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Comment l’analyse comparative transforme notre compréhension du Colonel Chabert ?

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🏫 Université 8 Mai 1945 Guelma - Faculté des Lettres et des Langues - Département des Lettres et de la Langue Française
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2018/2019
🎓 Auteur·trice·s
LARAFA Safa
LARAFA Safa

L’analyse de l’adaptation cinématographique du Colonel Chabert révèle des choix audacieux de Yves Angelo qui transforment la perception d’une œuvre littéraire emblématique. En confrontant les personnages et les événements, cette étude offre des perspectives inédites sur l’intertextualité et la réception cinématographique.


Deuxième partie
Chapitre I L’analyse comparative

Dans cette partie nous allons essayer de faire une analyse comparative entre l’œuvre littéraire Le Colonel Chabert et son adaptation cinématographique réalisée par Yves Angelo en 1994 sur la base d’une confrontation entre les personnages littéraires et leurs doubles cinématographiques et des événements du récit et leurs reprises à l’écran en suivant la méthode comparative.

Les personnages

Le colonel Chabert

Il est présenté comme un spectre au visage inexpressif, au crâne fendu, il a l’air d’un vagabond qui a tout perdu, il est maigre, son front volontairement caché sous les cheveux de sa perruque lisse pour occulter sa blessure, qui lui donnait une mystérieuse apparence. Ses yeux paraissaient couverts d’une taie transparente, un visage pale, livide et en lame de couteau, semblait mort, le cou était serré par une cravate de soie noire, les bords du chapeau couvraient le haut du visage, il est faible et impassible.

Sur le plan moral, il présente les valeurs usées de l’empire : l’héroïsme, la grandeur d’âme, la fidélité à un empereur déchu, à une femme qui l’a oublié, il est humilié, malheureux, poli, modeste, désespéré mais cherche quand même une résolution à son malheur.

Socialement parlant, enfant trouvé, abandonné par ses parents inconnus, il est seul et sans soutien, il n’a rien hérité de ses parents ni un nom ni un titre, il devient un colonel dans l’empire Napoléonien, comte de l’empire et grand officier de la légion d’honneur, il trouve à sa propre façon une nouvelle famille où il a pour père l’empereur Napoléon, pour frères ses camarades de front, et pour patrie la France, héros de la bataille d’Eylau, il a traversé le monde. Il sera baptisé Hyacinthe Chabert.

Pour ce qui est du passage de ce personnage à l’écran, le réalisateur Yves Angelo a choisi Gérard Depardieu, un grand talent français. C’est d’abord un corps imposant, musclé, massif, souvent vif, et doté de la plus extrême sensibilité. Il a de la présence sur écran par opposition à son double littéraire ; le personnage cinématographique Chabert est proprement habillé. Respectable malgré les difficiles circonstances qu’il a vécues, ses paroles sont pertinentes, sa voix grave et haute, il est digne et brave, Il raconte son histoire à Derville douloureusement, mais patiemment, afin de revendiquer son identité et pour récupérer tout ce qu’il a perdu, Gérard Depardieu a une très forte personnalité pour jouer le rôle, alors Chabert parait comme un homme puissant, confiant, gardant espoir malgré tout ce qui lui est arrivé, résistant, il combat pour sa juste cause.

Par opposition à son double littéraire, il a de la présence sur scène, le réalisateur a totalement changé l’aspect de ce personnage particulièrement sur le plan physique car si dans le texte de Balzac, Chabert est décrit comme un vieillard, il ne l’est pas autant dans le film. Il parait puissant, agile, avec une apparence propre et digne.

Son aspect moral a également été sujet à certains changements, contrairement à l’humiliation qu’il subit et qu’il ressent, la faiblesse, le désespoir, qui l’ont caractérisé sous la plume balzacienne, Depardieu a incarné un personnage respectable, brave, digne, patient et résistant.

