Le cadre théorique du mariage en RDC révèle une réalité troublante : malgré des lois existantes, le mariage forcé persiste, alimenté par des coutumes traditionnelles et une inaction judiciaire. Cette étude critique appelle à une prise de conscience urgente pour protéger les droits des femmes et renforcer l’application des lois.
4° NSOLOTSHI MALANGU, dans son article qui a parlé sur : « l’enregistrement forcé et le régime matrimonial du mariage célébré en famille en République Démocratique du Congo »11 a fait son constat en estimant que les époux mariés en famille prennent généralement beaucoup de temps pour se présenter devant l’officier de l’Etat civil ou devant le juge du tribunal de paix pour obtenir l’enregistrement de leur union.
Souvent, c’est au moment du relâchement du mariage (séparation des corps, revendications des biens, divorce) que les époux mariés devant leurs familles respectives pensent à l’enregistrement de leur mariage en famille pour des fins judiciaires. Or, à ce moment de conflit entre époux, il n’est plus possible qu’ils s’accordent à faire enregistrer librement leur mariage.
Par ailleurs, dans le contenu de son travail, l’auteur précité s’est interrogé comme suit :
- S’il arrivait que les époux ne s’accordent pas à poursuivre de commun accord l’enregistrement leur mariage, comment forcer l’enregistrement malgré l’absence du consentement de l’autre époux ?
- Est-ce le régime de la communauté réduite aux acquêts qui est le régime légal applicable aux époux qui n’ont pas choisi un régime ou bien, au contraire, ces époux n’ont pas un régime matrimonial jusque-là ?12
Partant de toutes ces questions, l’auteur pour y répondre estime que le mariage est alors enregistré avec l’application du régime de la communauté réduite aux acquêts parce que les époux ne s’entendent plus pour se choisir un autre. Au fait, selon l’auteur, ces questions de droit civil n’ont pas été expressément rencontrées par le législateur congolais, c’est pourquoi, seule une interprétation utile de la loi peut combler ces lacunes.
10 Ibid.
11 NSOLOTSHI MALANGU B., « L’enregistrement forcé du mariage et le régime matrimonial du mariage célébré en famille en RDC », In Leganet.cd, https://léganet.cd/dorctrines/nsolotshi_malangu, consulté le 24 février 2020 à 18h12min.
12 Ibid.
Résumant le contenu de sa pensée, l’auteur estime que l’enregistrement forcé d’un mariage célébré en famille est légal tant que les époux ne se sont pas volontairement présentés devant l’officier de l’Etat civil dans le mois qui suit la célébration de leur mariage en famille. Cet enregistrement permet au requérant d’avoir, même contre le gré de son conjoint, un régime matrimonial et la possibilité de faire valoir en justice des prétentions fondées sur le mariage célébré en famille.
Ainsi, les idées de l’auteur ci-haut cité ont des points de ressemblances avec les nôtres du fait que nous traitons tous deux du mariage et surtout de celui célébré en famille qui fait parfois défaut au respect de la condition de fond du mariage qu’est le consentement surtout lors de son enregistrement après sa célébration en famille devant l’officier de l’Etat civil.
Par contre, nous divergeons d’avec la pensée de l’auteur du fait que notre étude ne traitera guère de la notion du régime matrimonial des époux mais plutôt de l’absence de l’accord de volonté ou du consentement que l’on peut trouver dans le chef de l’un des futurs époux qui se sent contraint par une force extérieure à contracter mariage, soit l’idée selon laquelle ledit consentement au mariage peut être obtenu par des menaces exercées par les parents de la future épouse qui la contraignent de
se marier contre son gré, soit par des violences exercées par le futur époux à sa future épouse mineure ou n’ayant pas atteint l’âge légal pour contracter mariage et dans le chef de qui le consentement n’est pas valable au regard de la loi.
5° Jean-Pierre KIFWABALA TEKILAZAYA, dans son ouvrage portant sur : « le droit civil congolais : les personnes, les incapacités et la famille »13, dans son observation, pense que dans les coutumes traditionnelles, il a existé ou il existe encore des mariages forcés, pourtant le code de la famille fait de la liberté de se marier ou de ne pas se marier une liberté fondamentale.
C’est ce que l’on appelle ‘’droit au mariage’’ qui a en réalité suivi l’évolution de la société et des rapports juridiques internationaux. Ainsi, selon l’auteur, le mariage est un contrat qui requiert pour sa validité le consentement des futurs époux. La volonté de se prendre pour mari et femme est l’élément majeur de la formation du mariage, d’où, il n’y a pas de mariage sans le consentement des futurs époux.
En effet, dans le contenu de son travail, l’auteur s’est interrogé comme suit :
- Est-ce les vices de consentement peuvent-ils pousser à la nullité du mariage remplissant toutes les conditions possibles ?
- Si oui, le dol comme vice de consentement peut-il conduire à l’annulation du mariage ?
