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Comment la fiction d’Alice Zeniter influence les politiques historiques ?

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🏫 Université 8 Mai 1945 Guelma - Faculté des Lettres et des Langues - Département des Lettres et de la Langue Française
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2019/2020
🎓 Auteur·trice·s
KHELAIFIA Bahe-eddine
KHELAIFIA Bahe-eddine

Les implications politiques de la fiction sont révélées à travers l’œuvre d’Alice Zeniter, qui transforme l’Histoire en une narration captivante. Cette étude met en lumière comment la fiction peut combler les lacunes historiques, offrant une perspective essentielle sur les événements algériens, avec des répercussions significatives pour notre compréhension du passé.


La galerie :

Parce qu’elle est une œuvre qui s’inscrit dans l’Histoire de deux pays, L’Art de Perdre présente un grand contraste de cultures, voire de lieux, que seule la galerie de Christophe pourrait fondre en un seul endroit.

C’est ainsi qu’elle est identifiée : « La galerie Christophe Reynie expose de l’art contemporain »79, mais elle prend une valeur plus significative progressivement dans le récit :

« Il s’intéresse aux œuvres d’art produites dans les pays colonisés durant les années de la décolonisation (violente ou non) .il appelle ça l’esthétique non alignée. »80

De prime abord, cette citation ne semble pas en relation directe avec l’espace, cependant elle nous apprend des choses non moins intéressantes sur la relation qu’entretient l’intrigue avec l’espace. L’auteure s’applique à refléter sur cet espace des images rétrospectives d’une histoire partagée entre l’Algérie et la France.

Du fait, l’espace s’assimile parfaitement dans l’intrigue en jouissant des caractéristiques accueillantes et convenables pour un récit historique, en d’autres termes l’invention de cet espace est justifiée et cohérente, elle ne suscite aucune aberrance et ne trahit pas la vraisemblance du récit.

Alice Zeniter s’attelle ainsi à intégrer l’espace inventé dans l’espace réel de Paris :

« En reculant encore, on laisserait les invités du vernissage derrière la large vitrine de la galerie et l’on pourrait embrasser du regard la rue calme du 6e arrondissement où celle-ci se situe, les boutiques de vêtements dans lesquelles les vendeuses éteignent une à une les lumières, la pâtisserie dont les rideaux vert amande de toile épaisse ont été baissés et, adossée à une voiture, on remarquerait dans la pénombre Naïma qui fume une cigarette, les yeux fixés sur les occupants de la galerie.

C’est ici qu’elle travaille depuis près de trois ans.»81

Toute tentation de situer la localisation de la galerie sera vaine. L’auteure s’ingénie à délocaliser l’espace, tout en l’intégrant dans un cadre géographique attesté 82 ,en conséquence duquel se créent une vraisemblance et une cohérence avec le réel ; le manque d’exactitude dû à l’intention d’auteure de garder une certaine opacité pour ne pas tomber dans la contradiction avec l’espace réel de Paris, et pour maintenir l’intrigue modérée entre la fiction et le réel.

C’est ainsi dans l’intention de crédibiliser le lieu de représentation, Alice Zeniter tente de concrétiser la galerie en lui attribuant une structure et de l’équiper d’éléments matériels tangibles : « Christophe a hérité du bâtiment dans lequel son père avait établi une galerie d’arts primitifs et il l’a transformée en galerie d’art contemporain »83

C’est également le cas dans : « Les grandes vitres laissent passer un long triangle de lumière qui tremble sur le parquet et vient lécher de sa pointe le mur du fond »84

Cette description bien qu’elle soit simple et concise, permet de dépeindre précisément et scrupuleusement la galerie de Christophe, cela tient en partie à la méthode qu’utilise l’auteure de revenir incessamment à ce lieu, quoiqu’en discontinuité pour rendre chaque scène autonome de l’autre, donner à voir la galerie dans son intégralité par l’ensemble des scènes qui ont lieu dans cet espace, en prêtant une structure logique et fidèle à cet espace pour donner une illusion de réel à la narration.

Outre la corporalité qui prête un aspect tangible à l’espace, on perçoit aussi certaines logiques dans la description : le fait qu’une galerie qui expose des sculptures et des arts figuratifs doive être dotée d’une superficie colossale. Ainsi on relève certaines imitations de l’agencement d’une galerie du réel : « On distinguerait que la foule se déplace le long de deux spirales soigneusement emboîtées, l’une concentrique et l’autre centrifuge, également lentes, créées par la déambulation devant les tableaux et par la difficulté à accéder au buffet. ».85

Même si nous avons affaire à des descriptions insinuantes, éparses et pas aussi minutieuses, cela pourrait réduire la part métaphorique et sensorielle au profit du concret et du tangible qui maintiennent la vraisemblance dans le récit.

La représentation de la galerie ne s’est faite que pour soutenir le développement de l’intrigue, c’est suite à l’adhésion à la galerie que Naima décide de visiter l’Algérie ; l’espace par ses dimensions limitées, quoique gigantesques, lui était familier, c’était un lieu animé grâce aux rencontres et aux entretiens qui adviennent à la salle de réunion :

« — Personne n’entre dans une galerie juste après un attentat, il faut bien l’avouer.

Les gens se foutent de l’art. En revanche, on a observé après le 7 janvier comme après le 13 novembre une hausse des ventes des coloriages pour adultes. Le bilan est morose, Christophe se concentre donc sur l’avenir. »86

La galerie est ainsi un espace qui est animé par la vie, le rapport avec les personnages l’ouvre sur le monde réel et extérieur, il est conçu pour pouvoir raconter l’Histoire et faire évoluer l’intrigue.

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79 Alice Zeniter, L’Art de Perdre, op.cit, p. 441.

80 Ibid.

81Alice Zeniter, L’Art de Perdre, op.cit, p. 427.

82 Audrey Camus, Topographies Romanesques, in Open edition books, en ligne https://books.openedition.org/pur/38348?lang=fr (consulté le 06/05/2020 à 04:12)

83 Alice Zeniter, L’Art de Perdre, op.cit, p. 443.

84 Ibid, p. 462.

85 Ibid, p. 427.

86 Ibid, p. 427.


Questions Fréquemment Posées

Comment Alice Zeniter utilise-t-elle l’espace dans L’Art de Perdre ?

Alice Zeniter s’attelle à intégrer l’espace inventé dans l’espace réel de Paris, créant ainsi une vraisemblance et une cohérence avec le réel.

Quelle est la signification de la galerie Christophe dans le récit ?

La galerie Christophe prend une valeur significative dans le récit en reflétant des images rétrospectives d’une histoire partagée entre l’Algérie et la France.

Quels outils de fictionalisation Alice Zeniter utilise-t-elle dans son roman ?

L’auteure utilise des descriptions précises et des éléments matériels tangibles pour crédibiliser le lieu de représentation, comme la transformation de l’ancien bâtiment en galerie d’art contemporain.

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