Etude d’une licence non libre: la licence Sun

Etude d’une licence non libre: la licence Sun

7. Etude d’une licence non libre: la licence Sun

Sun Microsystems a libéré certaines de ses technologies centrales de logiciel sous une nouvelle licence, la Sun Community Source License (SCSL). Il ne s’agit pas d’une licence libre, mais elle essaye d’imiter certaines des caractéristiques de cette dernière.

En fait, les documents où Sun explique et fournit son raisonnement pour leur schéma de licence incluent les arguments habituels en faveur de la licence libre (bien qu’appliqués à la SCSL). Cependant, les points manquants (ceux qui feraient qu’elle serait vraiment une licence libre) ont (selon moi) pour conséquence, d’un point de vue pratique, que la plupart des avantages du logiciel open source ne sont pas applicables aux logiciels qui sont couvert par la SCSL.

Certains des problèmes les plus connus (d’un point de vue open source) avec la SCSL sont:

** L’obligation d’envoyer à Sun Microsystems toutes les modifications de code si elles doivent être distribuées. C’est Sun qui décidera si ces modifications sont redistribuables ou pas. Il n’est pas possible de créer même des variations « expérimentales » du code. Cette impossibilité est due aux clauses couvrant les tests de compatibilité qui doivent être passés.

** Sun utilise en fait deux licences pour son code. L’une d’elles, appliquée à la recherche et au développement interne, n’exige aucun honoraire. Mais l’autre, pour le déploiement commercial, exige que des honoraires leur soient payés. Le montant exact de ces honoraires sera décidé par Sun qui a donc une maîtrise totale sur le code développé par des contribuants.

** Pour les développeurs open source (s’ils sont d’accord sur la SCSL et qu’ils téléchargent le code Sun), il est interdit d’utiliser le produit de leur développement ou une technologie semblable avec une licence open source.

** D’un point de vue stratégique, n’importe quelle société ou groupe de développement utilisant ou construisant sur le code couvert par la SCSL donne à Sun un contrôle important sur son développement et même sur ses plans de marketing (ce qui est habituellement considéré comme indésirable).

La communauté du logiciel libre a déjà réagi à cette licence avec le lancement de plusieurs projets visant à recréer la technologie couverte par la SCSL dans un environnement n’utilisant pas de code source Sun.

En général, pour un projet commercial, il sera beaucoup plus commode d’utiliser, par exemple, la GPL au lieu de la SCSL.

Le logiciel résultant tirera bénéfice de tous les avantages qu’il pourrait avoir avec la SCSL, mais le développeur aura la pleine maîtrise du programme de développement, de la politique de distribution, et de la voie marketing.

8. Quel futur pour de tels logiciels

La majorité des logiciels libres n’est pas développée dans un objectif commercial mais bien pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les logiciels libres constituent depuis 1994 un modèle économique pour un certain nombre de sociétés éditrices de logiciels.

Cette constatation peut paraître paradoxale vu l’ouverture et la gratuité de fait des logiciels libres, car la stratégie de ces acteurs n’est pas basée sur la vente de licences à l’inverse des éditeurs de logiciels propriétaires.

La vente de services avant tout Ces acteurs majeurs du logiciel libre et de sa promotion commerciale existent depuis 1994 lorsque la société américaine Red Hat Software décida d’adapter et de distribuer une compilation des sources de GNU/Linux disponibles sur Internet.

Depuis, la société Red Hat a été rejointe par de nombreuses autres sociétés dont les principales sont SuSE (Allemagne), Mandrake (France), Caldera, Turbolinux ou encore RedFlag Software pour la Chine.

En fait, il existe une « infinité » de distributions plus ou moins dérivées de grands noms comme Red Hat et adaptées à un usage ou à un pays spécifique. Ces distributions respectent la GPL et se trouvent donc librement adaptables, modifiables et même revendables par tous.

Il est tout à fait possible de récupérer une distribution existante, de lui ajouter quelques packages logiciels ainsi que quelques logos personnels, et de la revendre sous son propre nom.

D’ailleurs, parallèlement à la vente de distributions sous forme de packs (CD-roms d’installation, manuel et aide en ligne), ces sociétés permettent toujours de télécharger gratuitement leurs versions les plus récentes. Ne possédant pas la propriété de leur vente, elles n’ont pas à en limiter la distribution.

Au contraire, leurs sources de revenus sont principalement basées sur la vente de services associés où leur expertise peut être monnayée. Cette rémunération peut aller du soutien offert aux acheteurs des boîtes logiciels vendues en magasins (ceux-ci payent plus un service que les logiciels eux-mêmes), à la mise en place et au déploiement de solutions particulièrement volumineuses basées sur Linux dans les entreprises.

