L’éducation et technologie en Haïti révèlent des disparités surprenantes dans les établissements scolaires mixtes. Cette recherche met en lumière comment le sexisme et les constructions sociales influencent les rapports pédagogiques, désavantageant ainsi les filles face aux garçons, avec des implications cruciales pour l’avenir éducatif du pays.
Chapitre VII- Enjeux sociaux de la répartition sexuée des tâches entre adolescent.e.s scolarisé.e.s
Chapitre VII- Enjeux sociaux de la répartition sexuée des tâches entre adolescent-e-s scolarisé-e-s
Ce chapitre expose l’éducation en milieu scolaire, ses différents enjeux sociaux et impacts dans la construction des identités sexuées chez adolescentes et adolescents. Il présente également les incidences de la socialisation genrée sur les relations et pratiques pédagogiques qui se tissent en salle de classe, entre professeurs et élèves. En se basant sur l’apport théorique de quelques autrices telles que Margareth Mead, Gisèle Halimi et Elizabeth Badinter, il met en exergue la construction du masculin qui se fait en opposition du féminin.
En dernier lieu, le présent et dernier chapitre fait le lien entre la promotion de valeurs universelles par l’institution scolaire et les obstacles sociaux réels pour son engagement dans la déconstruction des rapports sociaux de sexes en son sein.
- Rapports sociaux de sexe
7.1- Comment les tâches sont reparties à l’école haïtienne
7.1.1- Conséquences des rapports sexués différenciés
On comprend que la séparation entre les tâches effectuées par les filles et les tâches assurées par les garçons, qui s’opèrent lors des activités extrascolaires est le fruit d’un long processus qui est engagé dans les premiers moments de construction de leur identité sexuelle. Ils/elles connaissent plusieurs étapes conduisant à une différenciation nette des rôles sexuels. Toutefois, pour ceux et celles provenant de familles plus aisées et possédant un meilleur capital culturel, cette rigidité dans les rôles sexuels est moindre comme nous l’avons vu au Cours privés Edmé où les garçons n’ont aucun complexe à cuisiner. Quelle part d’influence de ces répartitions revient aux choix de carrière et aux enjeux sociaux ?
L’une des conséquences de la répartition sexuée des taches c’est que les adolescentes par la répétition des tâches domestiques deviennent cette femme enfermée dont parle Gisèle Halimi dans son ouvrage « La cause des femmes » (Halimi,2010). Elle peint la femme comme une personne qui exerce ses activités au foyer, des activités qui sont canalisées vers la reproduction de la force de travail : ménage, repassage, cuisine, etc. Ces tâches sont répétitives et ne permettent pas d’ouverture sur l’espace public. Cette femme est coupée du monde extérieur qui est l’espace de prise de décisions et de négociations ; elle « vit dans un monde parallèle, dans une sorte de ghetto » (Halimi, 2010 :4) révèle-t-elle.
Le travail qu’elle accomplit dans la sphère domestique est un travail invisible qui n’est pas pris en compte dans le PNB (Produit National Brut), puisque non producteur de plus-value. Ce travail non rémunéré permet la reproduction de la force de travail comme l’a démontré Karl Marx (1867),
« le salaire n’étant pas le prix de la force de travail, mais seulement celui de la reproduction de cette force ». (Novelle, 2004 :4). Mais, elle ne défend pas pour autant la rémunération de ce travail qui pour elle servirait à établir une ségrégation entre tâches masculines et tâches féminines et de surcroit, à renforcer les stéréotypes sexués.
7.1.2- Implications politiques de la sphère privée
L’investissement des femmes, et par ricochet des adolescentes scolarisées, dans les activités domestiques pose d’emblée la problématique de la dichotomie traditionnellement établie entre sphère privée et sphère publique. On admet le plus souvent que ce qui est privé ou personnel ne charrie aucune implication politique. La définition même du politique selon les contractualistes (Locke, Rousseau, Hobbes) a été conçue par opposition au privé.
Or, la sphère privée habituellement perçue comme un endroit où se passent les activités de moindre importance, les activités de reproduction de la force de travail implique une certaine division sexuelle du travail domestique. Depuis des lustres, les hommes sont supposés être les seuls acteurs de la sphère économique et politique tandis que les femmes sont les gérantes de la vie domestique et privée.
De ce fait, les féministes ont tenté de redéfinir dans les années 1960 la frontière entre vie publique et vie privée qui dépasse la notion de démocratie pour une redéfinition du politique qui englobe tous les aspects de la vie sociale. Ceci dit, le politique ne concerne pas uniquement le pouvoir politique mais doit être pris dans son acceptation la plus globale comme espace où se jouent des intérêts et qui sont tout au plus des espaces de pouvoir, du pouvoir masculin plus précisément.
