Les conséquences du mariage forcé à Kalemie révèlent une réalité alarmante : malgré l’augmentation de cette pratique, les autorités judiciaires négligent sa répression au profit d’autres infractions. Cette étude met en lumière les implications socio-juridiques critiques, appelant à une réforme urgente pour protéger les victimes.
Section 4:
De la prise de solution contre le mariage forcé
Il ressort de cette longue littérature que la recrudescence des mariages forcés en République Démocratique du Congo en général et dans la ville de Kalemie en particulier ainsi que le manque de répression de ces mariages forcés ou mariages d’enfants portent des conséquences néfastes dans la société tout entière et plus particulière dans l’avenir des victimes de ces manquements à la loi qui se trouvent dans la contrainte de se marier avec les hommes qu’elles n’ont pas choisis ou qui voient leurs mariages être empêchés intentionnellement ou encore qui sont données en mariage avant l’âge voulu par le législateur.
Ces victimes grandissent avec des problèmes psycho-pathologiques dans leurs foyers ce qui, dans la plupart des cas, ne leur permet pas de poursuivre avec la vie de couple avec les maris qui leur ont été imposés.
A cet effet, parmi les femmes interrogées au cours de nos travaux de recherche, l’une avait tout simplement déclaré: « les parents doivent cesser de causer des problèmes à leurs filles. » C’est pourquoi, cette section contient des recommandations visant à prévenir ces mariages forcés ou mariages d’enfants et à secourir celles qui en sont victimes. Les interventions recommandées se rapportent à des changements structurels ainsi qu’à des efforts relatifs à des cas précis. Elles s’adressent tout d’abord au législateur ; ensuite, aux hautes autorités judiciaires ; aux autorités administratives dans leurs fonctions respectives ; et enfin, aux victimes des mariages forcés, comme suit :
1° Au législateur :
Nous suggérons la révision du code de la famille et de ses textes complémentaires, qui devra passer par la suppression de la dot instituée par l’article 361 du code de la famille comme condition de formation du mariage en Droit congolais. Cette suggestion tient du fait que nous avions évoqué quelque part que la pauvreté des familles dans lesquelles proviennent certaines filles serait une cause des mariages forcés.
Non seulement cette pauvreté, nous l’avons souligné, les parents sont aussi animés par des intérêts égoïstes qui les amènent à contraindre leurs filles à se marier soit avant l’âge requis par le législateur, soit avec des hommes plus riches que ceux qu’elles désirent, dans le dessein d’obtenir une grosse somme d’argent en terme de « dot ».
En supprimant la condition de formation du mariage reprise par les dispositions de l’article précité, les parents ne voudront plus contraindre leurs filles à se marier dans le but de gagner beaucoup ; ils laisseront tout de même le choix du mari à la fille elle-même.
La révision du code la famille et ses textes complémentaires doit porter également sur les dispositions de l’article 336 de ce texte juridique de grande envergure, soit-il, et de l’article 189 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant ou même de l’article 174 f de la loi loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais.
En effet, dans le cadre de la révision du l’article 336 du code de la famille, nous souhaiterions que le législateur puisse adapter cette disposition légale à la loi sur les violences sexuelles qui prend en compte comme auteurs à la base de la recrudescence de cette incrimination de mariage forcé les père et mère ou le tuteur de l’enfant.
Dans tous les cas, nous demandons toujours au législateur de hausser les peines prévues pour l’infraction de mariage forcé en augmentant la peine jusqu’à quinze (15) ans de servitude pénale et en majorant l’amende prévue à cet effet jusqu’à un minimum d’un million de francs congolais (1.000.000fc) pour faire intimidation aux auteurs de ces mariages forcés dans toute l’étendue du territoire national.
2° Aux hautes autorités judiciaires :
Nous implorons leur implication et leur indulgence pour organiser dorénavant des poursuites à l’encontre des auteurs des mariages forcés et pour les sanctionner sévèrement comme pour toute autre infraction relative aux violences sexuelles. Elles doivent également organiser des sessions de formation dans lesquelles devront participer tous les Officiers de Police Judiciaire et tous les Officiers du Ministère Public dans le dessein de renforcer leur capacité dans la recherche et l’examen des éléments constitutifs des infractions relatives aux violences sexuelles et plus particulièrement des mariages forcés ainsi que leurs auteurs.
Cette suggestion tient du fait que certaines autorités compétentes pour la répression des mariages forcés ignorent encore l’existence de cette incrimination dans notre code pénal congolais tel que modifié et complété à ce jour par la loi loi n° 06/018 du 20 juillet 2006, si bien que certains OPJ nous avaient-ils avoué dans nos enquêtes que leurs connaissances sur les infractions relatives aux violences sexuelles se limitaient uniquement sur trois ou quatre infractions à savoir le viol, l’attentat à la pudeur et le harcèlement sexuel.
