Le mariage forcé des mineurs en RDC touche des milliers d’enfants chaque année, révélant une lacune alarmante dans la répression légale. Cette étude met en lumière les conséquences socio-juridiques de cette pratique persistante, appelant à une réforme urgente pour protéger les droits des jeunes filles.
Point 2. Cas du mariage forcé dont la victime est un enfant (mineur)
D’emblée, il importe de rappeler qu’avant l’adoption de l’actuel code pénal congolais tel que modifié et complété à ce jour, c’est-à-dire avant le 30 janvier 1940, il va sans dire que cette seconde hypothèse était justement relative à la protection de la jeune fille impubère, instituée par le Décret du 9 juillet 1936 relatif à la protection de la jeune fille impubère.
C’est donc par les effets de l’évolution de la société et de la mondialisation qui a plus influencé la société congolaise que cette incrimination a été généralisée en 2006 sans distinction aucune de sexe.
Bien plus, la plupart des considérations soulevées dans le cadre du mariage forcé des articles 336 du code de la famille et 174f du code pénal congolais valent aussi, comme nous allons nous en rendre compte maintenant, pour le mariage forcé d’enfant.
Cependant, la réalisation de l’incrimination de mariage forcé à l’égard d’un mineur suppose la réunion des éléments matériels ci-après :
- Les personnes susceptibles de commettre cette infraction ;
- Les faits réprimés ;
- La qualité de la victime : un enfant ;
- Le défaut de consentement.
Les personnes susceptibles de commettre cette infraction ;
L’article 189 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant dispose : « toute personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire sur un enfant, le donne enmariage ou en vue de celui-ci, ou le contraint à se marier est puni d’une peine de cinq àdouze ans de servitude pénale principale et d’une amende de huit cents mille à un millionde francs congolais ».
Contrairement au code de la famille qui sanctionne toute personne autre que les parents, ou tuteur ou toute autre personne exerçant en droit l’autorité parentale sur l’individu, mais conformément au code pénal tel que modifié à ce jour qui lui incrimine les personnes qui ont autorité sur la victime de cette infraction, la loi portant protection de l’enfant sanctionne, quant à elle, toute personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire sur un enfant.
Par conséquent, la personne susceptible de commettre l’infraction de mariage forcé dont la victime est un enfant est une personne qui a autorité parentale ou tutélaire sur celui-ci. Autrement parler, seules les personnes qui exercent l’autorité parentale sur l’enfant.
La qualité de la victime : un enfant
Sans préjudice des arguments juridiques soulevés lors des définitions précédentes, il sied de retenir aux termes de l’article 2 (1) de la loi portant protection de l’enfant que l’enfant est compris comme toute personne âgée de moins de dix-huit (18) ans révolus.
Il ne s’agit donc pas là de l’enfant au sens du code de la famille en matière de succession mais de l’enfant au sens de l’article 41 de la constitution et de l’article 2 précité, c’est-à-dire de l’enfant mineur ou toute personne, sans distinction de sexe, qui n’a pas encore atteint dix-huit (18) ans révolus.
Par conséquent, ne peut être victime de cette infraction de mariage forcé dont la victime est un enfant que la personne qui n’a pas encore atteint l’âge de dix-huit (18) accomplis.
A en croire les dispositions de l’article 220 du code de la famille, l’âge de la victime sera déterminé conformément aux dispositions de l’état civil. Toutefois, l’âge de la victime ne peut être établi qu’au moyen d’un titre qui le détermine de façon certaine tel que : l’acte et/ou l’attestation de naissance.
L’âge peut être également déterminé après des examens médicaux dans un centre hospitalier.
Bien plus, l’âge qui sera pris en considération ici est celui de la date de l’enregistrement du mariage à l’état civil pour le mariage constatation ou de la célébration du mariage par-devant l’Officier de l’état civil pour le mariage célébration.
Les faits réprimés
Pour ce qui est des faits réprimés, il convient de retenir que la loi portant protection de l’enfant ne fait que reprendre le libellé de l’article 174f de la loi relative aux violences sexuelles. Ceci étant, deux actes sont incriminés par les dispositions de l’article 189 de la loi portant protection de l’enfant.
Il s’agit notamment du don en mariage ou en vue du mariage et de la contrainte à se marier.
Le don en mariage ou en vue du mariage :
Pour rappel, il faut entendre par le don en mariage ou en vue du mariage, l’offre d’un enfant mineur, sans distinction de sexe, en mariage ou en vue du mariage par un parent ou un tuteur sans rien exiger en contrepartie et contre le gré de l’enfant victime de cette infraction.
