L’impact de l’exil sur l’identité révèle comment la quête de soi se heurte à des héritages culturels conflictuels. À travers l’œuvre de Leïla Sebbar, cette étude met en lumière les luttes identitaires entre la langue française et arabe, offrant une perspective essentielle sur la douleur et la créativité littéraire.
Le milieu familial
Avec Je ne parle pas la langue de mon père Leïla Sebbar nous fait pénétrer dans un état ambigu du protagoniste, son œuvre nous plonge dans un contexte colonial et plus précisément dans les années de la révolution algérienne. Cette situation est douloureuse pour le peuple algérien et surtout pour les autochtones intellectuels (le cas du père de Leïla Sebbar), cela permet à l’écrivaine de dévoiler et de mieux comprendre le passé familial vécu dans cette période.
En effet, le récit Sebbarien révèle une enfance algérienne principalement problématique de la petite fille métissée, de mère « Française de France » et le père Algérien. Ceux-ci marquent un parcours de l’enfant dans une société compliquée qu’est l’Algérie coloniale. Le père est un éducateur et spécialement un directeur d’école (l’école de garçons indigènes), la mère est institutrice, elle poursuivit l’enseignement laïque dans la langue française dans un territoire Algérien.
La langue arabe est complètement étrangère, seulement la « belle langue de France » a le droit d’être admis dans la maison de l’école où vit la famille de Leïla, ses deux sœurs cadettes et son frère ainé. Et pourtant, le père maitrise bien l’arabe ; il a choisi de parler avec ses enfants la seule langue employée et enseignée à l’école : la langue du colonisateur.
Les parents Sebbar tenant donc leurs enfants à l’écartement de la langue et de la culture arabe, les exposaient à s’exiler à l’intérieur même de ce pays, ce qui s’explique à travers la citation suivante : « L’interdit de la colonie, mon père le fait sien, que ses enfants ne connaissent pas l’inquiétude, qu’ils ne se tourmentent pas d’une prochaine guerre de terre, de sang, de langue. »5
En fait, le père a écarté la langue arabe de la vie de ses enfant dans le but de les protéger, mais son silence bouleverse parfois ses filles, en ignorant la langue arabe Leïla et ses sœurs ne savent pas se défendre contre les insultes des garçons du quartier, à ce propos elle dit : « Ces mots hurlés et qui nous accompagnent longtemps le long des oliviers et ils n’existent plus, seulement dans l’imagination ? C’est ce que laisse supposer le silence de mes sœurs, de mon père »6
Nous avons constaté par la suite que les filles de Sebbar reçoivent chaque jour des agressions verbales offensives, lorsqu’elles empruntent le chemin de l’école toutes seules, à cause de leurs tenues vestimentaires étrangères de la société algérienne.
Elles sont décrit ainsi :« Comment n’auraient-ils pas, toujours à l’affût d’un fragment minuscule de peau féminine, hurlé de joie et de colère au passage de ces jambes nues jusqu’à la cuisse et blanches, six fois exhibées au rythme de la marche et de la courte jupe plissée qui ourlait le tablier d’école. »7
Bien que Leïla ne comprend pas ces injures, elle arrive à déduire leurs sens péjoratif ces mots sont lancés violemment contre elle comme des pierres jetées visant l’œil ou la tempe, et séducteurs. Or elle ne sait pas se défendre, elle reste sourde et muette sans rien dire, tout cela c’est une faute d’acquisition de la langue de son père. Elle déclare que la langue de ces garçons envers les trois filles désarmées est une langue d’agression et de la cruauté.
Cependant, il est incontestable que la famille de Leïla ne partage aucune relation avec le monde extérieur, la maison se situe au centre d’un quartier arabe pauvre où vivait le peuple indigène, elle était entourée par des hauts murs et des grillages à travers lesquels Leïla et ses sœurs regardent la rue, le stade, et les maisons arabes.
Les parents forment, pour des raisons beaucoup plus politiques, un entourage en érigeant avec la bonne préméditation du monde la maison d’école en « citadelle invincible » comme la nomme Leïla Sebbar : « Citadelle invincible, qui la protégeait? La république? La colonie? La France? Mon père, le maître des garçons, aurait-il été leur père avec une femme de maison d’en face?…
je les voyais depuis la porte qui ouvrait sur la cour de récréation. » 8
Il s’avère, d’ailleurs, intéressant de signaler le rapport qu’entretient Leïla avec Aïcha et Fatima les deux bonnes qui travaillent pour la famille Sebbar. Ces deux femmes n’ont jamais fait l’école, elles ont quitté leur pauvre quartier pour l’école de la république française, Aïcha et Fatima comprennent, apprennent et parlent la langue française, pour elles c’est la langue du travail, le rapport était chaleureux.