En organisant des sessions de renforcement de capacité sur la répression des mariages forcés, aucun OPJ ne demeurera dans l’ignorance de cette infraction dans la législation congolaise.
3° Aux autorités administratives dans leurs fonctions respectives :
Nous sollicitons leur implication pour l’organisation des campagnes de communication de masse (par exemple à la radio, la presse écrite et la télévision) et des campagnes de communication ciblées au niveau des communautés locales (porte-à-porte, cinéma local, dialogue communautaire, etc.) pour favoriser la compréhension, au sein des communautés, des effets néfastes du mariage forcé sur la société et les individus, et sensibiliser la population aux conséquences juridiques prévues par les textes légaux en vigueur.
4° Aux victimes des mariages forcés elles-mêmes :
Nous demandons leur courage et leur gaieté à pouvoir dénoncer, dans le délai prescrit par la loi, les cas des mariages forcés dont elles sont victimes en saisissant les autorités compétentes à savoir les Officiers de Police judiciaire et les Officiers du Ministère Public du ressort ou en le dénonçant ou en le révélant devant l’Officier de l’Etat Civil au moment de la célébration ou de l’enregistrement du mariage par-devant celui-ci.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Que conclure à l’issu d’une polémique vaste et complexe ? Il sied de rappeler ici que le mariage est défini comme étant une union entre deux individus de sexes opposés, ayant atteint l’âge de dix-huit (18) ans accomplis qui, ayant personnellement émis leur consentement libre et éclairé, s’obligent à s’unir par les liens d’un mariage légal et durable bien réglementés par la loi. Ce faisant, il importe de retenir que le mariage est une liberté fondamentale et étant comme telle, les atteintes à la liberté du mariage doivent être strictement nécessaires et contrôlées, mais elles peuvent tout de même exister si elles sont justifiées par un intérêt essentiel, suffisamment important pour justifier une atteinte à une liberté fondamentale.
De plus, le mariage suppose la réunion de certaines conditions de fond et celles de forme. Les conditions de fond comprennent la capacité de contracter mariage, la différence de sexe, le consentement personnel des époux, le paiement de la dot, l’absence d’un mariage préexistant, le respect du délai de viduité et l’absence des liens de parenté ou d’alliance entre conjoints au degré prohibé.
Le défaut de l’une de ces conditions de fond rend le mariage nul et de nul effet. Les conditions de forme du mariage donnent le mariage célébration et le mariage constatation. A cela, il convient de préciser que le mariage, qu’il soit célébré en famille sans être enregistré à l’état civil ou qu’il soit célébré devant un Officier de l’Etat Civil et enregistré, produit les mêmes effets juridiques.
Cependant, les effets juridiques produits par le mariage célébré en famille ne sont opposables qu’aux personnes qui ont pris part à la cérémonie de célébration du mariage en famille ; ils ne sont point opposables aux tiers qui n’ont pas pris pas à cette cérémonie.
Si l’on s’en tient à deux des conditions de fond du mariage en retenant la capacité de contracter mariage et le consentement personnel des époux, nous constaterons sans peur ni crainte d’en être contredite que le fait de donner un enfant de moins de dix-huit (18) ans révolus en mariage ou en vue du mariage ou le fait de contraindre quelqu’un à se marier ou encore le fait d’empêcher la conclusion d’un mariage régulier, est constitutif de l’infraction de mariage forcé ou de mariage d’enfant ou encore du mariage précoce prévue par les instruments juridiques internationaux au nombre desquels nous citons la convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, du 7 novembre 1962 ; la convention relative aux droits de l’enfant, Résolution 44/25, Assemblée générale, 44ième session, 20 novembre 1989, New York, Nations Unies, 1989 (entrée en vigueur le 2 septembre 1990) ; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ; et le Protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, signé à Maputo le 11 juillet 2003.
Et par les instruments juridiques nationaux aussi au nombre desquels nous citons la loi n° 87-010 du 1ier août 1987 portant Code de la famille telle que modifiée et complétée par la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016, spécialement en ses articles 336 et 404, le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais tel que modifié et complété par la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006, particulièrement en son article 174 f ; et la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, spécialement en ses articles 48, 49 et 189.
Ainsi, le mariage forcé peut être défini comme étant le fait pour une personne qui a l’autorité parentale ou tutélaire sur une autre de donner cette dernière en mariage ou en vue du mariage ou la contraindre à se marier contre son libre consentement ou contre son propre gré ou encore l’empêcher à conclure un mariage régulier.
Il suppose la réunion de tous les éléments constitutifs dont l’élément légal, les éléments matériels ainsi que l’élément psychologique. Toutefois, il a été fait un constat selon lequel il y a une controverse entre le code de la famille tel que modifié et complété à ce jour et le code pénal congolais tel que modifié et complété à ce jour en ce qui concerne la qualité de la personne susceptible de commettre l’infraction de mariage forcé.
