L’impact d’ICH en Europe
II-2 L’impact d’ICH en Europe
II-2-1 La nature juridique des : la recommandation
L’impact d’ICH au sein de la Communauté Européenne dépend de la nature juridique des guidelines.
Les notes explicatives ou lignes directrices issues d’ICH sont soumises au Comité des Spécialités Pharmaceutiques pour approbation quand elles ont atteint l’étape 4 du processus ICH, et sont ensuite recommandées par le CSP.
En droit communautaire l’élaboration de certaines lignes directrices est prévue par un acte juridique européen qui peut être soit un règlement ou une directive.
Le règlement est un acte de portée générale, obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tous les Etats membres.
La directive est un acte liant les Etats membres de la Communauté Européenne destinataires quant au résultat à atteindre, tout en leur laissant le choix des moyens et de la forme.
D’autres notes explicatives sont élaborées sans qu’il n’existe de nécessité légale à cette élaboration. Elles constituent alors des recommandations dont l’application s’effectue sur des bases volontaires, l’utilisation d’une méthode alternative reste alors possible mais doit être justifiée.
C’est le cas de la plupart des notes explicatives élaborés par le CSP et notamment celles issues du processus ICH.
a/ La recommandation en droitinternational et l’absence de force obligatoire
La recommandation est un acte qui émane en principe d’un organe intergouvernemental et qui propose à ses destinataires un comportement donné.
Prévue par l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe la recommandation est un acte adopté par le Comité des ministres, adressé aux gouvernements des Etats membres, qui définit des lignes directrices pour la politique et la législation future des Etats membres.
Une recommandation n’a pas un caractère contraignant, mais le comité des ministres peut inviter les gouvernements à lui faire connaître la suite qu’ils lui ont donnée.[25]
Le domaine de la recommandation est aussi diversifié que les finalités reconnues aux organisations internationales contemporaines.
Cette diversité d’utilisation de la recommandation explique que sa portée juridique pouvait varier et que, même lorsqu’elle n’a pas force obligatoire, sa contribution à l’élaboration du droit reste importante.
La recommandation est un acte dépourvu d’effets obligatoires. Le sens juridique du mot coïncide avec son sens courant. Ses destinataires ne sont pas obligés de s’y soumettre et ne commettent pas d’infraction en ne la respectant pas.
L’absence de force obligatoire des recommandations ne signifie pas qu’elles n’ont aucune portée.
Leur impact est souvent fondamental et même leur valeur juridique n’est pas négligeable.
Non obligatoires d’un point de vue juridique, les recommandations peuvent être politiquement très contraignantes.
C’est le cas des recommandations d’ICH dont le non respect peut faire subir à la firme un retard considérable, car même si « les guidelines n’ont pas de caractère contraignant sur un plan purement juridique », » cependant, comme les textes de loi font référence à des notes explicatives, il est fortement recommandé en pratique de s’y conformer, car le non respect de recommandations décrites dans ces documents nécessite une justification fondée et étayée…, et l’évaluation des données soumises par une firme pourrait subir certains retards sur un plan pratique. (1)
D’après Stephane Callewaert membre de l’EFPIA et coordonnateur au sein d’ICH dans une réponse à nos questions (Annexe 2) »
Les industriels pharmaceutiques sont en quelques sortes contraints de respecter les notes explicatives ICH.
Dans le cas contraire, il faut d’abord apporter une justification convaincante et ensuite trouver une méthode alternative qui doit être validée par les autorités réglementaires.
En pratique, et pour éviter une perte de temps les industriels pharmaceutiques appliquent dans la majorité les guidelines ICH.
Le respect des notes explicatives signifie que le fabricant adhère, sans contrainte juridique, à une définition consensuelle d’exigences techniques élaborées par les parties d’ICH.
Mais ne pas respecter les guidelines n’entraîne pas pour autant une non conformité à la réglementation. Toutefois certaines notes explicatives ICH peuvent avoir une force contraignante, c’est le cas de leur incorporation dans une directive.
b/ L’incorporation des notes explicatives ICH dans une directive
L’incorporation des notes explicatives dans une directive donne à celles-ci une portée juridique importante car le non respect de ces notes constituerait une non conformité à la réglementation.
La directive est un acte de droit positif qui fixe un certain nombre d’objectifs à mettre en œuvre par les Etats membres en leur laissant le soin d’aménager leur propre législation pour y parvenir.
Une démarche qui suppose une transposition en droit national et qui reste la plus employée en matière pharmaceutique. Cette transposition n’atteint pas la validité juridique de la directive qui est une norme juridique supérieure que la loi ne fait que traduire.[26]
Les directives relatives à la branche pharmaceutique sont en majorité du ressort de la Direction des Entreprises (ancienne Direction Générale III) de la Commission Européenne.
La première directive concernant le médicament a été publiée le 9 février 1965 et portait sur le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques.
