L’innovation dans les prêts bancaires révèle des différences surprenantes entre les garanties exigées par les banques classiques et islamiques au Sénégal. Cette étude, fondée sur des théories des contrats, offre des perspectives essentielles sur les mécanismes sous-jacents, avec des implications significatives pour le secteur financier.
Section 2 :
Modélisation
Notre étude tente d’expliquer les facteurs qui pourraient influencer la probabilité de garantie d’un crédit à la consommation classique et islamique. D’après la première hypothèse, les variables identifiées dans la littérature ont une influence positive significative sur la probabilité de la garantie de chaque type de banque. Nous allons définir le modèle économétrique qui va nous permettre de vérifier cette hypothèse.
– Les types de variable et le choix du modèle
Dans cette partie, nous nous intéresserons aux types de variables adoptés ainsi que la présentation du modèle de notre étude.
- – La typologie des variables d’étude
Après notre revue de la littérature nous avions identifié des variables qui pourraient être pertinentes dans notre étude. Nombreuses sont les variables qui peuvent expliquer les garanties dans les contrats de crédit. Nous avons choisi de tester sur les garanties des banques sénégalaises les variables suivantes : le taux d’intérêt (T), les services bancaires relationnels (S), le profil de l’emprunteur (P), la durée de la relation bancaire (D) et la valeur de la ligne de crédit (V).
Tableau 3 : Les relations entre les théories et les variables explicatives
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Source : Enquête sur les déterminants des garanties (2020)
Le tableau ci-dessus recense l’ensemble des variables explicatives et les liens qu’elles ont avec les théories. La typologie de ces variables déterminera le choix de notre modèle empirique. C’est la raison pour laquelle, nous allons bien définir la variable dépendante et les variables indépendantes.
La variable expliquée « G », représente la garantie. C’est une variable dichotomique qui prend la valeur 1 si le répondant a fourni une ou plusieurs garanties (domiciliation, cession de salaire, assurance et BAO pour la BIS) et 0 sinon. Sa présence est expliquée par les théories des asymétries d’information et les théories des coûts d’agence et de transaction. En situation d’asymétrie d’information entre les banques et les emprunteurs, la garantie intervient comme une mesure disciplinaire, un outil de sélection ou de signalisation. Pour les théories des relations banque-client, la garantie est un moyen pour que les consommateurs n’aient pas de comportement opportuniste.
Les variables explicatives sont le profil de l’emprunteur (P), taux d’intérêt (T), les services bancaires relationnels (S), la durée de la relation bancaire (D) et la valeur de la ligne de crédit (V).
Le profil de l’emprunteur (P) est une variable polytomique, représentée par six catégories. Le profil de risque d’un emprunteur dépend fortement de son statut juridique car il témoigne de sa capacité à épargner. GARBAR (1998) laisse entendre que le statut apparaît comme le corollaire de toute activité professionnelle, et donc bien souvent, de toute activité juridiquement reconnue comme étant du travail.
Le statut juridique de l’emprunteur est important dans la composition des portefeuilles bancaires. De meilleurs statuts professionnels sont associés aux prêts à faible information asymétrique. De même, lorsque les banquiers ont une perception positive du statut de leur client, les garanties qu’elles demanderont seront souples. BOOT (2000), dans son document de synthèse sur les relations bancaires, soutient que les banques recueillent deux types d’informations à travers le profilage de l’emprunteur :
- Les informations «dures» (par exemple, le revenus, le contrat de travail, le relevé des mouvements bancaire, etc.)
- Les informations «immatérielles» (par exemple, une évaluation de la réputation et le degré confiance est beaucoup plus difficile à utiliser) (DEGRYSE et Al. (2008)).
La garantie et la Relation Banque-client : les services bancaires relationnels (S) et la durée de la relation bancaire (D) sont des variables ordinales qui nous permettent de mesurer respectivement le nombre crédits que la banque a offert à son client et le nombre d’années d’ancienneté du client. BOOT et THAKOR (1994) présentent un modèle où les exigences en matière de garantie sont liées à la durée de la relation bancaire.
Il faut donc s’attendre à une relation négative entre l’utilisation de garanties et la durée de la relation banque-client. Une autre conséquence possible de la banque relationnelle survient quand elle finit par devenir en position de monopole ou «hold-up ». Cela se produit car l’avantage de l’information des banques internes (qui sont dans le pays) par rapport aux banques externes (qui sont hors du pays) peut impliquer que les particuliers doivent faire face à des frais de transfert d’informations lorsqu’ils sont disposés à emprunter auprès de
banques externes ou d’autres bailleurs de fond (DEGRYSE et Al. (2008)). Les résultats de DEGRYSE et VAN CAYSEELE [2000], sur données belges, sont plus ambigus ; ces auteurs trouvent, en effet, que les garanties requises par la banque diminuent avec la durée de la relation mais augmentent avec l’épaisseur de cette relation (mesurée par le nombre crédit que le client demande à la banque).
- Le taux d’intérêt (T) est une variable d’échelle en pourcentage. Le taux peut inclure le montant de la garantie. Dans ce cas, la banque tire un profit plus élevé ou un taux d’intérêt plus élevé des emprunteurs capturés et immobilisés (opaques) que des emprunteurs qui ont facilement accès à d’autres alternatives de financement (UDELL 1991).
- Le montant de la ligne de crédit (V) est une variable ordinale. La relation entre la garantie et le montant de la ligne de crédit doit être positive (JIMENEZ et al. 2006). Plus le montant est élevé, plus le risque de crédit sera important ; donc les banques demanderont plus de garanties pour se protéger du risque.
