Comment la méthodologie éclaire la répression judiciaire du mariage forcé à Kalemie ?

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🏫 Université de Kalemie - Faculté de Droit - Département de Droit Privé et Judiciaire
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence - 2020
🎓 Auteur·trice·s
BISHINDO WA KABILA Judith
BISHINDO WA KABILA Judith

La méthodologie de la répression judiciaire révèle une lacune inquiétante dans la lutte contre le mariage forcé en droit congolais. Alors que les autorités privilégient d’autres infractions, cette étude met en lumière les conséquences socio-juridiques de cette négligence, essentielle pour transformer la justice dans les milieux ruraux.


Section 3. Le rôle des autorités judiciaires dans la répression de l’infraction de mariage forcé

La justice répressive remplit trois fonctions : l’enquête (ou l’instruction). L’enquête consiste en une activité judiciaire de recherche des preuves, activité qui permet de dégager la responsabilité pénale de l’auteur de l’infraction. La poursuite. Le Ministère public est chargé des poursuites. A ce titre, il déclenche et exerce l’action publique et veille à l’exécution des jugements. Il soutient l’accusation et accomplit tous actes dans le but de saisir les juridictions répressives compétentes et d’aboutir à la condamnation de la personne coupable. Le jugement. A l’occasion du jugement, le tribunal compétent examine le bien fondé des accusations portées contre la personne coupable et se prononce sur sa responsabilité pénale ou non.

A ces trois fonctions correspondent trois organes, qui concourent à une même fin (la répression des infractions et le rétablissement de l’ordre social). Il s’agit notamment de la police judiciaire (Paragraphe 1) ; du parquet (Paragraphe 2) ainsi que des cours et tribunaux (Paragraphe 3).

Paragraphe 1. Rôle des Officiers de Police Judiciaire dans la répression de l’infraction de mariage forcé

Les officiers de police judiciaire sont, dans les limites de leur compétence matérielle, chargés de rechercher et constater les différentes infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs aussi longtemps qu’une information n’est pas ouverte par le parquet, puisqu’après la saisine du parquet, la police judiciaire exécute par délégation certains pouvoirs de l’OMP et doit déférer à ses réquisitions.

En outre, la police judiciaire est chargée, suivant les distinctions établies par la loi ou les règlements, de rechercher et constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs aussi longtemps qu’une information n’est pas ouverte. Lorsqu’une information est ouverte, la police judiciaire exécute les délégations du magistrat instructeur et défère à ses réquisitions.121 Autrement dit, l’OPJ a le devoir de rechercher personnellement et activement les infractions qu’il a pour mission de constater.

C’est pourquoi, les officiers de police judiciaire ont qualité en première position pour rechercher les preuves des mariages forcés en République Démocratique du Congo ainsi que leurs auteurs conformément aux dispositions du code de la famille tel que modifié et complété à ce jour ; à celles de l’article Article 174 f de la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais ; ainsi qu’à celles de l’article 189 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant.

Ainsi, pouvons-nous retenir quelques règles particulières de la procédure pénale en cas d’infraction relative aux violences sexuelles plus particulièrement au mariage forcé :

  • L’OPJ saisi d’une infraction relative aux violences sexuelles plus particulièrement du mariage forcé en avise dans les 24 heures l’OMP au lieu de 48 heures dans la procédure pénale ordinaire, conformément à l’article 1ier de la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais ;
  • L’enquête de l’OPJ est de portée immédiate. Elle est menée avec rapidité et sans désemparer de manière à fournir à l’OMP les principaux éléments d’appréciation. En d’autres termes, l’OPJ est chargé, à travers son enquête, de recueillir tous les éléments qui prouvent l’agression et la contrainte subies par la victime, de vérifier la véracité de ses allégations, puisque l’OPJ instruit à charge et à décharge. L’OPJ devra également relever tous les détails que la victime peut lui fournir sur l’auteur présumé des faits.122

En sus, les Officiers de Police Judiciaire sont tenus d’informer sans délai les autorités judiciaires de toute infraction de mariage forcé dont ils ont connaissance. Ils n’ont aucun pouvoir d’appréciation de l’opportunité de poursuivre ou de ne pas poursuivre. Sous peine d’une sanction et sans préjudice des droits de la partie civile à leur réclamer les dommages- intérêts auxquels le coupable aurait été condamné, ils ne peuvent ni refuser, ni différer la constatation d’une infraction pour laquelle ils ont été requis par un particulier ou par l’officier du Ministère public. De ce fait, il est interdit à l’OPJ de proposer à l’auteur présumé de violences sexuelles le paiement des amendes transactionnelles pour mettre fin aux poursuites engagées contre lui conformément à l’article 9 bis de la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais.

