L’analyse comparative des prêts révèle des différences significatives dans les déterminants des garanties entre les banques classiques et islamiques au Sénégal. Ces résultats, fondés sur des théories des contrats, remettent en question des idées reçues et offrent des perspectives cruciales pour comprendre le paysage financier sénégalais.
Section 2 :
Contexte Socio-économique
La population sénégalaise est estimée à environ 16,21 millions d’habitants avec seulement une faible proportion en activité (ANDS, 2019). Ce segment est confronté à la vulnérabilité des emplois dans ce pays qui aspire à l’émergence. Le bas niveau des salaires, pousse certains d’entre eux à solliciter auprès des banques des crédits afin de couvrir certains besoins.
Nous étudierons en premier le chômage et la précarité de l’emploi au Sénégal avant d’évaluer le poids des plus gros prêteurs de crédit au Sénégal. Ensuite nous analyserons les raisons de l’utilisation du crédit au Sénégal.
Le chômage et la précarité de l’emploi au Sénégal
Pour l’ENES, le chômage représente l’ensemble des personnes âgées de 15 ans et plus, recherchant un emploi ou qui en sont privé. Sa mesure est complexe car il est difficile de cerner la différence entre chômage et inactivité. Ce phénomène est lié à la précarité qui est une notion multidimensionnelle. Elle reflète l’incertitude, la pauvreté, l’instabilité et l’insécurité.
Le chômage au Sénégal
Graphique 2 : Taux de chômage en fonction du sexe et du lieu de résidence
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Source : ANSD (2019)
Ce phénomène frappe d’avantage plus de femme que d’homme (27% contre 8%). Il est plus marquée en milieu rural ou 18% de la population active est au chômage contre 15% en milieu urbain.
La précarité de l’emploi au Sénégal
Graphique 3 : Taux d’emploi en fonction du sexe et du lieu de résidence
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Source : ANSD (2019)
Les chômeurs censés contribués à la production de richesse se retrouvent le plus souvent à la charge d’un travailleur. Hors le taux d’emploi au niveau national n’atteint même pas 50% (42%). Il y a plus d’individu en activité en zone urbaine qu’en milieu rural (49% contre 34%).
Généralement il s’agit d’employés saisonniers, des conducteurs de motos-taxi, de vendeurs ambulants. La proportion de femmes en activité est faible comparé à celle des hommes. Il s’agit le plus souvent d’aide-ménagère, de vendeuses de légumes, de fruits et de poisson,…etc.
Analyse Socio-économique du crédit à la consommation au Sénégal
Il y a longtemps, le crédit n’était donné qu’a des personnes de confiance (parents proches,…).Aujourd’hui les banques prêtent à des personnes qui leur sont parfaitement inconnu. Fontaine (1992) défini le crédit à la consommation comme étant une déconnexion entre un achat et son paiement. En effet les ménages financent leurs dépenses sans pour autant disposer de la somme nécessaire au moment de l’acquisition. Les raisons qui expliquent son utilisation sont économiques et sociales.
Les motifs économiques de l’utilisation du crédit à la consommation
Dans un contexte ou un individu en activité a en charge plus de trois individus en chômage l’usage du crédit consommation permet la soudure c’est-à-dire d’arrondir les fins de mois des ménages de classe moyenne. En effet, le cumul du taux de chômage et de l’emploi précaire avoisine 60%. Le crédit de soudure est dû à l’évolution du contexte économique du Sénégal (chômage, précarité) et des modes de distribution (impersonnels, en libre-service).
Dans les années 60 l’activité bancaire était destinée aux clients fortunés. Une société du nom de la Dakaroise se chargeait de prêter des biens de consommation (bicyclettes, fourneaux,…) aux populations qui n’avaient pas accès aux banques.
Par la suite, la libéralisation du secteur bancaire a entrainé la pratique de crédit à la consommation. L’Etat a aidé à transformer les pratiques informelles en séparant le prix des biens achetés de celui du crédit en exprimant un taux d’intérêt. Ensuite le crédit à la consommation n’était plus un crédit d’investissement pour les ménages il est devenu un crédit de soudure permettant de tenir jusqu’à la prochaine entrée d’argent.
