Les soins maternels à domicile pourraient réduire de manière significative les taux de mortalité maternelle et infantile dans les pays en développement. Cette recherche novatrice propose une modélisation du système hospitalier haïtien, offrant des solutions pratiques pour transformer la prise en charge de la maternité.
La prise en charge de la maternité à domicile, la solution ?
La réduction des taux de décès maternels et infantiles dans les pays en développement constitue un leitmotiv à la lutte contre la pauvreté et pourrait contribuer largement au développement humain. L’amélioration de la santé maternelle dans les pays pauvres résulte d’un défi pour les organismes internationaux évoluant dans le domaine de la santé, tels que « OMS » (Organisation Mondiale de la Santé), « ICM » (Confédération internationale des Sages-femmes), « FIGO » (Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique), « UNICEF » (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance) et le « PNUD » (Programme des Nations Unies pour le Développement).
De nombreuses initiatives ont été entreprises par ces ONGs, en collaboration avec les pouvoirs publics des pays pauvres pour mettre en place des structures de prévention et de gestion de risques de complications dans la maternité (M. E. Young 1990; Wu et al. 2008). Malheureusement, en dépit de tous ces efforts, il y a toujours plus d’un demi-million de femmes dans le monde qui meurent chaque année de complications obstétricales ou de maladies liées à la grossesse. Pendant que la communauté internationale continue à discuter sur les stratégies de réduction de l’incidence de la mortalité maternelle liée à des complications obstétricales directes, des femmes continuent à mourir à cause d’une absence ou d’une mauvaise prise en charge de leur grossesse.
Pour parvenir à quelques résultats concrets, des approches communautaires soutenues par des unités de premiers recours rattachées aux centres hospitaliers les plus proches sont prônées par l’OMS en vue de réduire les risques de complications. Mais, ces approches sont peu efficaces dans certains endroits où la distance qui sépare une patiente à un centre hospitalier est relativement grande et les moyens de communication et de déplacements sont parfois inexistants.
Dans de nombreux pays en développement, il est normal d’accoucher à domicile. La mère peut-être seule ou aidée par un non-professionnel, soit un parent, soit une accoucheuse traditionnelle formée ou non. Ces personnes n’ont pas appris à prendre en charge les complications obstétricales. La mortalité maternelle est élevée et reflète les insuffisances de ce modèle.
Il est néanmoins très souhaitable de faire fonctionner ce modèle, car près de la moitié des femmes des pays en développement accouchent à domicile en présence d’une personne non qualifiée (OMS 1996a, 2000b).
L’un des pays qui a déjà eu de grands succès dans la mise en place d’une structure d’accompagnement de la maternité à domicile est la Chine. Voyant que dans les zones rurales les accouchements se faisaient en grande majorité à domicile, les instances concernées ont décidé alors d’étendre la capacité des services de santé ruraux au cours de la période 1960-1980.
Dans chaque commune un « Médecin aux pieds nus » a été formé pour assister et accompagner les femmes enceintes. En dépit que ces médecins n’avaient pas les connaissances nécessaires pour prendre en charge des complications obstétricales, ils pouvaient, de toute évidence, faire le diagnostic et dirigeaient les parturientes concernées vers un centre hospitalier plus ou moins équipé.
Un système d’orientation-recours reliait ces « accoucheurs ruraux » aux centres de santé municipaux, aux centres de PMI (Protection maternelle et infantile) des districts ou aux hôpitaux (M. E. Young 1990; Wu, Viisainen, Li, et Hemminki 2008).
En explorant les données statistiques sur l’évolution du service de la maternité dans certains pays en développement comme le Burkina Faso, le Niger, la Jamaïque, la République Dominicaine,… et en se basant sur les différentes enquêtes que nous avons menées sur le système hospitalier haïtien, notamment dans les région métropolitaine de Port-au-prince, de Léogâne et de Miragoâne nous avons identifié que l’élément central relatif au problème de complications obstétricales ou de maladies liées à la grossesse est : L’absence d’un personnel sanitaire qualifié qui accompagne la parturiente.
Peu importe l’endroit (à l’hôpital, à domicile, dans un centre de santé, …) dans lequel une femme accouche, elle et son bébé seront toujours exposés au danger s’il n’y a jamais eu de suivis médicaux durant son cycle de grossesse et au moment de l’accouchement. Le système de santé haïtien fait face à de sérieux problèmes organisationnels et fonctionnels : les grèves répétitives des médecins dans les établissements de santé publics, les problèmes de coordination entre les différents établissements sanitaires dans une même ville, l’absence d’autorité, la carence de ressources humaines spécialisées, la mauvaise répartition des ressources disponibles entre les centres, l’intégration précoce des étudiants en médecine dans la prise en charge intégrale des patients, les faibles ressources matérielles, médicales et paramédicales et souvent les équipements sont désuets.
