Fast-fashion : Shein et les enjeux d’une mode durable
Ce mémoire analyse le modèle de la fast-fashion à travers le prisme de la durabilité écologique et sociale, avec une étude de cas approfondie sur l’entreprise Shein.
Bees 1er degré Ensa
Cursus universitaire à distance
Diplôme de licence
Mémoire de présentation en vue de l’obtention du diplôme de licence
Fast-fashion : Shein et les enjeux d’une mode durable
H Charles
Année : 2025
Présentation du plan
Ce mémoire s’articule autour de sept grandes parties, permettant d’analyser le modèle de la fast-fashion à travers le prisme de la durabilité écologique et sociale, avec une étude de cas approfondie sur l’entreprise Shein.
Cette étude révèle comment le mode circulaire durable peut révolutionner l’industrie de la fast-fashion, en se concentrant sur l’exemple de Shein. Découvrez les stratégies innovantes qui favorisent une transformation écologique et sociale, et interrogez-vous sur l’avenir de la mode.
Vers une alternative circulaire et durable
La mode circulaire : principes et fonctionnement
Recyclage, éco-conception, location, réutilisation, économie de la fonctionnalité
La mode circulaire propose une transformation en profondeur du modèle économique dominant. Elle repose sur plusieurs piliers complémentaires : l’éco- conception (penser le vêtement pour qu’il dure ou soit facilement recyclé), la réutilisation (via la seconde main), la réparation, le recyclage des fibres et l’économie de la fonctionnalité (location ou abonnement). Ce modèle cherche à rompre avec la logique du jetable en prolongeant la durée de vie des vêtements et en réduisant leur impact environnemental. Il nécessite une collaboration entre les marques, les consommateurs, les pouvoirs publics et les acteurs du recyclage.
Exemples : Veja, 1083, Patagonia (réparation, seconde main)
Plusieurs marques pionnières incarnent cette transition vers un modèle plus vertueux. La marque française Veja utilise des matières recyclées ou biologiques, tout en garantissant une transparence sur ses fournisseurs. 1083 fabrique ses jeans
en circuit court, exclusivement en France, avec des matériaux recyclés. Patagonia, entreprise américaine emblématique, a mis en place des programmes de réparation et de reprise de vêtements usagés, encourageant ses clients à consommer moins mais mieux. Ces exemples montrent qu’une autre mode est possible, même si elle reste encore marginale face aux géants de la fast-fashion.
Chiffres clés
Un jean fabriqué en coton recyclé émet 50 % de CO₂ en moins qu’un jean classique
Le recours à des matériaux recyclés permet de réduire significativement l’impact carbone de la production textile. Par exemple, un jean fabriqué à partir de coton recyclé génère environ 50 % d’émissions de CO₂ en moins par rapport à un jean en coton vierge. En plus de l’économie de ressources, le recyclage évite la pollution liée à la culture du coton ou à l’extraction de matières premières synthétiques. Ce type d’innovation contribue à faire évoluer les pratiques industrielles vers une plus grande sobriété.
Un vêtement de seconde main prolonge sa durée de vie de 2,3 ans en moyenne (ThredUp report)
La seconde main joue également un rôle clé dans la réduction de l’empreinte environnementale. D’après le rapport ThredUp 2023, chaque vêtement acheté d’occasion prolonge sa durée de vie d’environ 2,3 ans en moyenne, ce qui permet de réduire significativement les émissions associées à sa fabrication. Le marché de la seconde main est en forte croissance, notamment auprès des jeunes générations, et représente un levier de transformation accessible à tous.
Initiatives et politiques publiques
Loi AGEC (France, 2020) : interdiction de destruction des invendus non alimentaires
La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), adoptée en France en 2020, a introduit plusieurs mesures clés pour réduire l’impact du secteur textile.
Parmi celles-ci figure l’interdiction de détruire les invendus non alimentaires, obligeant les marques à donner, recycler ou réutiliser les produits non vendus. Cette mesure vise à lutter contre le gaspillage systémique qui caractérise la fast-fashion.
Bonus/malus environnemental prévu pour 2025 dans l’industrie textile
À partir de 2025, un système de bonus-malus environnemental devrait entrer en vigueur dans le secteur textile en France. Les entreprises seront financièrement incitées à produire de manière plus durable : un bonus sera accordé aux vêtements éco-conçus, tandis qu’un malus pénalisera les articles à fort impact environnemental. Cette régulation vise à orienter le marché vers des pratiques plus vertueuses, en responsabilisant les marques sur l’ensemble du cycle de vie de leurs produits.
Étude de cas : comparaison Shein vs modèle circulaire
Tableau : Comparaison Shein vs modèle circulaire
CritèreShein (fast-fashion)1083 (mode circulaire – France)
Production/an100 000+ modèles300 modèles
Lieu de productionChine, sous-traitanceFrance, circuits courts
Impact CO₂/vêtementÉlevé (transport, matière)Faible (matière recyclée, locale)
Durée de vie estiméeQuelques semainesPlusieurs années
Modèle économiqueVolume et vitesseQualité et traçabilité
Cette comparaison illustre l’écart profond entre deux modèles industriels. D’un côté, Shein représente l’extrême de la fast-fashion, fondée sur la surproduction et la fugacité. De l’autre, 1083 incarne un modèle circulaire basé sur la durabilité, la transparence et le respect de l’environnement. Le contraste entre ces deux approches met en lumière les choix cruciaux auxquels sont confrontés les consommateurs et les acteurs du secteur.