Cependant, l’auteur démontre dans ses hypothèses d’une part, bien que le législateur du code de la famille n’ait pas de manière expresse parlé des vices de consentement, l’auteur est d’avis que conformément au droit commun, le mariage peut être attaqué en nullité, parce que l’un des époux ou tous les deux n’ont pas émis un consentement exempt des vices. Et d’autre part, l’auteur estime que le dol n’est pas une cause de nullité du mariage car, dit-on, le dol est inopérant en matière de mariage et l’époux qui l’invoquerait, n’aurait d’ailleurs pas facile à
13 KIFWALA TEKILAZAYA J.-P., Droit civil congolais : les personnes, les incapacités et la famille, PUL, Lubumbashi, 2008, pp.201-206.
établir avec exactitude que son consentement au mariage avait été vicié par les tromperies avancées par son conjoint. C’est ce que LOYSOL exprimait par un adage : « en mariage, trompe qui peut ».14
C’est pourquoi, eu égard à ce qui précède, l’auteur estime dans sa conclusion que l’expression ‘’droit au mariage’’ ou ‘’au non-mariage’’ est susceptible de deux sens complémentaires mais différents. C’est d’abord le droit d’exiger l’absence de contraintes pour contracter mariage. C’est aussi le droit de se marier avec telle ou telle autre personne. Le droit au mariage apparaît dès lors comme un droit à la personnalité pour lequel le législateur organise une protection particulière. Il a à cet effet prévu des sanctions contre tous ceux qui porteraient atteinte à cette liberté, soit en poussant une personne à se marier contre son gré, soit en s’opposant de mauvaise foi au mariage d’une personne.15
Par ailleurs, notre point de ressemblance avec l’auteur précité s’explique par le fait que nous traitons de la notion du couple ou du mariage qui ne doit être possible ou valablement conclu que lorsque tous les deux futurs époux ont valablement consenti au mariage et que cette volonté de se prendre pour mari et femme ou ce consentement au mariage doit être exempt des vices.
Par conséquent, nous divergeons d’avec l’auteur en ce sens que celui-ci, par rapport au couple ou au mariage, s’est uniquement attelé sur les dispositions du code de la famille conformément à l’article 330 du code précité et par rapport au consentement qui est repris parmi les conditions de fond du mariage, l’auteur s’est basé sur l’article 336 du code de la famille, alors que quant à nous, notre étude traitera des cas de mariages forcés dont sont victimes certaines personnes à l’instar des femmes et
les jeunes filles et nous nous fonderons beaucoup plus sur les dispositions de l’article 174f du code pénal congolais tel que modifié et complété à ce jour, de l’article 189 de la loi portant protection de l’enfant et de l’article 336 du code de la famille.
6° Le professeur LIKULIA BOLONGO, dans son ouvrage « Droit pénal spécial zaïrois »16 affirme qu’aux termes de l’article 1ier du décret du 9 juillet 1936 relatif à la protection de la jeune fille impubère qu’il est interdit à toute personne qui, en vertu de la loi ou de la coutume, a le droit de garde sur la fille n’ayant pas atteint l’âge de la puberté, de la remettre en mariage ou en vue du mariage, si cette remise entraine la cohabitation prématurée avec le
mari ou le futur mari. Ainsi, d’après l’auteur, l’infraction de la remise en mariage ou en vue de celui-ci de la jeune fille est consommée par le simple fait, pour le mari ou le futur mari, de donner un logement à la fille impubère ou de la recevoir chez lui, peu importe que cette cohabitation soit temporaire ou n’expose pas la jeune fille impubère à subir des rapports sexuels prématurés.
C’est pourquoi, n’échappe pas à la poursuite, l’époux ou le futur époux qui cohabite avec une fille impubère considérée comme sa femme ne pourra pas invoquer le consentement de la victime.
14 Institutes coutumières, Livre II, Titre II, n°3, cité par KIFWALA TEKILAZAYA, op. cit.
15 KIFWALA TEKILAZAYA, op. cit.
16 LIKULIA BOLONGO, Droit pénal spécial zaïrois, 2ième éd., Tome 1, LGDJ, Paris, 1985, pp.321-324.
Il ne sera pas question dans notre étude, contrairement à l’approche de l’auteur selon laquelle la fille impubère conformément au décret de 1936 s’étend de toute fille zaïroise n’ayant pas atteint l’âge de 14 ans accomplis, d’évoquer uniquement le mariage forcé de la jeune fille mineure qui, selon la nouvelle loi de 2006 s’entend de toute personne, n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans révolus mais aussi et plus encore des personnes majeures qui sont contraintes à se marier contre leur propre volonté et par
la suite nous ne ferons pas recours de manière explicite au décret de 1936 qui traite de la protection de la jeune fille impubère mais nous aborderons les dispositions des articles 174f du code pénal congolais II, 189 de la loi portant protection de l’enfant et de l’article 336 du code de la famille tel que modifié et complété à ce jour.
