Les meilleures pratiques d’audit fiscal révèlent que 70 % des PME sous-estiment les risques fiscaux. Comment cette méconnaissance peut-elle compromettre leur avenir financier et réputationnel ? Cet article propose une démarche méthodologique innovante pour aider les experts-comptables à transformer ces défis en opportunités.
Sous-section 2: Contrôle des choix fiscaux
L’efficacité résulte « d’un usage intelligent de la fiscalité » 256. Raison pour laquelle, l’entreprise doit être en mesure d’adapter un comportement plus dynamique à l’égard du paramètre fiscal en exerçant des choix fiscaux plus ou moins judicieux et par voie de conséquence moduler la charge fiscale qu’elle supporte257.
L’auditeur fiscal aura donc à se prononcer sur l’efficacité de l’entreprise tant sur les choix tactiques (paragraphe 1) que sur les choix stratégiques (paragraphe 2).
§ 1. Le contrôle des choix tactiques
Après avoir procédé antérieurement à la prise de connaissance générale de l’entreprise, l’auditeur dispose de toutes les informations nécessaires; le cas échéant, procède par des questions complémentaires et établit en conséquence une liste exhaustive des régimes d’incitation ou de faveur dont elle peut théoriquement bénéficier. Comparés à la réalité, il met en lumière les
256 N.Hajji, « Place de la fiscalité dans la stratégie de l’entreprise », 3ème journée de l’OECT du 26/02/1992.
257 R.Fourati, « La fiscalité au cœur de l’expertise comptable », 3ème journée de l’OECT du 26/02/1992.
dispositions omises ou ignorées; C’est ainsi que l’apport de l’audit fiscal est de sensibiliser l’entreprise à l’importance de l’écart existant entre l’efficacité fiscale potentielle et l’efficacité fiscale atteinte.
Quand au contrôle des options, l’auditeur peut reprendre la même approche systématique utilisée lors de l’évaluation des régimes de faveur et dégager en conséquence un rapprochement. Il apprécie le bien fondé des options exercées. Autrement dit, il cherche si elles sont exercées selon des critères pertinents et convenables. De même, il détermine les options négligées et évalue par la suite le manque à gagner.
Si l’entité auditée réalise des opérations exonérées de la TVA et que l’auditeur constate dès la phase de la prise de connaissance générale que les produits exonérés de la TVA sont destinés à l’exportation et/ou pour approvisionner d’autres personnes assujetties à la TVA, l’option pour l’assujettissement notamment partiel des produits exonérés présente un intérêt surtout lorsque le circuit n’est pas entièrement exonéré et comporte par conséquent des intrants (représentant une part significative) soumis à la TVA.
A défaut d’exercice de cette option à la TVA, l’auditeur fiscal devra la recommander au niveau de son plan d’amélioration. En effet, il devra expliciter au niveau de son rapport d’audit les avantages fiscaux de l’exercice de l’option pour l’assujettissement des produits et opérations exonérées à la TVA.
Les avantages dus à l’exercice de cette option pouvant être énumérés par l’auditeur fiscal au niveau de son rapport d’audit sont:
- Faire bénéficier le client assujetti du droit à déduction et d’être par conséquent plus compétitif à l’égard de ce type de client;
- Réduire le coût des frais de gestion et des immobilisations de la TVA qui les grèvent;
- Eviter la majoration de 25% applicable à l’importation;
- Etre plus compétitif à l’exportation;
- Pouvoir vendre en suspension de TVA aux personnes autorisées;
- Etre plus compétitif pour les commerces, où la marge bénéficiaire est inférieure à 25%, au titre des produits passibles de la majoration de 25% aux non assujettis;
- Eviter pour une société mère d’être soumise à la TVA sur le prix de cession de la filiale non assujettie et non sur le prix de cession de la mère à la filiale. Dans ce cas, l’option à l’assujettissement de la filiale évite à la mère d’être soumise sur une assiette constituée par
le prix de vente de la filiale et permet à cette dernière de récupérer la TVA subie sur ses achats et de transmettre la TVA à ses clients assujettis258.
Le contrôle des choix tactiques est un contrôle simple qui fait appel aux outils traditionnels de l’audit notamment les questionnaires, les entretiens, l’examen direct des comptes et des documents de l’entreprise.
Le contrôle des choix tactiques ne se limite pas au seul examen de la pertinence des choix ou options exercés et à la détection des éventuels choix négligés. Mais encore faut-il évaluer le risque associé à ce choix?
Il ne faut pas perdre de vue que les questions de choix ou options fiscaux sont associées à l’accomplissement de certaines conditions, ce qui fait que le champ d’action de l’entreprise est limité. C’est dans ce cadre qu’une utilisation inadéquate de ces choix et options ne contribuent plus à l’efficacité fiscale mais à développer le risque dans le domaine fiscal ainsi que dans d’autres domaines extra-fiscaux et plus particulièrement la comptabilité259.
Les choix et options fiscaux sont subordonnés au respect de conditions et limites relatives au bénéfice imposable, à la nature de l’activité, au dépôt d’une déclaration d’investissement, au délai, etc.
L’auditeur est tenu de vérifier que l’entreprise a respecté ces conditions, faute de quoi il doit mesurer le risque qui en découle.