Limites et leviers pour une mode durable
Obstacles
Greenwashing : Shein publie une « charte éthique » peu vérifiable
Certaines marques, conscientes des attentes sociétales, communiquent sur des engagements éthiques ou écologiques sans pour autant modifier réellement leurs pratiques. C’est le cas de Shein, qui affiche sur son site une charte éthique promettant des conditions de travail dignes et une gestion durable. Or, les enquêtes de terrain contredisent largement ces affirmations. Ce phénomène de « greenwashing » nuit à la transparence et ralentit la transition vers une mode véritablement durable.
Prix des alternatives durables encore élevés
Un autre frein réside dans le coût des alternatives responsables. Les vêtements éco- conçus ou fabriqués localement sont souvent plus chers que ceux issus de la fast- fashion. Pour beaucoup de consommateurs, le prix reste un critère déterminant, ce qui limite l’adoption massive de pratiques de consommation durable. Il est donc nécessaire de rendre ces produits plus accessibles, par des aides publiques, des modèles économiques innovants ou une fiscalité incitative.
Absence d’infrastructure suffisante de recyclage textile
Enfin, le manque d’infrastructures de tri et de recyclage constitue un obstacle majeur. Peu de centres sont capables de traiter efficacement les textiles usagés, en particulier ceux composés de fibres mélangées. Sans investissement massif dans la recherche et le développement de solutions industrielles, le recyclage restera marginal. La mise en place d’une véritable économie circulaire exige donc une coordination entre les pouvoirs publics, les industriels et les territoires.
Leviers
Sensibilisation du consommateur (labels : GOTS, OEKO-TEX)
L’information du consommateur est un levier essentiel. Les labels comme GOTS (Global Organic Textile Standard) ou OEKO-TEX garantissent des critères sociaux et environnementaux dans la fabrication des vêtements. Leur diffusion permet de guider les choix d’achat vers des produits plus responsables. Une éducation à la consommation, dès le plus jeune âge, peut également jouer un rôle déterminant dans l’évolution des comportements.
Incitations fiscales aux entreprises éthiques
Des dispositifs fiscaux peuvent encourager les entreprises à adopter des pratiques durables. Par exemple, une TVA réduite pour les produits éco-conçus ou des crédits d’impôt pour les investissements dans l’éco-innovation textile. Ces incitations peuvent rendre le secteur plus attractif pour les entrepreneurs responsables et favoriser l’émergence de nouvelles filières.
Règlement européen à venir sur l’affichage environnemental textile
L’Union européenne travaille à l’introduction d’un affichage environnemental obligatoire sur les produits textiles. Ce système permettrait aux consommateurs de connaître l’impact d’un vêtement en termes d’émissions de CO₂, d’utilisation d’eau ou de toxicité. En rendant l’information transparente et comparable, cette mesure pourrait accélérer la transition vers une consommation plus consciente et plus durable.
Conclusion
La fast-fashion, moteur d’une surchauffe économique, écologique et sociale, s’impose comme l’un des grands défis du XXIe siècle. En misant sur la vitesse, le volume et les prix bas, ce modèle a bouleversé l’industrie textile, démocratisé l’accès à la mode, mais au prix d’un coût caché considérable. Pollution massive, exploitation des travailleurs, gaspillage des ressources : les symptômes d’un système à bout de souffle sont désormais bien documentés.
L’étude de cas consacrée à Shein permet de visualiser concrètement l’ampleur des dérives du modèle fast-fashion. Par sa capacité à produire des milliers d’articles par jour, à bas coût et en un temps record, l’entreprise chinoise pousse la logique industrielle à ses extrêmes. Elle révèle aussi les limites d’une régulation encore trop faible et d’une consommation insuffisamment responsable.
Face à cette situation, des alternatives crédibles existent. La mode circulaire, la seconde main, l’éco-conception, la réparation ou encore la location offrent des voies possibles vers un modèle plus durable. Des marques engagées comme 1083 ou Patagonia montrent qu’une autre mode est envisageable, plus respectueuse de l’environnement et des droits humains. Les pouvoirs publics commencent à réagir, à travers des lois, des bonus-malus et des mesures de transparence.
Pour que cette transition s’opère pleinement, elle doit être systémique. Elle implique les entreprises, les consommateurs, les décideurs politiques et les territoires. Il s’agit non seulement de changer nos modes de production, mais aussi notre rapport au vêtement, à la consommation et au temps. La slow fashion, fondée sur la qualité, la durabilité et l’éthique, pourrait être le fondement d’une mode véritablement soutenable. Mais pour y parvenir, un changement culturel profond est indispensable. C’est à ce prix que la mode pourra redevenir une force de création, sans être une source de destruction.