- – Le modèle empirique
Les modèles dépendent des types de variables que nous avons. C’est ainsi que nous avons choisi le modèle logistique binaire du fait que la variable explicative est dichotomique. La fonction logistique à un prédicteur est donnée par l’expression suivante :
𝒆(𝒂𝟎+𝒂𝟏𝒙𝟏+⋯+𝒂𝒏𝒙𝒏)
𝑷(𝐘) = 𝟏 + 𝒆(𝒂𝟎+𝒂𝟏𝒙𝟏+⋯+𝒂𝒏𝒙𝒏)
Où P(Y) est la probabilité que ‘Y’ arrive
Les coefficients a0, a1…an représentent respectivement la combinaison linéaire de la constante et des prédicteurs. Le modèle nous permet, grâce à l’optimisation des coefficients de régression, de prédire la probabilité qu’un événement arrive lorsqu’elle prend la valeur ‘1’ ou non, lorsqu’elle prend la valeur ‘0’.
Après une transformation logarithmique, le modèle linéaire est ainsi établi :
𝑷
𝑳𝒏 (
) = 𝒂𝟎 + 𝒂𝟏𝒙𝟏 + ⋯ 𝒂𝒏𝒙𝒏
𝟏 − 𝑷
Ces estimations sont faites à l’aide des algorithmes de maximisation d’une fonction log-vraisemblance. Les coefficients estimés par cette fonction ne seront pas interprétable directement comme par la méthode des moindre carré ordinaire. Par contre leur signes seront interprétables et indiqueront si les coefficients agissent positivement ou négativement sur la variable expliquée.
– Estimation des équations et conditions de validité du modèle
Après le choix de notre modèle économétrique, nous nous en allons estimer les équations de recherches. Nous verrons aussi les conditions de validité du modèle.
- – Estimation des équations
Nous aurons deux estimations car les données de notre échantillon sont composées d’individus ayant obtenus un crédit à consommation à la BIS et des individus ayant obtenus un crédit à la consommation au niveau des BC. Ainsi nous allons voir si les cinq variables citées plus haut (S, T, V, P et D) ont une influence sur la probabilité de la garantie d’un crédit classique et islamique. Les estimations sont ainsi faites :
𝐺
𝑬𝒒𝒖𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝑩𝑰𝑺(𝟏) : 𝐿𝑛 (
) = 𝑎0 + 𝑎1𝑇 + 𝑎2𝑆 + 𝑎3𝑃 + 𝑎4𝐷 + 𝑎5𝑉
1 − 𝐺
𝐺
𝑬𝒒𝒖𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝑩𝑪(𝟐): 𝐿𝑛 (
) = 𝑎0 + 𝑎1𝑇 + 𝑎2𝑆 + 𝑎3𝑃 + 𝑎4𝐷 + 𝑎5𝑉
1 − 𝐺
Avec :
G = variable expliquée, elle désigne la garantie d’une ligne de crédit. a = le coefficient des variables explicatives que sont :
- Le taux d’intérêt d’une ligne de crédit (T).
- Les services bancaires relationnel (S).
- Le profil de l’emprunteur (P).
- La durée de la relation bancaire (D).
- La valeur brute de la ligne de crédit (V)
- – Conditions de validité du modèle
Pour que les estimations puissent être valides dans le logiciel SPSS que nous allons utiliser, les conditions suivantes sont impératives :
- La variable dépendante (prédite) doit être catégorielle dichotomique. Elle doit être une vraie variable dichotomique et non une variable continue recodée en deux groupes, ce qui serait associé à une importante perte d’information. Les variables indépendantes (prédicteurs) doivent être continues ou catégorielles dichotomiques.
- Inclure les variables pertinentes et éliminer celles qui ne le sont pas.
- Indépendance des observations (VD) et des résiduels : un individu ne peut pas faire partie des deux groupes de la VD.
- Relation entre les VI et la transformation logistique de la VD doit être linéaire.
- Pas de multicolinéarité parfaite ou élevée : il ne doit pas y avoir de relation linéaire parfaite, ni très élevée entre deux ou plusieurs prédicteurs(VI).
- Taille de l’échantillon : l’échantillon doit être suffisant pour que l’on puisse procéder à l’analyse. On suggère minimalement 10 observations par variable indépendante (HOSMER et LEMESHOW (1989), voir également Cohen (1992).
- Échantillon adéquat pour les prédicteurs catégoriels : lorsqu’une VI catégorielle est croisée avec la VD, aucune cellule ne doit avoir moins d’une observation et un maximum de 20 % des cellules peuvent comprendre 5 observations ou moins.
Conclusion du Chapitre 1 de la deuxième partie
Ce chapitre a été consacré à la formulation de nos hypothèses de recherche, au choix du schéma d’analyse des données et de la définition du modèle économétrique qui nous permettra de confirmer ou infirmer nos hypothèses. Pour atteindre nos objectifs de recherche, nous avons choisi le paradigme positiviste à travers l’adoption d’une démarche hypothético- déductive. Les variables repérés dans la littérature empirique nous ont permis de faire les estimations de la régression logistique binaire.
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Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principaux déterminants des garanties de prêts à la consommation dans les banques classiques et islamiques ?
Les principaux déterminants des garanties de prêts à la consommation incluent le taux d’intérêt, les services bancaires relationnels, le profil de l’emprunteur, la durée de la relation bancaire et la valeur de la ligne de crédit.
Comment le profil de l’emprunteur influence-t-il les garanties demandées par les banques ?
Le profil de l’emprunteur influence les garanties demandées car un meilleur statut professionnel est associé à des prêts à faible information asymétrique, et une perception positive du statut de l’emprunteur peut rendre les garanties plus souples.
Quelle est la relation entre la durée de la relation bancaire et les garanties exigées ?
La durée de la relation bancaire est une variable qui permet de mesurer le nombre d’années d’ancienneté du client, ce qui peut influencer les garanties exigées par la banque.