Depuis cette date une vingtaine de directives européennes concernant le médicament ont été publiées parmi lesquelles on peut citer :
- la directive de la Commission du 13 juin 1991 établissant les principes et lignes directrices de bonnes pratiques de fabrication pour les médicaments à usage humain.
- la directive du conseil du 31 mars 1992 sur la distribution en gros des médicaments à usage humain, sur la classification en matière de délivrance des médicaments à usage humain, sur la distribution en gros des médicaments à usage humain, sur l’étiquetage et la notice des médicaments à l’usage humain et sur la publicité faite à l’égard de médicaments à l’usage humain.
- la directive du Conseil du 4 avril 2001 concernant la conduite des essais cliniques. Dans cette dernière directive le Conseil précise que :
« pour assurer au mieux la protection de la santé, des essais dépassés ou répétitifs ne seront pas conduits dans la Communauté ou dans les pays tiers, il y a lieu que l’harmonisation des exigences techniques applicables au développement des médicaments soit en conséquence menée dans un cadre approprié, notamment celui de la conférence internationale sur l’harmonisation ».
Les notes explicatives issues d’ICH peuvent donc soit être dépourvues de force juridique contraignante quand il s’agit de recommandations ou soit elles ont une portée juridique plus importante quand elles sont incorporées dans des directives.
On en conclut que les notes explicatives n’acquièrent force juridique que par la transposition des directives dans les réglementations nationales.
II-2-2 les différentes guidelines d’ICH
Depuis sa création en 1990, l’ICH a finalisé 45 guidelines disponibles sous forme de documents dans le site Internet d’ICH.[13]
La liste des sujets ICH regroupe l’ensemble des documents produits depuis dix ans.
Il y a 4 grandes rubriques :
- la rubrique Q pour Qualité « Quality Topics »
- la rubrique S pour Sécurité « Safety Topics »
- la rubrique E pour Efficacité « Efficacy Topics »
- la rubrique M pour Multidisciplinaire « Multidisciplinary Topics ».
Chaque rubrique est ensuite divisée en sous rubrique de la façon suivante :
a/ Q1: Quality (Qualité).
Q1A(R): Stability Testing of New Drugs and Products
Essais de stabilité de nouveaux produits et substances médicamenteux
Q1B: Photostability Testing
Essais de stabilité: essais de photostabilité des nouveaux produits et substances médicamenteuses
Q1C: Stability Testing for New Dosage Forms
Essais de stabilité: Exigences relatives aux nouvelles formes posologiques
Q1D: Bracketing and Matrixing Designs for Stability Testing of Drug Substances and Drug Products
Présentation de rapport de stabilité de nouveaux produits et substances médicamenteux
Q1E: Evaluation of Stability Data
Evaluer les données de stabilité
Q1F: Stability Data Package for Registration in Climatic Zones III and IV
Données de stabilité pour l’enregistrement dans les zones climatiques III et IV
Q2: Analytical Validation
Validation analytique
Q2A: Text on Validation of Analytical Procedures
Texte concernant la validation des méthodes d’analyse
Q2B: Methodology
Validation des méthodes d’anaylse: méthodologie
Q3: Impurities Impuretés
Q3A(R): Impurities in New Drug Substances
Présence d’impuretés dans les nouvelles substances
Q3B(R): Impurities in New Drug Products
Présence d’impuretés dans les nouveaux produits
Q3C: Impurities: Residual Solvents
Impuretés: Directive sur les solvants résiduels
Q4: Pharmacopoeial Harmonisation
Harmonisation des pharmacopées
Q5: Biotechnological quality
Qualité des produits issus de la biotechnologie
Q5A: Viral SafetyEvaluation
Évaluation de la sécurité virologique des produits issus de la biotechnologie et dérivés de lignées cellulaires d’origine humaine ou animale
Q5B: Genetic Stability
Analyse des vecteurs d’expression dans les cellules utilisées pour la production de produits protéiques dérivés de l’ADN-r
Q5C: Stability of Products
Évaluation de la stabilité des produits biologiques ou issus de la biotechnologie
Q5D: Cell Substrates
Préparation et caractérisation des substrats cellulaires utilisés pour la production de produits biologiques ou issus de la biotechnologie
Q6: Specifications
Q6A: Chemical Substances with its Decision Trees
Substances chimiques
Q6B: Biotechnological Substances
Spécifications: Méthodes analytiques et critères d’approbation pour les produits biologiques et issus de la biotechnologie
Q7: GMP (Bonne Pratique de Fabrication).
