Politique sociale générale des IMF du réseau de l’Amucss

III – L’IMF face à des formes d’appropriations différentes

L’appropriation de l’IMF par la population est un point central pour évaluer la portée des actions de l’IMF. Pour évaluer cette appropriation, deux éléments vont être à étudier : la gouvernance des IMF et les pratiques informelles des populations locales.

L’analyse de la gouvernance va en premier lieu montrer comment le contexte d’implantation de l’IMF influe sur les relations entre IMF et bénéficiaires. A San Agustín Loxicha, le positionnement de l’IMF était clairement ciblé sur les paysans. Ils ont donc consacré un temps important à expliquer leur fonctionnement et leur démarche auprès des populations indigènes marginalisées.

Le fait que tous les employés soient originaires du Municipe et parlent tous la langue indigène locale a, sans aucun doute, permis une certaine proximité sociale et culturelle, indispensable pour instaurer une relation de confiance entre l’IMF et la population cible. Aujourd’hui, la microbanque semble intégrée aux pratiques financières locales et répondre aux besoins de la population.

A Totolapa, moins d’attention et d’intérêt ont été porté envers la communauté. Les promotions ont été réalisées au début de l’implantation de l’IMF et uniquement en espagnol. Ce fonctionnement s’est traduit par une certaine méfiance de la part de la population locale qui freine l’intégration de l’IMF dans la communauté. La population se plaint toujours du manque d’information et de clarté sur le fonctionnement de l’IMF. La gouvernance est en partie responsable de cette incompréhension entre besoins des bénéficiaires et services de l’IMF.

Les pratiques informelles nous informent, quant à elle, sur le fonctionnement préexistant à l’IMF. Elles indiquent les habitudes de la population et peuvent nous aider à comprendre comment les services proposés par l’IMF s’intègrent, plus ou moins bien à ce fonctionnement.

A San Agustín Loxicha, prédominaient des pratiques liées à la culture du café. Les paysans avaient l’habitude de demander une avance sur récolte à l’acheteur, et, l’on peut observer que les demandes en crédit émanent aujourd’hui principalement des paysans. De plus, il existe une variété d’acteurs financiers informels. Dans ce contexte, la population intègre l’IMF comme un acteur supplémentaire.

A Totolapa, depuis que la migration s’est largement développée, les migrants sont devenus les principaux acteurs du réseau informel. La facilité des transactions et des communications a rendu possible la rapidité des envois d’argent en cas de besoin. Ils sont donc souvent sollicités. La présence de l’IMF a, en partie, influé sur les pratiques d’épargne qui se réalisent aujourd’hui davantage à la microbanque.

1 – La gouvernance des IMF en question

L’appropriation est le processus d’adaptation et d’interprétation en œuvre lors de l’implantation d’un projet. Dans le cas d’un organisme de microfinance, au lieu de venir remplacer une forme d’organisation, des habitudes, des normes qui assurent, en fait, une certaine reproduction des sociétés, l’IMF est généralement l’objet d’une réappropriation de ces services en vue de les intégrer au système préexistant.

Tous les réajustements nés de ce processus participent au mécanisme d’appropriation que suscite tout projet extérieur à la communauté. Pour analyser ces mécanismes, nous avons choisi de nous appuyer sur une approche basée sur l’information. L’information constitue, en effet, le cœur stratégique dans ce processus d’appropriation. Il s’agit non seulement de la transmettre mais également de la traduire.

Les agents de développement jouent, dans ce sens, un rôle d’interprète qui leur confère une position stratégique. L’étude de la gouvernance est donc centrale pour comprendre la position de l’IMF. La gouvernance peut s’analyser à différents niveaux.

Le niveau qui nous intéresse ici concerne la relation IMF/bénéficiaires et nécessite de prendre en compte « l’ensemble des acteurs en jeu » (salariés, dirigeants, clients, bailleurs, banques partenaires, Etat, etc.), et « des formes d’organisations destinées à « gouverner » (systèmes comptables et d’information, mode de prise de décision et modes de coordination, capacité d’exécution, systèmes de contrôle, etc.) ». « Par ailleurs, il s’agit de comprendre comment ces éléments peuvent s’adapter dans des contextes socio-économiques différents.

Les critères de performances de la gouvernance jugent alors des capacités à définir les grandes orientations, à tenir le cap (notamment pour la microfinance le public concerné, les produits financés et le type d’institution), à s’adapter rapidement aux modifications de l’environnement et à prévenir et surmonter les crises. » (Lapenu, 2002) De ce point de vue, la gouvernance apparaît comme un facteur central de réussite ou d’échec du projet de l’IMF.

L’attention portée à la gouvernance demande en effet de s’intéresser à tout un aspect social de la microfinance. La confiance et la proximité sont des éléments indispensables à analyser pour comprendre les modes de gouvernance et la relation entre l’IMF et ses bénéficiaires.

Sabrina Djefal (Djefal, 2007) défend l’hypothèse que c’est dans le lien social tissé qu’il va être possible de comprendre l’adéquation d’une organisation avec la population. La phase de construction va être déterminante pour établir un bon contact avec la population et entretenir des relations de confiance.

1.1- Politique sociale générale des IMF du réseau de l’Amucss

Principes directeurs des Microbanques rurales

« Le Microbanque est une institution d’intermédiation financière qui cherche à fournir des services financiers aux populations pauvres du Mexique, avec une orientation spéciale envers les communautés indiennes marginalisées.

L’objectif du microbanque est de proposer un service financier à des populations traditionnellement exclues soit pour des raisons géographiques (isolement des zones rurales) soit pour des raisons économiques et sociales (discrimination envers les pauvres, les indigènes, les femmes, les jeunes, etc.). » (Cruz I., Bouquet E., 2002)

La Microbanque fonctionne selon un modèle de coopérative financière. Son rôle est de mobiliser non seulement des ressources financières mais aussi le capital humain et social disponible dans l’environnement micro-régional et communautaire dans laquelle elle se trouve.

Les employés de la Microbanque sont originaires de la zone desservie et doivent se retrouver dans le groupe linguistique local. Chaque client devient adhérent de la coopérative et ce sont les épargnes des uns qui permettront le crédit des autres.

L’ensemble de ces principes doit permettre une identification de la population envers l’organisme de microfinance et responsabiliser ses adhérents pour assurer la construction de la Microbanque et sa pérennité sur du long terme.

Les produits financiers proposés doivent permettre à n’importe quelle personne d’ouvrir un compte d’épargne, de contracter un petit crédit, de changer un chèque, indépendamment de sa position sociale ou de son niveau économique. La politique générale de ces microbanques est de donner la priorité à l’épargne. C’est le produit financier privilégié car il contribue à la solidité institutionnelle du Microbanque.

Pour impulser au maximum cet épargne, le montant minimum pour ouvrir un compte est de 50 pesos (2,7€), ce qui est de 10 à 20 fois moins que dans une banque commerciale. L’objectif est de se positionner comme une institution financière ouverte et accessible, avec un fort ancrage dans la communauté.

En parallèle de cette organisation locale, chaque Microbanque appartient à un réseau, souvent délimité par l’Etat qui est lui-même intégré au réseau plus large de l’Amucss. L’organisation en réseau à travers l’Amucss a plusieurs avantages.

Elle permet de créer une économie d’échelle, de partager les ressources collectives en termes de système d’information informatique, d’apporter une assistance technique, et d’assurer une intégration financière, élément central dans le fonctionnement d’institutions qui mobilisent des dépôts d’argent.

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