Evolution du marché carbone européen

Section III : Evolution du marché carbone européen

A présent, nous allons nous intéresser à l’évolution du marché européen de CO2, et tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de cette évolution depuis le 1er janvier 2005.

1. Valorisation du marché européen d’échange de quotas

1.1 Hypothèses de valorisation

Le potentiel du marché européen d’échanges de quotas en valeur dépend de deux paramètres :

♦ le nombre de quotas échangés. Avec 2,2 GtCO2 (précisément 2167 millions de tonnes de CO2) alloués annuellement sur la première période (2005 – 2007), un certain nombre d’analystes financiers estiment que le nombre de quotas européens échangés sera entre 7% et 15% du total.

Ce Que l’on peut dire avec certitude déjà, c’est que sur l’ensemble de 2005, les transactions ont dépassé 260 millions de tonnes, soit 12% du sous-jacent total.

♦ L’évolution du prix des quotas de CO2. Une incertitude pèse quant à l’évolution du prix, notamment en raison de la faible profondeur actuelle des marchés. Pour des raisons de simplification (car la volatilité a été très importante en 2005 et en 2006 il ya eu un « krach » vers le mois d’avril), nous retiendrons pour la suite, le prix moyen annuel 2005 de la tonne de CO2 sur le marché européen qui est de 15 € la tonne.

1.2 Estimation de la valeur du marché à l’horizon 2007

Sur la base de ces hypothèses et sur celles de la plupart des analystes financiers, nous pouvons estimer qu’au cours de la première période 2005 – 2007, environ 10% des quotas seront échangés sur la base d’un prix moyen compris entre 15 et 25 euros.

Le marché européen d’échanges de quotas peut ainsi être estimé à 20 – 25 milliards d’euros pour la période 2005 – 2007.

Sur la base des mêmes hypothèses, le marché français d’échanges de quotas est estimé à plus de 1 milliard pour la première période d’application.

Pour le moment peu mature, ce marché va, selon toute vraisemblance, monter en puissance. Et il a déjà commencé car rien qu’en 2005, il a représenté 5 milliards d’euros en 2006, à la grande surprise de tout le monde car les estimations tournaient autour de 2,5 milliards !

2. Croissance du marché et du prix de la tonne de CO2

Le marché du système européen des quotas d’émission a tout d’abord connu une croissance très importante, ayant gagné près de 400%, en termes de valeur, au cours des premiers mois de fonctionnement. En effet, alors que le prix du quota était inférieur à 8 € au début de l’année 2005, il a pratiquement atteint 30 € au début du mois de juillet 2005, suivant l’envolée des cours du pétrole et du gaz. Le prix moyen de la tonne évitée sur l’année 2005 s’établit autour de 15 €.

Mais ce marché est également empreint d’une volatilité importante, largement supérieure à celle observée sur le marché du pétrole sur la même période ou bien encore sur le CAC 40.

Graphique 6 : Croissance du marché européen du carbone

Croissance du marché européen du carbone

Source : Point Carbon.

Depuis janvier 2005, plus de 27 millions de tonnes ont été échangées sur les différentes plates- formes en activité. A mi-septembre, l’European Climate Exchange (ECX) représentait 57% des échanges enregistrés sur les plates-formes, contre 34% pour Nord Pool, 6% pour Powernext Carbon et 4% pour l’European Energy Exchange (EEX).

Notons que les intervenants du marché ont le choix soit d’effectuer leurs transactions de gré à gré, soit d’’utiliser les plateformes des bourses carbone. A cet effet, l’activité de ces plateformes boursières s’est significativement développée durant 2005. En effet, les bourses carbone enregistrent une croissance rapide de leur activité par rapport aux autres intermédiaires de marché.

Cependant, en volume la majorité des échanges est encore assurée par les brokers spécialisés, qui peuvent d’ailleurs être indépendants ou localisés dans les départements bancaires pratiquant le négoce des matières premières (comme nous l’avons vu précédemment).