La parturiente est vulnérable aux risques de complications peu importe le lieu dans lequel elle planifie de donner naissance à sa progéniture. Ce qui lui convient le mieux est une assistance médicale sans faille afin de pouvoir préparer et faciliter l’événement. Ainsi, on pourrait anticiper, prévoir et gérer d’éventuelles complications.
Nous avons orienté notre étude vers la prise en charge de la maternité à domicile. Ce choix rentre dans le cadre d’une recherche d’alternative viable à la prise en charge classique en vigueur dans le pays pour assurer une assistance médicale efficace aux femmes enceintes souvent accouchant chez elles. Cette pratique d’accouchement à domicile (le plus populaire avec 75%) en Haïti ne date pas d’hier.
Pour une population qui est à plus de 60% rurale, l’accès aux soins est très difficile et constitue un calvaire pour ceux qui habitent dans des endroits encore plus reculés que les bourgs, les cantons, les sections communales et les sections rurales à cause de l’absence d’infrastructures routières.
Pour aider la gestante lors de son travail et de son accouchement, on fait appel très souvent à un(e) connaisseur (se) (banalement appelé(e) Matrone, mais ne possède aucune connaissance en sciences infirmières ou en médecines modernes) pour assister à l’accouchement et couper le cordon ombilical du nouveau-né et prescrire quelques plantes à utiliser pour préparer du thé pour la nouvelle maman.
Les gens y croient fortement et ses recommandations sont exécutées, et la mère suivra ses conseils durant toute la période postnatale. Toutefois, ce connaisseur ne pourrait pas assurer une intervention chirurgicale, si besoin est. Il n’a pas les connaissances requises pour procéder à une éventuelle épisiotomie.
En cas de complications, la parturiente est transportée dans des conditions désastreuses vers le centre de santé le plus proche en utilisant comme moyen de transport un brancard traditionnel. Ce brancard conçu, en utilisant deux bâtons placés de façon parallèle sur la surface du sol, et on attache dessus des cordes et une chaise en bois.
Une fois construit, la parturiente est assise sur la chaise et est transporté par deux à quatre hommes vers le centre hospitalier le plus proche (5 à 15km à parcourir). Et en cas d’indisponibilité d’une infirmière ou d’un médecin, elle sera à nouveau transportée vers un autre centre. Ce qui augmente largement les risques de complications et réduit catégoriquement la chance d’avoir une naissance vivante en mettant en danger la vie de la mère et du bébé.
Il est à remarquer pourtant, en dépit que le risque soit élevé, les femmes en âges d’enfanter en milieu rural ne se voient pas donner naissance à leur premier enfant dans un centre de santé. Pour des questions d’ordre culturel, le premier enfant de la famille doit naître dans son village et à domicile.
D’autres femmes qui ont déjà eu de mauvaises expériences d’accouchement dans un centre hospitalier préfèrent également accoucher à domicile au milieu des siens qui lui apportent un soutien psychologique important. La crainte principale que manifestent les femmes en milieu rural dès qu’on parle de l’accouchement dans un centre hospitalier est leur incapacité à pouvoir répondre convenablement aux coûts de l’accouchement avec toujours de fortes possibilités de césariennes ou le recours à l’utilisation du pitocin et de l’épidurale.
Suivant les enquêtes (voir prototypes de formulaires d’enquêtes en Annexes A-0 et A-1), les femmes en âge de procréer dans les milieux ruraux expriment un avis très favorable et sont enthousiasmées à l’idée d’être prises en charge à domicile pendant leur cycle de grossesse.
À Jeannette (une section communale située dans la commune de Paillant dans le département de la Grand’Anse), lors d’une enquête que nous avons menée auprès de 87 femmes âgées entre 16 et 41 ans dont 36 sont âgées entre 16 et 25 ans, et 51 sont âgées entre 25 et 41 ans, une majorité importante exprime leur souhait de se voir accoucher à domicile en présence d’une personne qualifiée dans la prise en charge de la maternité.