Q7A: GMP for Active Pharmaceutical Ingredients
Ligne directrice sur les Bonnes pratiques de fabrication applicables aux Ingrédients pharmaceutiques actifs
b/ Safety Topics: Sécurité
S1: Carcinogenicity: carcinogénicité
S1A: Need for Carcinogenicity Studies
Nécessité des études sur la carcinogénicité des produits pharmaceutiques
S1B: Testing for Carcinogenicity
Évaluation de la cancérogénicité des produits pharmaceutiques
S1C: Dose Selection
Sélection des doses pour les études de carcinogénicité des produits pharmaceutiques
S1C(R): Addendum
Annexe à « Sélection des doses pour les études de carcinogénicité des produits pharmaceutiques » Ajout d’une dose limite avec remarques
S2: Genotoxicity: Génotoxicité
S2A: Specific Aspects of Regulatory Tests
Essais réglementaires de génotoxicité des produits pharmaceutiques : Aspects particuliers
S2B: Standard Battery of Tests
Génotoxicité: Batterie d’épreuves normalisées pour l’évaluation de la génotoxicité des produits pharmaceutiques
S3: Kinetics: cinétiques
S3A: Toxicokinetics
Guide de toxicocinétique : Évaluation de l’exposition systémique dans les études de toxicité
S3B: Pharmacokinetics
Pharmacocinétique : Guide sur les études de diffusion tissulaire à doses répétées
S4: Toxicity: Toxicité
S4A: Duration of Chronic Toxicity Testing in Animals (Rodent and Non Rodent Toxicity Testing)
Durée des essais de toxicité chronique chez les animaux (Essais de toxicité chez les rongeurs et les autres animaux)
S5: Reprotox: la toxicité pour la reproduction
S5A: Toxicity to Reproduction
La détection de la toxicité pour la reproduction de produits médicinaux
S5B (M): Male Fertility
S6: Safety Studies for Biotechnological Products
Évaluation au stade préclinique de la sécurité des produits pharmaceutiques issus de la biotechnologie
S7: Pharmacology: Pharmacologie
S7A: Safety Pharmacology Studies for Human Pharmaceuticals
Etude de la sécurité de l’action des médicaments.
S7B: Safety Pharmacology Studies for Delayed Ventricular Repolarization
Pharmacologie du délai de la repolarisation ventriculaire
c/ Efficacy Topics: Efficacité
E1: The Extent of Population Exposure to Assess Clinical Safety
L’étendue de la population dans les essais cliniques.
E2: Clinical Safety
Sécurité clinique
E2A: Definitions and Standards for Expedited Reporting
Définitions st standards des rapports
E2B(M): Data Elements for Transmission of ADR Reports (Maintenance) including
Données de transmission des rapports ADR.
E2C: Periodic Safety Update Reports and Addendum
Mise à jour des rapports périodiques de sécurité.
E3: Structure and content of Clinical Study Reports
Structure et contenu des rapports d’étude clinique
E4: Dose Response
E4: Dose-Response Information to Support Drug Registration
Informations sur les doses réponses pour l’enregistrement des médicaments.
E5: Ethnic Factors in the Acceptability of Foreign Clinical Data
Facteurs ethniques influant sur l’acceptabilité des données cliniques d’origine étrangère
E6: Good Clinical Practice Les bonnes pratiques cliniques
E7: Clinical Trials in Special Populations: Geriatrics
Essais cliniques en Gériatrie.
E8: General Considerations
Considérations générales relatives aux études cliniques
E9: Statistical Principles for Clinical Trials
Principes statistiques pour les essais cliniques
E10: Choice of Control Group
Choix des groupes de contrôle
E11: Clinical Investigation of Medicinal Products in the Pediatric Population
Essais cliniques en Pédiatrie.
E12: Therapeutic Categories : Classes thérapeutiques.
E12A: Clinical Trials on Antihypertensives
Essais cliniques des Antihypertenseurs.
d/ Multidisciplinary Topics: Multidisciplinarité
M1: Medical Terminology
Terminologie médicale.
M2: Electronic Standards for Transmission of Regulatory Information (ESTRI)
Standards électroniques pour la transmission des informations.
M3: Timing of Pre-clinical Studies in Relation to Clinical TrialsCalendrier
Temps des études d’innocuité non cliniques pour la conduite d’essais cliniques de produits pharmaceutiques
M4: The Common Technical Document
Document technique commun : il s’agit d’une harmonisation de forme portant sur quatre modules du dossier de demande d’AMM à savoir les résumés, la partie qualité, la partie études non cliniques et enfin la partie études cliniques.
Le contenu et la forme du module 1 comprenant essentiellement des informations administratives relèvent des autorités compétentes de chaque région.
Nous venons de voir qu’ICH par la qualité des parties constitutives (les autorités réglementaires et les représentants de l’industrie pharmaceutique d’Europe, des Etats-Unis et du Japon), par la présence d’observateurs exterieurs (OMS, AELE et Canada), par la nature des sujets harmonisés et par le processus d’harmonisation peut être considéré comme un succès considérable de la coopération internationale en matière de médicament et fait désormais partie du système normatif international.