Accueil / Études Sociales / Examiner la pratique du restavèk en Haïti à travers une perspective postcoloniale / Comment améliorer les conditions des enfants restavèk en Haïti ?

Comment améliorer les conditions des enfants restavèk en Haïti ?

Pour citer ce mémoire et accéder à toutes ses pages
🏫 Université d'Ottawa - École de Service Social
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Maîtrise - Septembre 2020
🎓 Auteur·trice·s
Taïna Frazil
Taïna Frazil

Les meilleures pratiques pour le restavèk révèlent une réalité troublante : des milliers d’enfants haïtiens vivent dans des conditions d’exploitation, souvent invisibles aux yeux de la société. Cette étude critique met en lumière les origines historiques de cette pratique et ses conséquences dévastatrices sur le bien-être des enfants.


L’esclavage moderne

L’esclavage moderne est défini comme une action dans laquelle une personne possède ou « contrôle » quelqu’un d’autre, de telle sorte que la personne contrôlée cesse de jouir de sa liberté. L’esclavage moderne se fait aussi dans le but d’exploiter ou de tirer profit du potentiel d’une personne (Bales, 2006).

Le servage contemporain a pris de nombreuses formes, y compris la servitude pour dettes, le travail forcé, le mariage obligatoire, l’exploitation sexuelle et la traite des êtres humains.

L’esclavage aujourd’hui n’est plus lié à un groupe ethnique ou minoritaire donné ; il affecte tous les groupes ethniques et sociaux. L’esclavage moderne fait référence à tout type d’abus infligé à des personnes pouvant causer la perte de leur libéré pendant une période de temps donné. Au cours cette période, un esclave pourrait être n’importe quoi, sauf un être humain (Bales, 2006).

L’esclavage des temps modernes est connu sous plusieurs noms et se révèle sous de nombreuses formes, mais la caractéristique commune est le principe du contrôle d’autrui (Bales, 2006).

Tel que l’expliquait Kevin Bales (2006), dans son ouvrage Testing a Theory of Modern Slavery la pratique du restavèk est une forme d’esclavage moderne. Bales explique qu’il existe de nombreuses raisons pour lesquels l’esclavage continue d’exister.

Premièrement, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un boom démographique a fait passer la population mondiale de deux milliards de personnes à plus de six milliards. La majeure partie de la croissance démographique s’est produite dans les pays en développement où les gens étaient déjà vulnérables.

En fait, les pays où la population a augmenté le plus depuis 1945 semblent également avoir le plus de personnes asservies (Bales 2006). L’augmentation de la population, et donc l’augmentation de l’offre d’esclaves potentiels, a conduit à une diminution du coût d’obtention d’un esclave.

Les esclaves ne sont plus considérés comme un achat de capital. Alors qu’un esclave coûtait auparavant entre 50 000 et 100 000 dollars en argent d’aujourd’hui, il coûte aujourd’hui en moyenne environ 100 dollars (Bales, 2006).

Les esclaves modernes sont considérés comme une ressource jetable. Si quelqu’un périt, ils sont facilement remplacés. Étant donné que la plupart des esclaves aujourd’hui ne sont détenus que pendant quelques années en moyenne, la rentabilité du surmenage à court terme pèse de loin sur le coût de l’obtention de nouveaux esclaves lorsque cela est nécessaire (Bales, 2006).

Deuxièmement, l’esclavage persiste en raison des changements rapides qui se produisent à la fois dans les sociétés et dans les économies du monde entier. Dans certaines parties du monde, cela a pris la forme de guerres civiles postcoloniales, qui ont conduit à des bouleversements massifs parmi la population.

Les dettes astronomiques contractées pour combattre les guerres ont obligé le gouvernement à forcer les agriculteurs à cultiver des cultures commerciales au lieu des cultures de subsistance qu’ils cultivaient auparavant. Beaucoup d’agriculteurs ont fait faillite à cause de mauvaises récoltes, et ont également été contraints de fuir vers les villes (Bales, 2006).

L’afflux massif de personnes vers les villes a créé une pression soudaine sur les ressources et les emplois. De nombreuses personnes qui luttent pour survivre se sont retrouvées dans des bidonvilles entourées d’autres personnes dans la même situation avec des ressources insuffisantes.

Cela a créé une concentration de personnes désespérées qui sont devenues des proies faciles pour l’exploitation et l’esclavage. Pour les pays en quête de développement, les changements rapides de l’économie ont rendu les gens plus vulnérables.