C’est la seule relation que partage Leïla Sebbar au sein de sa société, de ce fait, on constate qu’elle était exilée au cœur de sa terre natale, son exil est le résultat d’un mariage mixte, son identité complexe est le fruit d’un métissage franco-algérien dans une période coloniale où le mariage mixte paraît comme un danger politique.
Beaucoup de questions se posent telles que : comment ces parents gèrent leur couple ? Comment arrivent- ils à surmonter les différentes barrières ?
Mais avant même de chercher des réponses à ces questions, il faut tout d’abord penser à une chose : ce mariage interculturel Est-il avant tout un mariage comme les autres ?
Le mariage mixte
Cette expression de mariage mixte a longtemps désigné le mariage entre un(e) autochtone et un(e) étranger(e). Certes, les sociologues concèdent un autre sens de ce terme, qui indique qu’un mariage mixte exprime les différences de cultures, religions, langues ou origines d’appartenance entre un homme et une femme.
D’ailleurs, il est important de noter, en revanche, dans tous les cas de figure, l’existence de deux cultures dans un mariage redresse toujours de vives interrogations. Et les raisons qui ont poussé ces deux personnes à unir leur destin sont multiples. 9
En effet, à l’époque coloniale, les mariages mixtes se manifestent nettement comme un danger, donc il y avait un problème de métissage, de mélange de cultures, et de croisement des personnes. Leur vie était marquée par la dureté, la misère, le rejet et les refus bref, il est rare de trouver à l’époque un Algérien Épousant une Française.
Ce fait est très apparent dans le roman de Leïla Sebbar, Le couple exceptionnel que forment les parents transgresse les frontières des deux mondes « oriental » et « occidental » et surmonte la séparation « colonie » et « colonisateur », cette mère française de France et ce père arabe constituent un beau exemple dans la rencontre d’êtres et de cultures. Or, cela constitue une exception dans l’époque coloniale, pour ne pas dire une honte.
Dans le même contexte en constate que l’écrivain évoque un passé familial très pesant, dans lequel son père est installé au cœur de tous les dangers, Il a été donc persécuté, harcelé et surtout condamné des deux côtés(l’Algérie et la France). Il était même culturellement, comme exilé dans son pays. Donc, Leïla Sebbar issue de cet exil, et naître de cette union dans l’Algérie coloniale c’est naître dans la division, A ce propos Leïla affirme que :« Ces mariages étaient très rares à l’époque, et
mal vus des deux communautés, même si mes parents ont su nous protéger de ces dévissions, C’est la guerre qui m’a fait comprendre qu’être née d’un père arabe et d’une mère française, c’était n’être à sa place ni d’un côté ni de l’autre » 10
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5SEBBAR, Leïla, Je ne parle pas la langue de mon père. Paris, Julliard, 2003, p.20 ↑
9Mariage mixte rencontre de deux cultures tout au cours de la vie, [en ligne], in : http://www.mariage.mg/le- mariage-mixte/ consulté le : 04/02/2017 ↑
10 Entretien avec Leïla Sebbar, Double appartenance oui, double culture non, Le soir d’Algérie, mars 2007. ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment l’exil influence-t-il l’identité dans l’œuvre de Leïla Sebbar ?
L’exil influence l’identité dans l’œuvre de Leïla Sebbar en révélant le tiraillement entre la langue française et la langue arabe, ainsi que la quête identitaire vécue par le protagoniste entre la France et l’Algérie.
Quel est le rôle de la langue dans le déracinement identitaire chez Leïla Sebbar ?
La langue joue un rôle crucial dans le déracinement identitaire chez Leïla Sebbar, car le père choisit de parler uniquement français avec ses enfants, les éloignant ainsi de la langue et de la culture arabe.
Comment la famille de Leïla Sebbar se protège-t-elle des influences extérieures ?
La famille de Leïla Sebbar se protège des influences extérieures en érigeant leur maison d’école en ‘citadelle invincible’, isolant ainsi leurs enfants du monde extérieur et des tensions sociales.