La comtesse Ferraud

De son nom de naissance Rosine Chapotel, l’ex épouse du colonel Chabert, femme moderne, coquette et artificielle, sa tenue vestimentaire est habilement calculée pour montrer la jeunesse de sa taille, femme sans cœur, assoiffée de richesse et de pouvoir, rusée, elle est froide et manipulatrice, on s’aperçoit immédiatement de son caractère dominant, elle est ambitieuse, cruelle et habile dans l’art de la séduction, elle s’est mariée par amour au colonel Chabert et est devenue une comtesse de l’empire, elle vit luxueusement grâce à l’héritage

légué par le colonel et fructifié par elle. Après la disparition de son premier époux, elle s’est remariée avec le comte Ferraud et elle s’adapte parfaitement avec la nouvelle société comme une comtesse de la restauration, elle a quarante ans, et a deux enfants issus du second mariage.

Son passé est révélé lorsque Chabert lui rappelle qu’elle est une ancienne prostituée « je vous ai prise au palais Royal »14.

Dans la représentation filmique, le réalisateur a dessiné soigneusement l’image globale de ce personnage, la brune mystérieuse Fanny Ardant a présenté par excellence l’image d’une aristocrate française, une élégante femme de haute classe, d’un style vestimentaire gracieux, elle marche doucement, la tête levée ce qui montre son élégance et la jeunesse de son corps orné des bijoux couteux, femme manipulatrice et dominatrice, et ça se voit dans son comportement avec ses domestiques, elle est rejetée par sa société d’adoption en la considérant comme une arriviste et qu’elle n’est pas respectueuse, ce qui justifie son isolement lors de la réception donnée chez elle.

Sur le plan moral, c’est une rusée au cœur froid, assoiffée d’or, habile dans l’art de la séduction.

Sur le plan social, c’est une mère de deux enfants du second mariage, elle a quarante ans, vit richement, elle dirige un immense château entouré d’un jardin paradisiaque, comportant des ustensiles en argent, des meubles de luxe.

On constate que l’incarnation du rôle était réussite, le réalisateur a choisi l’actrice Fanny Ardent (45 ans en 1994) qui illustre à merveille une femme sur le déclin mais qui réussit quand même à donner l’illusion de la jeunesse, nous remarquons qu’elle met en avant une personnalité séductrice et rusée afin d’obtenir ce qu’elle souhaite avec la gent masculine du récit (son mari, Chabert et Derville).

L’avoué Derville

Dans le roman, c’est un jeune avoué, habillé avec calcul et élégamment, il apparait en costume noir de bal, il est loyal, sage, généreux, intelligent, excellent homme de loi, ses paroles sont brèves et pertinentes, bien posé, convainquant, brave, poli, respectueux, sa journée est divisée entre la consultation des causes et les procès,

14 Balzac, Honoré de, Le Colonel Chabert, (1844), Paris, Garnier, 1964, p.27.

il est le seul à croire le récit du colonel, homme de confiance pour le revenant, tel qu’il lui dit « je me fie entièrement à vous »15

Sur le plan social, Derville est un avoué qui gagne beaucoup d’argent grâce à sa grande capacité de travail et la maitrise de son art, comme Boucard le lui avait décrit « il ne veut pas perdre aucune cause, il a l’amour de son art. Il ne se charge pas, comme ses confrères, de toute espèces d’affaire. Voilà sa vie, qu’est singulièrement active. Aussi gagne-t-il beaucoup d’argent »16.

Son étude est située rue Vivienne, il y dirige cinq clercs : Godeshal, Boucard, Deroches, Huré, Simonin. Il fréquente les cercles aristocratiques…

Dans le film, le rôle de ce dernier est joué par Fabrice Lucchini dont la passion précoce de la lecture l’a beaucoup aidé pour incarner le rôle de Derville, il apparait comme un personnage doué de nombreuses qualités : sage, sensible, brave, généreux, talentueux.

On constate que Fabrice Lucchini a parfaitement maitrisé le rôle, car il incarne avec confiance les traits de la personnalité du personnage de l’avoué Derville et a soigneusement présenté ses valeurs : la sagesse, l’intelligence, la domination de soi, la générosité, le calme, la persistance et surtout l’art de parler car qui mieux que Fabrice Luchini considéré comme le plus grand orateur rhétorique en France pour incarner le rôle d’un avocat.

Son apparence vestimentaire a également traduit son statut social, qui montre son élégance et son luxe, portant un costume de bal noir, sobre et élégant, traduisant les tendances vestimentaires et la sobriété de l’époque.