Trop souvent, l’objectif du développement était, et est toujours, simplement la croissance économique du pays et non des moyens de subsistance durables pour les citoyens. Un exemple de cela pourrait être le passage rapide d’une économie contrôlée par l’État à une économie capitaliste après la chute de l’Union soviétique (Bales, 2006).

La troisième raison de la persistance de l’esclavage est la corruption du gouvernement. S’il y a corruption, un pot-de-vin à lui seul peut rendre presque tout légal, du moins dans la pratique. Sans corruption gouvernementale, beaucoup pensent que l’esclavage ne peut pas persister à une si grande échelle.

La corruption policière en est une manifestation. Pour les propriétaires d’esclaves, les paiements à la police pour la protection font simplement partie des dépenses courantes de l’entreprise (Bales, 2006).

Les différentes formes modernes d’esclavage

On dit que la traite des êtres humains est désormais une activité omniprésente et lucrative dans la plupart des pays du monde. Selon le Protocole de l’ONU dans Scarpa (2008), sur la traite des êtres humains, la traite des humains est définie comme toute activité qui implique « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, au moyen de la menace ou de l’emploi de la force ou d’autres formes de coercition, d’enlèvement… pour fin d’exploitation » (Scarpa, 2008, p.43)

Cela signifie que la traite des humains est une action semblable à l’esclavage par laquelle d’autres personnes utilisent le pouvoir et la violence pour maintenir cette pratique et en tirer le meilleur parti possible.

En 2000, l’Office des Nations Unies dans Ojeda (2004) pour le contrôle des drogues et la prévention du crime comptait environ 200 millions d’individus victimes de la traite des personnes (Ojeda, 2004).

L’esclavage des enfants est une autre forme de servage contemporain qui existe dans de nombreuses sociétés y compris l’Amérique, l’Afrique du Nord et de l’Est, l’OIT a estimé que plus de 80 millions d’enfants sont sous la servitude moderne, le pourcentage le plus élevé de ces enfants étant des personnes noires. La plupart d’entre eux ont été victimes d’exploitation physique et sexuelle lors de la traite (UNESCO, 2006).

Vivre dans ces conditions coercitives entraînera non seulement la perte de libertés et de droits, mais empêchera également ces enfants de s’acquitter de leurs futures obligations envers leur pays. Outre les enfants, les femmes sont les plus susceptibles d’être touchées par les nouvelles pratiques d’esclavage.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), environ 500 000 femmes sont exportées chaque année des districts les plus pauvres vers l’Europe occidentale pour être utilisées comme travailleuses du sexe ou comme concubines (Ojeda, 2004).

L’esclavage moderne implique donc de nombreuses formes, mais la caractéristique commune est l’abus de l’être humain.

La caractérisation du restavèk comme une forme d’esclavage met en évidence le fait qu’il s’agit d’une forme de travail non rémunéré, qui a diverses significations matérielles et symboliques. Tout comme les esclaves du passé, les restavèk sont maltraités, abusés physiquement, émotionnellement et sexuellement (Lubin, 2007).

En outre, définir les restavèk comme des esclaves modernes permettent en lumière d’autres dimensions du phénomène. Selon le sociologue et militant Kevin Bales, l’informalité et l’absence de réglementation qui caractérisent la pratique du restavèk augmenterait le potentiel d’abus, « s’appropriant la valeur économique des individus tout en les gardant sous un contrôle coercitif complet, mais sans revendiquer la propriété ou accepter la responsabilité de leur survie » (Bales, 2012, p. 25).

En addition, définir la pratique de restavèk comme esclavage démontre comment les Haïtiens reproduisent les relations historiques de pouvoir, d’autorité et de travail, attirant ainsi l’attention sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un phénomène isolé découlant uniquement de la pauvreté et des troubles contemporains, mais bien de la période coloniale.

En fait depuis le moment de son indépendance, Haïti reproduit les mêmes structures de pouvoir qui lui ont été imposées par la colonie française (Casseus, 2012). De ce fait, relier la pratique des restavèk et l’histoire d’Haïti est utile pour la contextualiser.


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce que le restavèk en Haïti ?

La pratique du restavèk en Haïti consiste à placer des enfants comme domestiques dans des familles aisées par des parents en situation de pauvreté.

Pourquoi le restavèk est-il considéré comme une forme d’esclavage moderne ?

Le restavèk est considéré comme une forme d’esclavage moderne car les enfants accomplissent des tâches domestiques sans rémunération, ce qui les prive de leur liberté et les exploite.

Quelles sont les origines historiques de la pratique du restavèk ?

Les origines historiques de la pratique du restavèk sont liées au passé esclavagiste d’Haïti, et cette tradition persiste malgré les dénonciations des organisations de défense des droits humains.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top