Les perspectives futures sur l’éducation révèlent des inégalités de genre profondément ancrées dans les établissements scolaires haïtiens. Cette étude met en lumière comment les constructions sociales influencent les rapports pédagogiques, désavantageant ainsi les filles et transformant la dynamique éducative.
7.2.3- L’opposition des sexes, un enracinement dans la structure sociale
Des rôles inégalitaires sont profondément enracinés dans la structure sociale qui impose l’opposition entre les sexes comme la seule option de coopération. L’ethnologue Margareth Mead citée par Elisabeth Badinter (1986) étudiant les sociétés primitives et les relations hommes-femmes qui s’y tissaient a pu démontrer qu’aucune société, même celles dites matrilinéaires et qui s’appuyaient sur une certaine valorisation de la figure de la mère, n’a éliminé les traces de la domination masculine.
Selon l’auteure, cette lourde tribu continue encore aujourd’hui (dans le cas de la société américaine) en dépit des diverses remises en question du pouvoir masculin et des avancées qui propulsent les femmes au-delà de leurs simples rôles de génitrices. Ces paramètres de la société patriarcale deviennent perceptibles en dépit de leur manque de ressemblance avec « l’image traditionnelle du père tout-puissant ». (Badinter,1986 :136).
Elle revêt des formes variées et se consacre notamment dans l’institution du mariage où la femme tient lieu d’échange et de perpétuation de la mainmise masculine sur son destin Cela provoque une carence de modèles due à un déficit historique pour les femmes et les filles elles-mêmes.
Badinter postule que la division sexuelle du travail est une constante, un fait qui tient ses origines depuis la substitution de la chasse pour satisfaire les besoins alimentaires dans l’ère néolithique à la sédentarisation ». Les nouvelles connaissances acquises sur les animaux et les cultures, instaurent d’emblée une entente entre les sexes, qu’Élisabeth Badinter qualifie de « contrat sexuel. » (Badinter, 1986 : 6).
Certaines tâches deviennent spécifiques et font évoluer les connaissances spécifiques des femmes vers le sensoriel et les hommes vers la technique. Il va sans dire que la domestication des animaux et des plantes va de pair avec une domestication de la femme qui offre le plus clair de son temps à la gestion des enfants et à prendre soin de la famille.
En lieu et place d’une valorisation de leur complémentarité, plus d’avantages seront dévolus aux hommes qui s’attribuent les bases des ententes politiques entre les groupes rivaux, dont on sait que les femmes serviront de biens d’échanges, pour répéter Claude Lévi-Strauss (Lévi-Strauss, 1949). La séparation sexuée des comportements et des jeux, chez les adolescents scolarisés, aussi spontanées qu’ils puissent paraitre obéissent à la logique de la séparation des sexes et de la dissemblance.
Les jeux de même que les attitudes sont différentes comme dans la vie de tous les jours, hormis certaines exceptions comme on l’a vu pour les garçons du Cours Privé Edmé. Les différences s’accentuent en dépit de la neutralité pédagogique déclarée.
Un enseignant nous confie en ce sens : « C’est un leurre de croire que les professeurs ont une préférence pour les filles, en dépit de leur plus grande réception en salle de classe. Elles disputent beaucoup plus entre elles ; de mon côté, j’essaie toujours de maintenir une certaine distance entre elles et d’éviter les malentendus » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’auteure).
Les perceptions considérant les filles toujours introverties d’un côté, et les garçons turbulents de l’autre, serait un élément significatif de la différence des sexes qui se postule comme élément significatif, central ou non, de la situation par les acteurs sociaux. Les enseignants ont tendance à utiliser les différences de comportements pour fac9iliter l’organisation de la classe.
Certaines qualifications telles que « élèves sages », « bonnes élèves », « bonnes camarades aidant leurs camarades », sont attribuées aux filles et les encouragent dans des rôles fortement différenciés. C’est fondamental dans les relations avec les enseignants hommes ou femmes et dans l’environnement académique en général.