71 des 87 enquêtées ont déjà eu d’enfants. Seulement huit ont du se rendre à un centre de santé communautaire administré par une infirmière et une aide-soignante à cause des complications. Les autres ont eu une couche normale à leur domicile assistée par un parent ou une accoucheuse traditionnelle. 15 des enquêtées n’ont pas encore eu d’enfants. Quant à celles-là, elles se disent également préférer accoucher à la maison avec une assistance médicale qualifiée.
Elles ont peur l’idée de se rendre à un centre hospitalier pour ne pas être forcées d’accoucher par césarienne. Toutefois, l’idée d’accoucher à domicile avec une assistance médicale qualifiée tant appréciée et souhaitée par les femmes du milieu rural n’est pas partagée au niveau du milieu urbain.
En effet, en vue d’équilibrer mes recherches quant à la prise en charge de la maternité à domicile, j’ai essayé de mener une enquête auprès d’un groupe de personnes qui ont un niveau d’éducation élevé et des moyens économiques nettement supérieurs par rapport aux gens des campagnes.
Pour ce, j’ai utilisé le réseau de sondage en ligne « Doodle » avec des questions qu’il faut crocher si on est d’accord et ne rien faire si on n’est pas d’accord. Je l’ai envoyé par email à 202 personnes qui vivent en Haïti et ont accès à l’internet. 11 questions étaient en listes :
- Vous avez déjà eu d’enfants ?
- Vous préférez accoucher à l’hôpital ?
- Vous préférez accoucher dans une maison de naissance ?
- Vous préférez accouchez chez vous (à domicile) ?
- Vous préférez être prise en charge par un gynécologue/obstétricien ?
- Vous préférez être prise en charge par une sage-femme ?
- Vous préférez être prise en charge par un médecin généraliste ?
- Vous préférez ne pas être accompagnée par un professionnel de santé ?
- Vous habitez à Port –au-Prince (la Capitale) ?
- Vous avez déjà été prise en charge par une sage-femme ?
- Vous avez un médecin traitant ?
21 de ces 202 femmes se disaient déjà eu d’enfants. 44 préfèrent accoucher à l’hôpital et 40 préfèrent être prise en charge par un gynécologue/obstétricien. Aucune femme ne souhaite être prise en charge par un médecin généraliste pendant qu’une seule personne se dit ne pas vouloir une assistance médicale qualifiée lors de son accouchement.
17 femmes préfèrent être prise en charge par une sage-femme et neuf ont déjà fait l’expérience avec une sage-femme. Cinq femmes ont répondu souhaiter accoucher dans une maison de naissance et 6 optent pour l’accouchement à domicile. 43 des sondées habitent dans la capitale du pays et 16 ont dit avoir un médecin traitant.
Cette analogie concernant la préférence des femmes (villes et campagnes) pour la gestion de la maternité nous permet de comprendre l’influence que peut avoir le milieu environnemental sur la population. Les gens du milieu rural n’ont pas accès aux soins organisés et qualifiés. Elles se tournent vers la médecine traditionnelle et les croyances populaires.
Tandis que celles habitant dans le milieu urbain et qui sont éduquées et ont accès à la technologie ont une autre vision de la prise en charge de la maternité. Le point commun des groupes de ces femmes est la reconnaissance du niveau de compétence d’une sage-femme à pouvoir prendre en charge une femme enceinte du début de la grossesse jusqu’à l’accouchement.
Les sages-femmes peuvent à la fois être affectées en ville ou à la campagne. Les personnes, impliquées dans cette enquête, pensent également que l’accouchement assisté par un personnel qualifié présente des avantages : soins de qualité en respectant des règles d’hygiène, reconnaissance et prise en charge des complications afin de pouvoir éviter de perdre la parturiente et son bébé lors du travail et l’accouchement.
Elles pensent que l’accompagnement par une sage-femme tout au long du cycle de la grossesse pourrait les aider à mieux vivre leur grossesse et à mieux se préparer pour l’événement.
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Questions Fréquemment Posées
Quels sont les défis des soins maternels à domicile en Haïti ?
La mortalité maternelle est élevée et reflète les insuffisances du modèle de soins à domicile, où de nombreuses femmes accouchent sans assistance professionnelle.
Comment la Chine a-t-elle amélioré les soins maternels à domicile ?
La Chine a formé des ‘Médecins aux pieds nus’ pour assister les femmes enceintes dans les zones rurales, reliant ces accoucheurs aux centres de santé pour le diagnostic et l’orientation.
Pourquoi les approches communautaires sont-elles peu efficaces dans certains pays en développement ?
Ces approches sont peu efficaces là où la distance à un centre hospitalier est grande et où les moyens de communication et de déplacements sont parfois inexistants.