des moments agréables dont on profite collectivement, avec de quoi manger et de quoi boire. Un répondant a cependant émis un peu de réserve par rapport à ces réunions qualifiées de peu engageantes, un peu sales et marginales.

État du petit et déchéance de la cité : Laissez-aller, sans-gêne, vulgaire

1) Les personnes qui ignorent les sollicitations qu’on leur fait, qui ne répondent même pas ou ne respectent pas leurs propres engagements.

2) Les membres qui sont fortement endettés auprès de SEL suscitent parfois un brin de suspicion. Le fait de profiter du système est considéré comme pas très correct ; c’est à éviter car c’est contre l’esprit du groupe. Mais c’est un phénomène dont il semble falloir s’accommoder : certains craignent de voir leur nombre augmenter, d’autre perçoivent le problème avec plus de détachement et de légèreté :

< p>3) Les membres irrespectueux : « un conflit une fois (…) avec une personne qui était assez franche et assez directe, et où le contact s’est mal passé et où c’est devenu assez agressif verbalement…» [6.358]. « Le risque est toujours là que ça ne se passe pas bien » [5.547] mais généralement, l’échange se passe sans heurts, les conflits sont rares.

4) Les personnes marginales, le côté marginal du mode de vie, la saleté, l’environnement malsain.

5) Les mauvais payeurs

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