À juste titre, les féministes radicaux ont fait intervenir le slogan « Le personnel est politique » pour signifier qu’ils ne peuvent pas être considérés comme deux espaces distincts et séparés mais doivent être pris dans leur interdépendance. L’expression pointe les privilèges masculins du système d’oppression patriarcal qui aux yeux des féministes radicales représentait la « forme primordiale d’oppression » par opposition à celle de la classe sociale. L’espace privé était vu comme étant le foyer du pouvoir patriarcal, et la famille, celui de l’oppression des femmes.
D’autres féministes plus « modérées » ont de leur côté, voulu par le slogan « le personnel est politique », intégrer des sujets considérés habituellement comme relevant du privé ; ensuite aborder les questions relatives à la gestion de la vie familiale comme le soin des enfants. En somme, cette approche permit de réviser les relations entre sphère privée et sphère publique.
Pour mieux expliciter le slogan « le personnel est politique » Anne Phillips16 identifie à ce sujet un ensemble d’enjeux sociaux d’une grande importance :
- « La participation effective des femmes dans la sphère publique est conditionnée par leur vie privée ».
- « La division sexuelle du travail mène à une “ double charge de travail pour les femmes ».
- « Les femmes ne peuvent prendre part au processus de prise de décision en raison de leur manque de temps qui est dû à la surcharge des tâches domestiques qui permettent en partie à la reproduction de la force de travail. Car en fait, le mode d’organisation de la vie privée a une relation d’étroite causalité avec la participation politique des femmes ».
La répartition sexuée des tâches permet que l’espace public continue d’être partagée inéquitablement entre les sexes, avec des conséquences notables sur les femmes. Celles-ci, assurant le gros lot des tâches domestiques et de l’éducation des enfants, le font le plus souvent à côté de leurs responsabilités professionnelles ; tandis que les hommes sont complètement dispensés de ce genre d’activités.
Le foyer continue d’être, dans la société haïtienne, un espace où les soins aux enfants et la gestion de la famille reposent en majeure partie sur le dos des femmes ; et pour les familles des classes moyennes et aisées, ils sont parfois partagés avec les aides familiaux. Ce type d’organisation de la vie familiale qui remonte au développement du système capitaliste où les femmes exerçaient désormais leurs activités en dehors du foyer (dans les usines).
Cela consacre la subordination des femmes aux hommes desquels elles deviennent dépendantes économiquement, car même si on ne le dit pas assez souvent, leur investissement dans la sphère privée les empêche de vaquer à d’autres activités publiques et même d’avoir une longue carrière dans leur boulot.
En France, on dénote que ce sont les femmes qui parfois acceptent volontairement des emplois à temps partiel, afin de pouvoir assumer les travaux domestiques. Les hommes de leur côté sont libres d’avoir une meilleure carrière professionnelle car dispensés d’un ensemble de tâches que les femmes assurent à elles seules. Il s’agit d’une injustice faite aux femmes qui prend toute sa signification dans la conception naturaliste des sexes. Dans cette perspective, certaines tâches spécifiques sont considérées comme l’apanage des femmes,
16 Anne Phillips, « Espaces publics, vies privées », www.unil.ch, consulté le 20 décembre 2020.
pareil pour les hommes. Ces tâches ne sont pas interchangeables, il s’agit d’un ordre naturel des choses ancré dans les mentalités et les pratiques sociales. Ce qui n’a aucun rapport avec les capacités réelles des femmes mais qui est plutôt le fruit de la domination masculine qui consent à les confiner dans la vie domestique, sans possibilité réelle de s’épanouir dans d’autres lieux comme la vie économique et politique considérés comme des bastions masculins.
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16 Anne Phillips, « Espaces publics, vies privées », www.unil.ch, consulté le 20 décembre 2020. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les enjeux sociaux de la répartition sexuée des tâches à l’école haïtienne?
Ce chapitre expose l’éducation en milieu scolaire, ses différents enjeux sociaux et impacts dans la construction des identités sexuées chez adolescentes et adolescents.
Comment la répartition des tâches affecte-t-elle les adolescents et adolescentes en Haïti?
L’une des conséquences de la répartition sexuée des tâches c’est que les adolescentes par la répétition des tâches domestiques deviennent cette femme enfermée dont parle Gisèle Halimi.
Quelles sont les implications politiques de la sphère privée dans l’éducation en Haïti?
L’investissement des femmes, et par ricochet des adolescentes scolarisées, dans les activités domestiques pose d’emblée la problématique de la dichotomie traditionnellement établie entre sphère privée et sphère publique.