S’il s’avère que l’entreprise ne remplit pas les conditions exigées ou cesse de les satisfaire, elle encourt la déchéance de l’option et s’expose à des redressements et éventuellement des amendes. A cet effet, pour valider un dégrèvement physique dont la société a bénéficié, l’auditeur devra s’assurer:
- Que le dégrèvement physique a fait l’objet d’un dépôt de déclaration d’investissement à l’API,
- Que le schéma de financement de l’investissement a respecté le minimum de fonds propres fixé par le décret n° 94-489 du 21 février 1994, tel que modifié et complété par les textes subséquents,
- Que le dégrèvement physique a fait l’objet d’une présentation distincte au bilan «compte spécial d’investissement»,
- Le montant inscrit au compte spécial d’investissement a été effectivement incorporé au capital au plus tard à la fin de l’année de la constitution de la réserve.
258 R.Yaich, Les impôts en Tunisie: Les taxes assises sur le chiffre d’affaires, Les Editions Raouf Yaich, 2000, p.37.
259 H.Kaaouna et H.Dhambri, L’audit fiscal, mémoire de fin d’études pour l’obtention d’une maîtrise en sciences comptables, ISCAE.
- Que les éléments d’actifs acquis dans le cadre de l’investissement ne doivent pas être cédés pendant une année au moins à partir de la date d’entrée effective en production,
- Que le capital ne doit pas être réduit durant les cinq années qui suivent la date de l’incorporation des bénéfices et revenus investis, sauf dans le cas de réduction pour résorption des pertes,
- Que la déclaration de l’impôt sur les sociétés doit être accompagnée du programme d’investissement à réaliser et de l’engagement de réaliser l’investissement au plus tard à la fin de l’année de la constitution de la réserve.
L’audit fiscal a non seulement pour mission de contrôler le bien fondé des choix exercés, mais a de même un rôle de surveillance des options ou choix effectués; il assure que l’efficacité fiscale n’est pas en elle-même source de risque fiscal. La compétence pluridisciplinaire de l’auditeur fiscal doit en outre lui permettre de ne pas se cantonner dans la mise en évidence des risques fiscaux, mais de la même façon, de mettre en lumière les choix fiscaux dont l’exercice est susceptible d’engendrer un risque dans le domaine comptable260.
L’auditeur fiscal est tenu d’apprécier que les choix exercés ne sont pas en contradiction avec les règles et les méthodes comptables, et que la recherche de l’optimum fiscal se fait en concordance avec la sincérité et la fiabilité de l’information financière.
A l’issue de l’examen des choix tactiques, l’auditeur est en mesure d’émettre un avis sur l’aptitude de l’entreprise à utiliser les options et choix fiscaux dont elle dispose mais surtout de proposer à l’entreprise auditée des recommandations qui lui permette d’améliorer son niveau d’efficacité fiscale.
Sur ce point, l’audit ne doit pas se borner à énumérer ce que l’entreprise aurait pu faire et par voie de conséquence les avantages qu’elle aurait pu retirer. Une telle approche est en effet nécessairement limitée. En revanche, l’audit doit mettre en lumière les raisons qui ont provoqué les omissions constatées et préconiser les mesures destinées à éviter leur renouvellement dans le futur.
Le rapport d’audit doit émettre une opinion sur les méthodes et critères retenus par l’entreprise pour exercer les choix fiscaux. L’auditeur peut notamment émettre des suggestions sur les modifications qui doivent être apportées aux procédures en vigueur261.
260 M.Chadefaux, L’audit fiscal, Editions Litec, 1987, p.259.
261 Op. cit, page 261.
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256 N.Hajji, « Place de la fiscalité dans la stratégie de l’entreprise », 3ème journée de l’OECT du 26/02/1992. ↑
257 R.Fourati, « La fiscalité au cœur de l’expertise comptable », 3ème journée de l’OECT du 26/02/1992. ↑
258 R.Yaich, Les impôts en Tunisie: Les taxes assises sur le chiffre d’affaires, Les Editions Raouf Yaich, 2000, p.37. ↑
259 H.Kaaouna et H.Dhambri, L’audit fiscal, mémoire de fin d’études pour l’obtention d’une maîtrise en sciences comptables, ISCAE. ↑
260 M.Chadefaux, L’audit fiscal, Editions Litec, 1987, p.259. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les meilleures pratiques d’audit fiscal pour les PME en 2024 ?
L’audit fiscal doit se concentrer sur l’efficacité des choix fiscaux de l’entreprise, tant tactiques que stratégiques, pour moduler la charge fiscale et détecter les risques.
Comment l’auditeur fiscal évalue-t-il les choix tactiques d’une entreprise ?
L’auditeur procède à une prise de connaissance générale de l’entreprise, établit une liste des régimes d’incitation et compare les dispositions omises ou ignorées avec la réalité.
Quels avantages l’option pour l’assujettissement à la TVA peut-elle offrir ?
Cette option permet au client assujetti de bénéficier du droit à déduction, de réduire les coûts de gestion de la TVA, d’être plus compétitif à l’exportation, et d’éviter certaines majorations fiscales.