Pour le code de la famille, il doit s’agir de tout individu autre que le père, mère, tuteur, ou toute personne qui exerce en droit l’autorité sur l’individu. Peu importe l’âge (majeur ou mineur d’âge). Il peut s’agir d’un membre de famille, proche ou lointain, d’un ami ou d’une amie, d’un voisin ou d’une voisine, d’un pasteur, d’ « un frère ou sœur en christ », d’un chef de quartier ou d’avenue, etc.
Par contre, pour le code pénal, il doit s’agir de toute personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire sur une personne mineure ou majeure, c’est-à-dire il doit s’agir du père, mère, tuteur, ou toute personne qui exerce en droit l’autorité sur l’individu.
Qu’à cela ne tienne, il convient toutefois de signaler ici que même si dans le texte de loi, l’infraction de mariage forcé est prévue, mais ce texte n’est pas mis en application en ce sens que les poursuites judiciaires ne sont exercées contre les auteurs de cette incrimination, et c’est ce qui se voit dans la pratique du moins jusqu’ici. Au demeurant, la répression de mariage forcé dans la ville de Kalemie est quasiment inexistante du fait que les autorités judiciaires n’exercent pas les poursuites pénales contre les auteurs de l’infraction de mariage forcé, alors que celui-ci viole constamment les droits fondamentaux et libertés publiques tels que prônés par la communauté internationale.
Dans les recherches que nous avions pu mener avec deux-cents cinquante échantillons repartis en commune, nous avions pu récolter un total de cinquante-huit (58) cas des mariages forcés, soit 23,2% du taux des mariages forcés dans la ville de Kalemie, répartis comme suit :
- Cinquante-cinq (55) cas, soit 22% du taux des mariages forcés commis dans les mariages célébrés en famille mais non encore enregistrés, dont trente et un (31) cas, soit 12.4% de cas des mariages forcés dans lesquels les victimes sont mineures d’âge et vingt-quatre (24) cas, soit 9.6% des cas des mariages forcés dans lesquels les victimes sont majeures ;
- Trois (3) cas, soit 1,2% des mariages forcés célébrés devant l’Officier de l’Etat Civil, dont zéro cas des mariages forcés dont les victimes sont mineures et tous les trois cas pour les mariages forcés dont les victimes sont majeures.
En clair, cette léthargie dans la répression des mariages forcés dans la ville de Kalemie présente des conséquences néfastes dans la société, sur les victimes de ces infractions et même sur les enfants issus de ces mariages. Au nombre de ces conséquences, nous avons retenu la recrudescence de l’incrimination sous examen dans la ville de Kalemie ; la multiplicité des divorces et séparations intempestives ; les violences conjugales ; et le vagabondage des enfants issus des mariages forcés.
Cependant, cette léthargie dans la répression des mariages forcés dans la ville de Kalemie est parfois occasionnée par le défaut d’attention pour cette incrimination dans le chef de certaines autorités judiciaires compétentes ; la résolution à l’amiable des faits liés à l’infraction de mariage forcé entre la famille de la victime et celle du présumé bourreau ; et le manque de vulgarisation des textes juridiques réprimant le mariage forcé.
Pour mettre un point à la recrudescence de l’incrimination de mariage forcé dont sont victimes nombre de jeunes filles dans la ville de Kalemie et surtout pour parer à ses conséquences dans la société, nous avons fait quelques recommandations tout d’abord au législateur ; ensuite, aux hautes autorités judiciaires ; aux autorités administratives dans leurs fonctions respectives ; et enfin, aux victimes des mariages forcés elles-mêmes.
Par ailleurs, il convient de signaler pour chuter que le chercheur propose, et le législateur dispose ! Malgré la pertinence de la lutte contre l’infraction du mariage forcé dans la ville de Kalemie, c’est au législateur et aux autorités judiciaires et même administratives que sont laissées les plus grandes prérogatives pour décider sur les voies et moyens à mettre pour parvenir à éliminer cette prolifération de l’infraction qui a fait l’objet de nos recherches.
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les conséquences du mariage forcé à Kalemie ?
Les conséquences du mariage forcé à Kalemie incluent des problèmes psycho-pathologiques pour les victimes, qui grandissent souvent avec des difficultés dans leur vie de couple.
Comment le mariage forcé affecte-t-il les femmes en République Démocratique du Congo ?
Le mariage forcé affecte les femmes en RDC en les contraignant à épouser des hommes qu’elles n’ont pas choisis, ce qui peut entraîner des problèmes psychologiques et des difficultés dans leur vie conjugale.
Quelles recommandations sont faites pour lutter contre le mariage forcé ?
Les recommandations incluent la révision du code de la famille, la suppression de la dot comme condition de mariage, et l’augmentation des peines pour les auteurs de mariages forcés.
Pourquoi les mariages forcés persistent-ils dans les milieux ruraux ?
Les mariages forcés persistent dans les milieux ruraux en raison des coutumes traditionnelles et de la situation socio-économique des femmes, qui favorisent cette pratique.