Ainsi, pour que l’infraction de mariage forcé soit établi et retenue à charge de l’une des personnes précitées, l’enfant mineur doit avoir été remis en mariage ou en vue du mariage.
Aussi, le simple fait de recevoir la dot et d’accomplir les actes de célébration du mariage ne peut constituer l’infraction de mariage forcé, il faudra que ces actes soient officialisés par les actes de l’état civil.
Il en est ainsi notamment des simples promesses de mariages faites chez l’enfant mineur, elles ne peuvent constituer l’infraction de mariage forcé de l’enfant.
La contrainte à se marier :
Par contrainte à se marier, nous entendons personnellementl’obligation ou l’exigence exercée à l’égard d’un enfant mineur, au moyen d’une pression, d’une coercition, d’une injonction, d’une menace, pour l’obliger à se marier.
Le défaut de consentement
Bony CIZUNGA a souligné logiquement que le défaut de consentement pour les mineurs est présumé.101 Et pour Laurent MUTATA LUABA d’en compléter : « le défaut de consentement en ce qui concerne les enfants ne fait l’ombre d’aucun doute ».102
Il va de soi que l’enfant non encore émancipé est dépourvu de toute capacité de discernement. L’’acte posé par un mineur est alors frappé de nullité relative.
La maxime latine « volonti non fit injuria » (point d’injustice à celui qui consent) n’a pas d’application en Droit pénal congolais et surtout lorsque la victime de l’infraction est un enfant mineur non encore émancipé.
Paragraphe 3. Elément psychologique ou élément intellectuel
Dans l’une ou l’autre hypothèse, la responsabilité morale de l’agent est requise. Et cette responsabilité est constituée de l’intention délictueuse qui résulte de la connaissance par l’agent du caractère délictueux de son acte et de la volonté avérée de contraindre une personne à se marier, de l’offrir en mariage ou aux fins du mariage ou de la volonté avérée de provoquer l’empêchement dudit mariage et ce, par mauvaise foi.103
Ce caractère tombe si l’agent n’a pas agi intentionnellement, c’est-à-dire en connaissance de cause. Aussi ne sera-t-il poursuivi et sanctionné que s’il a eu connaissance de l’opposition de la victime à ce mariage.
Ainsi, échappe à la rigueur de la loi, un voisin qui empêche la matérialisation d’un mariage après avoir découvert que le partenaire de la fille de son avenue est un voleur à main armée.
Il en est de même d’une mère qui, craignant de voir sa fille verser dans la débauche avec le risque de contracter le VIH/SIDA, persuade sa fille majeure résistante à accepter en mariage un finaliste d’université qui s’est présenté pour lui tendre la main, malgré son chômage, etc.104
Naturellement, la contrainte, élément essentiel de cette infraction, est révélatrice de cette intention coupable qui sera retenue, peu importe le mobile.
Ainsi sera puni celui qui poursuit un intérêt cupide ou qui prétend obéir aux croyances superstitieuses ou religieuses, ou celui qui invoque des raisons tribales.
Tombera de la sorte sous le coup de la loi celui qui contraint une jeune fille à se marier contre son gré à une personne riche, à quelqu’un de sa province ou de sa tribu ou au chef coutumier.105
Aussi, l’infraction est établie dès lors que l’agent est conscient du caractère délictueux de son acte ou dès lors qu’il y a dans le chef de l’auteur la volonté avérée de contraindre une personne à se marier, de l’offrir en mariage ou aux fins du mariage car l’intention est considérée comme le fait même (Voluntashabetur pro facto).
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102 MUTATA LUABA L., op. cit., p.418. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les personnes susceptibles de commettre l’infraction de mariage forcé d’un mineur en RDC?
La personne susceptible de commettre l’infraction de mariage forcé dont la victime est un enfant est une personne qui a autorité parentale ou tutélaire sur celui-ci.
Comment la loi congolaise définit-elle un enfant en matière de mariage forcé?
Aux termes de l’article 2 (1) de la loi portant protection de l’enfant, l’enfant est compris comme toute personne âgée de moins de dix-huit (18) ans révolus.
Quels sont les faits réprimés par la loi concernant le mariage forcé d’enfants en RDC?
La loi portant protection de l’enfant ne fait que reprendre le libellé de l’article 174f de la loi relative aux violences sexuelles.