Les motifs sociaux de l’utilisation du crédit à la consommation
La consommation de crédit n’est pas seulement liée à des raisons économiques. Elle peut aussi être expliquée par la logique sociale. Veblen (1899) montre que les membres des familles d’entrepreneurs capitalistes sont peu libres dans leur arbitrage : la consommation ostentatoire, l’apparat et la mode sont pour eux autant d’obligations. Le gaspillage honore la classe de loisir et la consommation luxueuse des riches contribue à leur domination sur l’ensemble du corps social. Pour Max Weber (1920), si les gens « industrieux » dépensent relativement peu par rapport à leur aisance économique c’est que les comportements de consommation s’expliquent par l’éthique de la besogne et de la « vocation » qui guide le comportement.
Selon Bourdieu (1979), l’adhésion des membres de la classe moyenne pour la dernière mode s’explique par leur bonne volonté culturelle de suivre les modèles culturels de la classe supérieure. Le crédit est utilisé dans la bataille symbolique pour l’être et le paraitre que se livrent les membres des différents groupes.
Le jeu avec le temps est une composante à part entière des stratégies de distinction. Le crédit à la consommation est utilisé par les membres de la petite bourgeoisie en ascension sociale qualifié de personnes « pressées » pour accéder aux biens signant l’appartenance à un groupe social convoité. La généralisation de l’accès à certains biens tels que les automobiles et la popularisation du crédit consommation pour les finances, ont construit leur possession en norme sociale. Le crédit permet à ces personnes qualifiées de « pressées » d’être à l’heure avant l’heure. Dès lors l’explication de personne pressée ne tient plus.
C’est aussi un moyen d’atteindre les normes de consommation, un signe statutaire qui ne vise plus à bénéficier par avance des signes d’apparat des niveaux sociaux supérieurs. Le crédit consommation est donc un moyen de se maintenir dans le groupe social quand les standards de consommation se sont élevés.
Aujourd’hui nous retiendrons que le crédit n’est que pour l’équipement et l’investissement permettant la réduction de temps de travail domestique (lave-linge, cuisinière,..). Mais aussi la substitution à l’équipement collectif payant à l’exemple des postes de télévisons qui ont remplacé les sorties théâtres.
Conclusion du Chapitre 2 de la première partie
Dans ce chapitre il a été question en premier de contextualiser notre champ d’étude en mettant l’accent sur le paysage bancaire sénégalais. Nous avons étudié particulièrement l’environnement légal, le cadre institutionnel, les politiques prudentielles de la banque islamique du Sénégal. Nous avons aussi parlé de la société d’assurance SENTAKAFUL qui offre des assurances islamiques qui font parties des garanties des prêts Morabaha.
Ensuite dans la seconde partie de ce chapitre nous avons parlé du chômage et de la précarité des salaires pour mettre en exergue le contexte social et économique des consommateurs de crédit. Plusieurs auteurs ont conclus que l’utilisation des prêts à la consommation est due d’une part à des raisons économiques comme pour arrondir les fins de mois difficiles ; et d’autre part à des raisons sociales comme pour avoir certains biens de consommation qui signent l’appartenance à la classe bourgeoise.
Conclusion de la première partie
Cette partie de notre recherche a été dédiée au cadre théorique. Nous y avons analysé des concepts (islamiques, classiques) et des théories financières classiques de la gestion des asymétries de l’information par la garantie (voire chapitre 1). Ensuite la délimitation de notre contexte d’étude fut un élément déterminant pour la réussite de notre recherche scientifique. En effet nous avons contextualisé en étudiant le système financier islamique. Nous avons aussi analysé le contexte socioéconomique du crédit à la consommation au Sénégal par des informations statistiques et les motifs de l’endettement au Sénégal (Chapitre 2). Force est de constater que le Sénégal souffre de chômage et précarité.
Nous tenterons d’apporter dans la partie empirique, des éléments de réponse à notre question centrale après vérification des hypothèses de recherche. Nous étalerons notre méthodologie de recherche et l’analyse des données de notre enquête.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principaux déterminants des garanties de prêts à la consommation dans les banques classiques au Sénégal?
Les banques classiques s’appuient sur des déterminants spécifiques pour exiger des garanties, qui diffèrent de ceux des banques islamiques.
Comment le chômage affecte-t-il l’utilisation du crédit à la consommation au Sénégal?
Le cumul du taux de chômage et de l’emploi précaire avoisine 60%, ce qui pousse les ménages à utiliser le crédit à la consommation pour arrondir leurs fins de mois.
Quelles sont les raisons sociales de l’utilisation du crédit à la consommation au Sénégal?
La consommation de crédit peut être expliquée par des logiques sociales, en plus des raisons économiques, reflétant des comportements de consommation au sein des ménages.