Paragraphe 2. Rôle des Officiers du Ministère Public dans la répression de l’infraction de mariage forcé

Le rôle reconnu au Ministère Public dans la répression du mariage forcé est à lire généralement dans les articles 66 de la loi-organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

Aux termes de l’article 67 de la loi-organique précitée, le Ministère public recherche les infractions aux actes législatifs et réglementaires qui sont commises sur le territoire de la République. Il reçoit les plaintes et les dénonciations, fait tous les actes d’instruction et saisit les cours et tribunaux. Il ressort de cette disposition légale que la mission du Ministère public est d’assurer la mise en œuvre de la politique pénale fixée par le gouvernement en l’adaptant au prescrit de la loi.

Il ouvre un dossier répressif d’instruction préparatoire (RMP). Il instruit au parquet et, chaque fois qu’il est convaincu de l’infraction, il saisit le juge compétent pour soutenir l’accusation. Le Ministère public exerce donc l’action publique et requiert l’application de la loi, même en dehors des cas où l’ordre public aurait été méconnu, pourvu que l’action du Ministère public soit conforme aux intérêts d’une bonne administration de la justice.123

En matière de mariage forcé, l’Officier du Ministère Public peut faire citer devant lui toute personne dont il estime l’audition nécessaire. La personne régulièrement citée est tenue de comparaître et de satisfaire à la citation.124 En outre, le magistrat du Ministère Public qui reçoit une plainte ou une dénonciation ou qui constate une infraction à charge d’un magistrat, d’un cadre de commandement de l’administration publique ou judiciaire, d’un cadre supérieur d’une entreprise paraétatique, d’un commissaire de district, du bourgmestre d’un chef de secteur ou d’une personne qui les remplace peut, dans le cadre de l’infraction de mariage forcé, procéder à l’arrestation de la personne poursuivie même avant d’avoir préalablement informé l’autorité hiérarchique dont elle dépend conformément à l’article 10 de loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais.

Enfin, l’Officier du Ministère Public saisi en matière de mariage forcé prend les mesures nécessaires pour sauvegarder la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes ou de toute autre personne impliquée. A ce titre, le huit clos est prononcé à la requête de la victime conformément à l’article 74 bis de la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais. Toutefois, l’amande transactionnelle prévue par le code de procédure pénale ne peut pas s’appliquer aux infractions de mariage forcé.

Paragraphe 3. Rôle des cours et tribunaux dans la répression de l’infraction de mariage

Comparativement à la répression des autres infractions par les cours et tribunaux civils que militaires, il convient de relever qu’en matière de mariage forcé, l’instruction et le prononcé du jugement se font dans un délai de trois mois maximum à partir de la saisine de l’autorité judiciaire conformément à l’article 7 bis de la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais.

En outre, les règles suivantes s’appliquent pour l’administration de la preuve en matière de mariage forcé devant les cours et tribunaux :

  • Le consentement ne peut en aucun cas être inféré des paroles ou de la conduite d’une victime lorsque la faculté de celle-ci à donner librement un consentement valable a été altéré par l’emploi de la force, de la ruse, de stupéfiant, de la menace ou de la contrainte ou à faveur d’un environnement coercitif ;
  • Le consentement ne peut en aucun cas être inféré du silence ou du manque de résistance de la victime du mariage forcé ;
  • La crédibilité, l’honorabilité ou la disponibilité sexuelle d’une victime ou d’un témoin ne peut en aucun cas être inféré de leur comportement sexuel antérieur ;
  • Les preuves relatives au comportement sexuel antérieur d’une victime du mariage forcé ne peuvent exonérer le prévenu de sa responsabilité pénale.125

De toutes les façons, comme les Officiers du Ministère Public, la juridiction saisie en matière de mariage forcé prend les mesures nécessaires pour sauvegarder la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes ou de toute autre personne impliquée. A ce titre, le huit clos est prononcé à la requête de la victime ou du Ministère Public cette fois-là, conformément à l’article 74 bis précité.

121 TOSOKI MANZELE J.-M., Notes de cours de procédure pénale, Deuxième année de Graduat, Université de Kinshasa, Faculté de Droit, Département de Droit pénal et criminologie, 2013-2014, p.37, inédit.

122 NDUMBA MBUY J.-P., « Guide pratique des infractions de violences sexuelles à l’usage des Officiers de Police Judiciaire et Officiers du Ministère Public », InFemmes et hommes, progressons ensemble, Kinshasa, Novembre 2015, p.83.

123 TOSOKI MANZELE J.-M., op. cit., p.44.

124Loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais. Arti 16.

125 Idem, Article 14 ter.

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Questions Fréquemment Posées

Quel est le rôle des officiers de police judiciaire dans la répression du mariage forcé?

Les officiers de police judiciaire sont chargés de rechercher et constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, notamment en cas de mariage forcé.

Comment se déroule l’enquête sur les infractions de mariage forcé?

L’enquête de l’OPJ est de portée immédiate et doit être menée rapidement pour fournir à l’OMP les principaux éléments d’appréciation, en recueillant tous les éléments prouvant l’agression et la contrainte subies par la victime.

Quelle est la procédure à suivre en cas d’infraction de mariage forcé?

L’OPJ doit aviser l’OMP dans les 24 heures suivant la constatation de l’infraction de mariage forcé et informer sans délai les autorités judiciaires de toute infraction dont ils ont connaissance.

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