Le comte Ferraud

Le second mari de la comtesse, conseiller d’état et un directeur général issu de l’aristocratie de l’ancien régime, le personnage du comte est présenté dans le roman comme ce qu’on appelle in absentia, ou il est un élément essentiel de l’intrigue mais il n’apparait pas dans le roman, l’une des figures cupides et opportunistes du roman, il a

15Ibid, p.

16Balzac, Honoré de, Le Colonel Chabert, p.35

épousé la comtesse Ferraud pour restaurer sa fortune. En espérant devenir pair de France, il voudrait épouser l’héritière d’un pair de France.

La représentation filmique du comte Ferraud se diffère carrément à celle du roman, car il apparait évidemment dans le film, un homme de classe, il est dans les quarantaines, très riche, assoiffé d’or et du pouvoir, il vit dans un immense château avec sa petite famille, fasciné par le charme de sa belle épouse et dupé par ses ruses.

En voyant les deux représentations de ce personnage, dans le film et dans le roman, on remarque que le réalisateur lui a donné une grande importance et une valeur de plus par rapport à son absence dans le texte de Balzac, en détaillant sa personnalité, ses relations sociales, en parlant ici de son statut, ses ambitions pour atteindre la haute classe de la société et devenir pair de France, ainsi que sa vie intime et ses comportements avec son épouse artificielle.

Delbecq

Un personnage secondaire de l’histoire, avoué ruiné, il profite du nom du comte Ferraud pour devenir le président du tribunal de Paris.

Un homme des grandes affaires, comme le montrent les expressions : « homme plus qu’habile »17, « rusé praticien »18, il est un complice des intrigues de la comtesse.

Sa présence dans l’adaptation reste anecdotique car il fait office de figurant plus qu’autre chose.

Boucard

Le clerc le plus âgé, le maitre clerc de Derville, un homme de loi, il a l’expérience du travail, il gère l’étude en l’absence de Derville, il domine les autres et les saute- ruisseaux de l’étude. Homme de confiance pour le patron, il discute avec lui ses intentions pour les causes présentées à l’étude.

Boutin et Verginiaud

17Ibid, p.74

18Ibid, p.74

Deux anciens camarades et amis de Chabert, Boutin est un ancien maréchal des logis de son régiment, une aide précieuse, qu’il a rencontré en Allemagne après ils voyagent ensemble vers Paris, il est chargé d’adresser une lettre à la comtesse Ferraud après la dégradation de la santé de Chabert qui l’empêche de poursuivre son voyage.

Quant à Vergniaud, qui habite dans le faubourg saint Marceau, rue du petit-Banquier, vieux maréchal des logis du garde impérial, devenu nourrisseur, il accueille Chabert à Paris en attendant que sa situation soit réglée avec son épouse.

Dans le film, le réalisateur a fusionné ces deux personnages en un seul, autrement dit il a additionné les caractéristiques de l’un et de l’autre en un seul personnage qu’il a choisi de nommer Boutin et lui attribuant des éléments du parcours du Boutin littéraire et d’autres de celui du Verginiaud littéraire.

Dans le film celui qui accueille Chabert dans sa maison est nommé Boutin.

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14 Balzac, Honoré de, Le Colonel Chabert, (1844), Paris, Garnier, 1964, p.27.

15Ibid, p.

16Balzac, Honoré de, Le Colonel Chabert, p.35

17 homme plus qu’habile

18 rusé praticien


Questions Fréquemment Posées

Comment le personnage du colonel Chabert est-il représenté dans le film de Yves Angelo?

Le personnage cinématographique Chabert, joué par Gérard Depardieu, est présenté comme un homme puissant, confiant et digne, contrairement à sa représentation littéraire où il est décrit comme un spectre, faible et impassible.

Quelles sont les différences entre la comtesse Ferraud dans le livre et dans le film?

Dans le film, la comtesse Ferraud est dépeinte comme une femme moderne, coquette, manipulatrice et ambitieuse, tandis que dans le livre, elle est également rusée et cruelle, mais son caractère dominant est plus accentué à l’écran.

Quelle méthode est utilisée pour analyser l’adaptation cinématographique du Colonel Chabert?

L’analyse comparative entre l’œuvre littéraire et son adaptation cinématographique est réalisée en suivant la méthode comparative, en confrontant les personnages littéraires et leurs doubles cinématographiques ainsi que les événements du récit.

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