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Comment le cadre théorique façonne L’Art de Perdre d’Alice Zeniter ?

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🏫 Université 8 Mai 1945 Guelma - Faculté des Lettres et des Langues - Département des Lettres et de la Langue Française
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2019/2020
🎓 Auteur·trice·s
KHELAIFIA Bahe-eddine
KHELAIFIA Bahe-eddine

Le cadre théorique de la fiction révèle comment Alice Zeniter transforme l’Histoire dans « L’Art de Perdre ». En mêlant fiction et réalité, l’auteure offre une perspective inédite sur les événements algériens, questionnant ainsi la valeur historique de la narration littéraire.


Fictionnalisation de l’Histoire :

Bien qu’il déborde de diverses formes de référence historique, dans L’Art de Perdre le saisissement du sens et l’interprétation des faits sont toujours dans le cadre fictionnel.

Alors le réel doit passer par le remodelage de l’esthétique littéraire afin d’être transmissible par la fiction.

Reste à savoir si ce remodelage correspond aux données historiographiques.

Histoire racontée, Histoire perçue, parole aux personnages :

« Ali rêve à tout ce que son fils peut devenir. Soudain, une gifle brulante lardée d’éclats de verre le précipite au sol.

Les lourdes vitres du Milk Bar sont soufflées par une explosion spectaculaire »26

Dans la citation précédente, le point qui sépare les rêves et les ambitions d’Ali d’une explosion soudaine pourrait servir à distinguer entre la fiction d’un récit et d’une réalité historique réputée comme l’un des tournants majeurs dans l’Histoire de l’Algérie.

Arriver à ancrer un fait historique réel dans un monde parallèle de fiction, ne se fait certainement qu’à partir d’un ordonnancement très particulier.

Certes, « la matière historique » 27 prend une place importante dans cette séquence, vu qu’elle constitue la péripétie par laquelle se déclenchent toutes les péripéties du récit, et s’étend même à agir sur le sort des personnages :

« Quelques jours plus tard, la bataille d’Alger commence. Ali n’achètera jamais son appartement. »28

Cependant, depuis le commencement de l’énoncé, l’ordre de récit ne suivrait pas ces éléments factuels, autrement dit l’auteure ira plus loin que l’Histoire et cherchera à réanimer des scènes d’une dimension historique dont on ne peut témoigner de leur véracité, tout en les confondant avec des éléments référentiels, tels que l’amalgame d’un stéréotype et du cadre spatio-temporel d’explosion de Milk Bar :

« En septembre 1956, ALI se rend à Alger pour des affaires. Il cherche un appartement à acheter.

Officiellement, il veut franchir le dernier pas qui le sépare de la réussite et avoir une existence dans la plus grande ville du pays. Dans la paysannerie, le succès se mesure -paradoxalement- à la distance que l’on peut prendre avec la terre. »29

Aussi dans ce contexte historico-réaliste, l’auteure cherche à évoquer des scènes de la vie quotidienne à cette époque telle : « Le village est soumis à des pressions contraires et peut- être le barrage opposé par une langue et lente vie commune aux forces extérieures finira-t-il par craquer, libérant des rancœurs dont Ali sait qu’il peut être la cible. »30

Ainsi l’auteure fait allusion à des traditions tout en précisant de plus en plus le cadre spatial de l’incident : « Il n’aime pas l’Algérois qui lui fait visiter l’appartement, à Beb-el-Oued. L’homme pose beaucoup de questions, parle trop d’argent, il compte à la manière des Français comme si la vie elle-même pouvait se diviser en gouttes dénombrables. »31

À partir de ces fabulations littéraires, l’auteure voudrait donner la prééminence au sens au détriment de la logique du réel dans les passages qui semblent suivre la signifiance d’une vie d’un homme lié à l’Histoire.

De ce fait, la progression même des éléments référentiels s’exhibe en qualité de fiction et se saisit comme fiction :

« À l’intérieur, il y a des corps partout. Peut-être une cinquantaine, mais de là où il est, Ali n’en est pas certain. »32

Ainsi, on constate toujours le doute et le manque de précision de la part de l’auteure, qui revient à sa position opaque par rapport au texte, ce qui lui sert aussi d’envisager ce qui entoure l’Histoire telle que les émotions et les réactions, et par conséquent, les interventions du narrateur se multiplient en abondance dans ce récit : « C’est ce dernier point qui constitue la raison officieuse de la venue d’Ali à Alger, il pense que la situation au village pourrait se détériorer »33.

L’assertion est clairement prouvée avec l’expression « c’est ce dernier point », ainsi que l’utilisation du mode conditionnel qui confirme notre postulat concernant le doute appliqué par l’auteure.

Il y a aussi cette interrogation directe du narrateur : « Est-ce qu’il pourrait vivre ici, lui l’homme de la montagne ? Et Yema ? Et les petits ? ».34

L’utilisation de tels procédés trahit la subjectivité de l’auteure, cela pourrait être volontaire, en vue de se distinguer des historiens qui prétendent livrer la vérité avec objectivité et telle qu’elle est.

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26 Alice Zeniter, L’Art de Perdre [2017], France, J’ai Lu, 2019, p. 110.

27 Cécile Brochard, Expériences de l’histoire, poétique de la mémoire, France, ellipse, 2019, p.24.

28 Alice Zeniter, L’Art de Perdre, op.cit, p. 112.

29 Alice Zeniter, L’Art de Perdre, op.cit, p. 108.

30 Ibid

31 Ibid, p. 109.

32 Ibid, p. 110.

33 Ibid.

34 Ibid.


Questions Fréquemment Posées

Comment l’Histoire est-elle fictionnalisée dans L’Art de Perdre d’Alice Zeniter ?

Dans L’Art de Perdre, le saisissement du sens et l’interprétation des faits sont toujours dans le cadre fictionnel, où le réel doit passer par le remodelage de l’esthétique littéraire afin d’être transmissible par la fiction.

Quelle est la relation entre les personnages et l’Histoire dans le roman ?

Les personnages, comme Ali, vivent des événements historiques qui influencent leur sort, et l’auteure cherche à évoquer des scènes de la vie quotidienne tout en ancrant des faits historiques réels dans un monde parallèle de fiction.

Quel rôle joue la fiction dans la transmission des émotions liées à l’Histoire ?

L’auteure utilise la fiction pour donner la prééminence au sens au détriment de la logique du réel, ce qui permet d’explorer les émotions et les réactions des personnages face à des événements historiques.

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