Des acteurs comme SuSE, Red Hat ou Turbolinux ont conclu de nombreux accords de partenariats avec les plus grands fabricants de matériel informatique afin de permettre à ces derniers d’enrichir leur offre de solutions logiciels libres. Red Hat est par exemple lié à IBM, Compaq, Dell, HP, Intel et bien d’autres.

Si les perspectives de profit demeurent moins importantes qu’avec le système de copyright des logiciels propriétaires, toute société compétente peut proposer une offre complète de logiciels et de services identiques.

Le besoin de services sur lequel se base leur stratégie et leurs revenus est bien réel comme le rappelle Bob Young, cofondateur de RedHat: « Il faut bien se rendre compte que Linux a commencé avec les « early adopters», c’est à dire avec des étudiants ou des ingénieurs qui n’ont absolument pas besoin de support ou de services.

C’est pourquoi beaucoup d’observateurs ont considéré que Linux était un marché où il n’y avait pas d’argent à gagner.

Bob Young + Red HatLes choses changent aujourd’hui car ces «early adopters» ne sont que 10% des clients potentiels. Les autres 90% ont besoin de services et de support, ils le paieront si Linux répond à leurs besoins et permet d’améliorer le TCO (coût total de possession). » (interview de Bob Young, co-fondateur de RedHat, au magazine Linux+, septembre 2000, p10-11) Un enrichissement collectif Les logiciels libres sont, pour ces éditeurs, un moyen de s’affranchir de la dépendance envers d’autres sociétés et de pouvoir apporter librement leurs compétences.

Aucun frein (comme le paiement de royalties ou encore le manque d’informations sur le fonctionnement du système) ne vient les subordonner aux décisions conceptuelles ou stratégiques d’autres acteurs.

Cette liberté permet une compétition plus saine entre les éditeurs de logiciels. Le succès de ceux-ci ne dépend que de la valeur ajoutée (produite en raison de leurs améliorations qui iront par la suite enrichir la communauté du logiciel libre dont ils profiteront eux-mêmes en retour).

Par exemple: la firme Red Hat est à l’origine du « Red Hat Package Manager » qui facilite l’installation de logiciels compilés (cf. format rpm).

De nombreuses autres distributions ont repris cet outil à leur tour, popularisant le format développé par RedHat. « On nous oppose également à Debian ou à Mandrake. C’est un non-sens. Plus Debian sera fort, plus nous le serons et vice versa.

N’oubliez pas que nous sommes dans l’Open Source où les uns voient et critiquent le travail des autres » (interview de Bob Young, co-fondateur de RedHat, au magazine Linux+, septembre 2000, p10-11) Des perspectives très larges Ces sociétés cherchent également à se diversifier pour conquérir de nouveaux marchés dans lesquels le logiciel libre possède un potentiel certain.

Par exemple, les Internet Appliances (applications embarquées) ainsi que tous les types d’organiseurs personnels reliés à Internet et promis à un fort développement, pourront tirer avantage de GNU/Linux par ses faibles besoins en ressources, sa forte adaptabilité et l’absence de coûts de licences au niveau du prix de vente de ces produits.

Les solutions commerciales basées sur les logiciels libres semblent donc tout à fait viables, même si elles obéissent à un modèle économique différent. Le rôle économique des logiciels libres En plus de réduire la dépendance stratégique des entreprises, les logiciels libres peuvent également avoir un impact important sur l’économie et l’emploi, souvent bien supérieur à ceux des logiciels contrôlés par des acteurs propriétaires.

Au même degré que les distributeurs de solutions basées sur GNU/Linux, les logiciels libres sont créateurs d’emplois décentralisés de services (PME). De plus, de nombreuses petites sociétés se créent dans la maintenance ou dans le développement personnalisé.

En supprimant le coût des licences, le logiciel libre autorise une marge supplémentaire en termes d’adaptation, de réactivité et de fiabilité. La simple économie en licences non payées peut permettre de payer des ingénieurs pour adapter le logiciel libre aux besoins de l’entreprise mais aussi pour former les utilisateurs.

Ainsi le logiciel libre (adapté sur place) est à l’origine d’une création d’emplois locaux supérieure à celle du logiciel propriétaire importé. Arkane Média5, société prestataire de services en logiciels libres basée à Strasbourg, a ainsi reçu le prix « Start-up de l’année » lors des Trophées de la Nouvelle Economie 6.

Ce schéma reste valable au niveau national pour des pays dont les ressources financières sont limitées, mais qui disposent d’une main d’oeuvre bien formée ou pouvant l’être. Le logiciel libre semble donc tout à fait viable comme modèle économique pour des entreprises éditrices de logiciels.

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