Dans le même temps, la socialisation de l’intérieur, dans la gestion des choses et des relations, l’école apporte un renforcement à cette socialisation féminine traditionnelle et de la division sexuelle du travail. Valorisation paradoxale qui renforce l’enfermement identitaire.
Un autre professeur interviewé, déclare à ce propos : « Les filles sont plus réceptives aux principes ; c’est un fait qu’on ne peut pas nier. Chaque sexe développe son propre rapport à tout ce qui se passe dans l’établissement scolaire » Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’auteure).
L’éducation différentielle s’appuie sur l’idée fondamentale d’un dualisme exclusif. La ressemblance des aptitudes entre hommes et femmes est délaissée pour une institutionnalisation des différences. L’éducation commune défendue depuis des lustres pour fonder l’égalité se révèle prise au piège des interactions et rapports interindividuels nullement égalitaires.
Les rapports entre filles et garçons, entre enseignant.e.s et élèves s’inscrivent dans la continuité de l’idéologie patriarcale dont la base est l’asymétrie des attributs dits masculins et féminins, et de pouvoir inégal entre les sexes. L’épanouissement et l’occultation des capacités féminines se perdent dans des conceptions traditionnelles qui se reproduisent infiniment dans les rapports pédagogiques. La coexistence ou la mixité scolaire ne s’ouvre pas automatiquement sur une culture de la mixité sociale.
Les interactions sociales entre les adolescent-e-s de l’école secondaire en Haïti font montre d’attitudes et de comportements différents suivant leur sexe. Dans le cas des adolescent.e.s scolarisé.e.s de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, on a observé des rapports sociaux de sexe où hiérarchisation, domination et différenciation des rôles de genre prennent tout leur sens.
Ces rôles sont soit encouragés, soit orchestrés par les groupes de pairs ou groupes de sexes. Les antagonismes entre les groupes sont à la base de la construction identitaire. Ces constructions sociales, qui suivent un cheminement qui fait que les rôles sont non-interchangeables, confortent des positions rigides et participent à la construction d’un soi sexué et différencié chez les adolescent.e.s.
L’expérience scolaire conduit à des catégories conceptuelles opposées où les garçons incarnent la force, le défi, la mobilité alors que les filles se positionnent en tout leur contraire. Une communauté d’habitus se transforme en une seconde nature. Par la régularité des rôles se produit une accoutumance et une spécification suivant qu’il s’agit d’un adolescent ou d’une adolescente.
Le féminin se construit différemment du masculin dans la reproduction d’un ensemble de traits réifiés et répétitifs. Il y a une place confortable puisque non remise en question pour chaque sexe qui s’aligne sur le système sexiste de la société. Cette place instaure un ordre hiérarchique entre les sexes qui perpétue les discriminations où les femmes où les filles se profilent en des êtres inferieurs.
Les assignations suivant le sexe des adolescent.e.s scolarisées contribuent au processus identitaire différencié. L’investissement dans les taches privées, créent des désavantages probants pour la fille et susceptibles de provoquer une réduction de perspectives à l’avenir. C’est un terrain propice pour une dissemblance d’aptitudes chez les adolescentes et les adolescents.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les impacts du sexisme dans l’éducation secondaire en Haïti ?
L’analyse révèle la présence du sexisme en milieu scolaire et montre comment l’éducation n’est pas exempte de valeurs genrées, désavantageant les filles par rapport aux garçons.
Comment les rôles de genre influencent-ils les rapports pédagogiques ?
Les constructions sociales du féminin et du masculin impactent les rapports pédagogiques, avec des perceptions qui attribuent des comportements différenciés aux filles et aux garçons.
Quelle est la perception des enseignants sur les différences de comportement entre les sexes ?
Les enseignants ont tendance à utiliser les différences de comportements pour faciliter l’organisation de la classe, attribuant des qualifications telles que ‘élèves sages’ aux filles.