7° AGUIBOU LY, dans son mémoire intitulé : « l’âge légal du mariage : approche législative, jurisprudentielle et doctrinale » est parti du constat selon lequel, pour qu’un mariage soit conclu valablement, il doit relever d’un choix car le mariage dans le monde entier est considéré comme un jour de fête et une étape importante dans la vie d’adulte. Mais hélas, comme le démontre la pratique du mariage au Sénégal ne respectant pas l’âge minimal légal n’offre nulle raison de se réjouir du fait que le mariage forcé d’une fille mineure prive celle-ci de son adolescence et par là, l’idée d’une période d’adolescence allant de la puberté à l’âge adulte est étrangère à beaucoup de sociétés traditionnelles.17
En effet, c’est partant de cette observation que l’auteur a formulé sa problématique autour des questions suivantes :
- Est-ce l’Etat du Sénégal respecte-t-il l’âge légal stipulé à l’article 111 du code de la famille sénégalais pour contracter mariage ?
- Après ratification des traités ayant trait principalement à l’âge du mariage par le Sénégal, est-ce l’appareil judiciaire applique-t-il lesdits traités ?
- Qu’en est-il de l’approche jurisprudentielle, législative et doctrinale par rapport au consentement des futurs époux au mariage ?18
Par ailleurs, pour y répondre, l’auteur estime dans ses hypothèses que les coutumes et traditions ne respectent pas du tout les prescrits de l’article 111 du code de la famille sénégalais quant à l’âge du mariage qui est fixé à 18 ans pour l’homme et à 16 ans pour la femme et ne font pas du tout la différence entre l’adolescence ou l’âge pubère ou l’âge adulte. Et par là, les lois du pays sont enfreintes, que dire des traités internationaux faisant allusion aux violences sexuelles faites aux femmes et aux jeunes filles qui ne sont pas du tout mises en application par l’appareil judiciaire sénégalais.
Ainsi, résumant le contenu de sa réflexion, l’auteur pense qu’il serait souhaitable voire nécessaire de veiller au respect des conventions et leur insertion dans l’ordonnancement juridique sénégalais et à l’application du principe de la hiérarchie des normes mais également il ne faut pas perdre de vue les textes relatifs à l’âge minimal légal du mariage qui devrait être relevé à 18 ans pour tous les deux partenaires au Sénégal.
17 AGUIBOU LY, L’âge légal du mariage : approche législative, jurisprudentielle et doctrinale, Mémoire de Licence, Université Cheikh AntaDiop de Dakar, Faculté de Droit, 2010, p.7, inédit.
18 AGUIBOU LY, op. cit., p.12.
Avec l’auteur sus-évoqué, nos idées convergent aux siennes par le fait que nous nous fondons tous sur la mise en application des conventions internationales du droit international humanitaire ou droits de l’homme en cas de commission des infractions des violences sexuelles en général et du mariage forcé en particulier et lesquelles conventions ont été ratifiées par nos deux pays respectifs dont le Sénégal et la République Démocratique du Congo et parce que les violences sexuelles prônées par les traités internationaux violent constamment les droits des femmes et des jeunes filles et privent celles-ci de leur perspective d’avenir.
Par conséquent, nous n’aborderons pas dans notre étude simplement de l’âge légal requis par la loi congolaise pour contracter mariage mais également de la liberté du choix de l’époux ou du consentement libre et exempt des vices dans le chef des futurs époux qui souhaitent contracter mariage et nous traiterons également de la négligence ou de la léthargie des autorités judiciaires congolaises par rapport à la non-répression de l’infraction de mariage forcé.
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11 NSOLOTSHI MALANGU B., « L’enregistrement forcé du mariage et le régime matrimonial du mariage célébré en famille en RDC », In Leganet.cd, https://léganet.cd/dorctrines/nsolotshi_malangu, consulté le 24 février 2020 à 18h12min. ↑
13 KIFWALA TEKILAZAYA J.-P., Droit civil congolais : les personnes, les incapacités et la famille, PUL, Lubumbashi, 2008, pp.201-206. ↑
14 Institutes coutumières, Livre II, Titre II, n°3, cité par KIFWALA TEKILAZAYA, op. cit. ↑
15 KIFWALA TEKILAZAYA, op. cit. ↑
16 LIKULIA BOLONGO, Droit pénal spécial zaïrois, 2ième éd., Tome 1, LGDJ, Paris, 1985, pp.321-324. ↑
17 AGUIBOU LY, L’âge légal du mariage : approche législative, jurisprudentielle et doctrinale, Mémoire de Licence, Université Cheikh AntaDiop de Dakar, Faculté de Droit, 2010, p.7, inédit. ↑
18 AGUIBOU LY, op. cit., p.12. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que l’enregistrement forcé du mariage en RDC?
L’enregistrement forcé d’un mariage célébré en famille est légal tant que les époux ne se sont pas volontairement présentés devant l’officier de l’Etat civil dans le mois qui suit la célébration de leur mariage en famille.
Pourquoi les mariages forcés persistent-ils en milieu rural en RDC?
Les mariages forcés persistent dans les milieux ruraux où les coutumes traditionnelles et la situation socio-économique des femmes favorisent sa commission.
Quel est le régime matrimonial applicable aux époux qui n’ont pas choisi de régime en RDC?
Le régime de la communauté réduite aux acquêts est le régime légal applicable aux époux qui n’ont pas choisi un régime.