3. Concurrence entre les différents bourses carbone

3.1 Les différentes Bourses Carbone en Europe

Aujourd’hui en Europe, il existe six Bourses carbone opérationnelles :

  • ♦ L’European Climate Exchange (ECX), au Royaume-Uni
  • ♦ Le Nordic Power Exchange (Nord Pool), en Norvège
  • ♦ L’European Energy Exchange (EEX), en Allemagne
  • ♦ Powernext Carbon, en France
  • ♦ L’Energy Exchange Austria (EXAA), en Autriche
  • ♦ Climex, aux Pays-Bas.

Une septième place de marché SendeCO2 en Espagne, est en cours de création.

La croissance de l’activité de ces plates-formes est également alimentée par la concurrence qu’elles se livrent, diminuant les prix pratiqués pour les intervenants. Face à la concurrence, certaines ont décidé de diminuer leurs tarifs actuels de manière permanente (Nord Pool), ou temporaire pour le démarrage (ECX).

3.2 Le jeu des restructurations et alliances entre les différentes places boursières

Par ailleurs, cette concurrence a amené à des restructurations et à des alliances entre ces plates-formes. Certaines ont vu évoluer leur modèle de marché afin d’offrir des horaires de cotation plus longs à leurs clients (EEX), tandis que d’autres ont choisi de se spécialiser sur un créneau et de nouer des alliances stratégiques.

A ce titre, les deux partenariats signés entre Climex et SendeCO2 d’une part, et entre Powernext Carbon et ECX d’autre part, préfigurent sinon d’une unification, au moins la constitution de quelques pôles. Le partenariat entre l’ECX et Powernext Carbon est particulièrement intéressant car ces deux places ne cotent pas les même contrats.

En effet, les deux bourses ont décidé de se focaliser respectivement sur les contrats à terme et les contrats au comptant, en proposant à leurs clients les services offerts par l’une ou l’autre en fonction de leur besoins. Il est aussi prévu que les membres de chaque plate-forme accèdent – sur un même écran – aux contrats spot de Powernext Carbon et aux contrats futures d’ECX. De plus, cette coopération permet d’éviter de diviser la liquidité d’un marché naissant.

3.3 La faiblesse des volumes échangés

Enfin, il faut noter que les volumes actuels échangés restent tout de même faibles. En effet, en capitalisation et admettant le chiffre régulièrement avancé par certains analystes, seulement 12% des quotas européens seront négociés (soit 200 millions par an sur un total de 2,2 milliards de tonnes alloués environ par an), les montants échangés, sur la base du prix moyen actuel du quota sur l’année

2005 ne devraient même pas atteindre une journée de transactions sur le CAC 40. A long termes en revanche, ces montants devraient atteindre des niveaux plus conséquents avec l’élargissement du système aux autres pays de la planète tels que le Japon, le Canada et la Russie.

Ainsi à l’issue de cette première partie, ce que l’on peut garder à l’esprit dès à présent, c’est que le marché européen d’échange de quotas en particulier et la finance carbone d’une manière plus générale, renferment de très belles perspectives pour les entités concernées.

Mais aujourd’hui, ce que l’on peut observer également au bout d’un an et demi de fonctionnement, c’est que dans leur très grande majorité, les groupes industriels concernés par l’application de la directive relative aux quotas de CO2 ne sont pas directement présents sur les marchés organisés pour deux raisons spéciales :

  • ♦ ils ont en majorité adopté une attitude prudente voire attentiste, et ne réaliseront pas d’opérations d’achats de quotas CO2 du moins au cours de cette première année d’application qui vient tout juste de s’achever ;
  • ♦ dans le cas contraire, ceux-ci peuvent intervenir sur le marché bilatéral par l’intermédiaire d’un broker.

Cependant, nous pouvons dores et déjà noter quelques exceptions d’intervention d’industriels (tels que Rhodia).

Ceci dit, même s’ils n’interviennent pas encore massivement sur les marchés naissants de CO2, la plupart d’entre eux savent que le système général d’échange des quotas de CO2 ne représente pas seulement une contrainte, mais qu’il renferme surtout de belles opportunités.

Ils profitent tout de même du système, en ce qu’ils essaient, par différentes mesures, d’améliorer leur rentabilité économique, voire financière. Ceci, sera développé à travers différents exemples et illustrations dans la seconde partie de ce mémoire.

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