L’efficacité fiscale dans les PME est souvent sous-estimée, pourtant une étude récente révèle que l’audit fiscal peut transformer la gestion des risques fiscaux. Cette recherche propose une démarche innovante pour les experts-comptables, essentielle pour optimiser la performance financière et la réputation des entreprises.
§ 2. Le contrôle de l’aptitude de l’entreprise à exploiter les ressources juridiques et fiscales
conformément à ses choix de politique générale
L’objectif de l’audit fiscal est de vérifier que le paramètre fiscal s’intègre le mieux dans la gestion de l’entreprise, que les différentes décisions fiscales adoptées par l’entreprise sont conformes aux orientations de politique générale et que l’entreprise est apte à mobiliser les ressources juridiques et fiscales dont elle a besoin pour atteindre ses objectifs.
Il convient ainsi de contrôler en premier lieu que non seulement l’entreprise ne relègue pas le droit fiscal au rang de contrainte, mais que l’utilisation de la législation fiscale et l’exercice des choix fiscaux s’opère de façon coordonnée avec les autres choix de l’entreprise. La politique fiscale de l’entreprise doit découler de la politique générale et s’y intégrer. Il y a dans l’entreprise une priorité qui est extra fiscale et qui réside dans la définition des objectifs de l’entreprise81.
La recherche de l’efficacité fiscale s’inscrit dans le cadre cohérent de la stratégie de l’entreprise. Comme le soulignait M.Chadefaux, « le droit devient alors une technique auxiliaire du management, une science de gestion82 ». C’est en effet, la relation « fiscalité-management » au sein de l’entreprise, qui est au centre du contrôle de l’efficacité dans le cadre d’une mission d’audit fiscal.
L’audit doit permettre de vérifier que l’utilisation qui est faite du droit fiscal contribue à atteindre les objectifs de l’entreprise. Cela implique de vérifier en premier lieu que la fiscalité, comme les autres branches du droit, est utilisée comme un moyen au service de la gestion de l’entreprise, et non comme une fin en soi.
L’audit devra ainsi s’interroger en priorité sur la conception de la fonction fiscale afin de s’assurer que les préalables à l’efficacité fiscale sont réunis83. Comme l’indique M.Mercadel, « le droit doit être utilisé par le management de l’entreprise comme un facteur de gestion au même titre que les conditions de financement ou de commercialisation ».
La gestion fiscale est un domaine important de la gestion globale de l’entreprise. La recherche d’une économie fiscale est certes un levier pour l’investissement. Néanmoins, il convient de doser la recherche de l’économie fiscale et de l’intégrer dans la recherche de l’efficience globale84.
Une bonne gestion consiste généralement à adopter une stratégie de sécurité85 et d’optimisation86 à l’égard de l’impôt.
Néanmoins, il faut se rappeler que la gestion fiscale se réduit à une simple recherche d’économie d’impôt87. La minimisation des impôts est certes une préoccupation essentielle et relève de la bonne gestion qui est un devoir des décideurs. Toutefois, d’autres préoccupations d’ordre économique et financier sont aussi dignes d’intérêts et conditionnent la stratégie qui peut être mise en place par les dirigeants de l’entreprise88.
La gestion fiscale de l’entreprise ne peut se concevoir, en conséquence, en vase clos. Il serait vain de prétendre concourir à l’optimisation fiscale sans intégrer, dans la réflexion et la prise de décisions, les répercussions extra-fiscales de ces choix. La gestion fiscale de l’entreprise est partie intégrante de la gestion de l’entreprise et ne peut être dissociée. Une stricte approche reposant sur la recherche de la voie la moins imposée, réaction légitime et naturelle, peut entrer en conflit avec d’autres types de considérations liées à la politique générale de l’entreprise. La recherche de l’optimisation fiscale ne peut ignorer la politique générale et la stratégie de l’entreprise. En la matière, l’approche doit présenter deux caractéristiques majeures89 :
- elle doit être globale ; « une approche globale lie les solutions fiscales à la structure et à la stratégie de l’entreprise : la question fiscale devient partie intégrante de la prise de décision ; l’optimisation fiscale de l’impôt se mêle intimement à la stratégie, la structure, la culture et les compétences de l’entreprise90.
- elle doit être multilatérale dans le sens où toutes les parties prenantes doivent être prises en considération, et reposer sur la prise en compte des coûts non fiscaux. L’évaluation des choix fiscaux ne peut faire l’économie d’une étude circonstanciée des coûts induits par le choix fiscal dans d’autres domaines (juridique, administratif), de la cohérence du choix avec la politique de l’entreprise, de sa simplicité en termes de mise en œuvre et de suivi, de sa flexibilité et de la faculté de rétablir la situation d’origine et enfin sa sécurité, en termes de risque fiscal91.
Ainsi, l’entreprise ne peut se permettre de raisonner en termes fiscaux ; elle ne peut raisonner qu’en termes d’incidence fiscale de décision de gestion. Ce qui peut paraître comme une évidence est en réalité source de contrainte pour l’audit fiscal. En effet, l’auditeur n’est en mesure d’apporter des éléments d’appréciation fiables sur les choix fiscaux de l’entreprise qu’à la double condition d’avoir une bonne connaissance des sciences de gestion mais également une parfaite connaissance de la situation de l’entreprise auditée. Ce n’est qu’à cette double condition qu’il sera en mesure d’apporter un regard critique sur les décisions fiscales de l’entreprise, passées ou à venir.
88 N. Baccouche – Communication présentée au séminaire « Réussir son implantation au Maroc et en Tunisie » organisé par E.F.E et le M.O.C.I à Paris le 22 et 23 Septembre 1997.
89 J.L.Rossignol, Tran Thi Kim Anh, La gestion du risque fiscal inhérent à l’implantation d’une entreprise dans un pays émergent: le cas français au Vietnam, 2008.
90 S.Beaumont, I.Damsté, et D.H.Pollock, Jongler avec les impôts d’une multinationale, L’expansion Management Review, n°88, mars, 1998, p.45-50.
91 J.L.Rossignol, Tran Thi Kim Anh, La gestion du risque fiscal inhérent à l’implantation d’une entreprise dans un pays émergent: le cas Français au Vietnam, 2008.
§ 3. Le contrôle de l’aptitude de l’entreprise à concilier stratégie fiscale et stratégie
d’entreprise
Le fait qu’une entreprise accorde une importance excessive aux aspects fiscaux dans la prise de décision s’explique essentiellement soit par l’absence d’objectifs et de stratégie pour l’entreprise, soit par un dérapage de la stratégie initialement définie92.
L’absence de politique générale explicite prive ainsi l’entreprise de la possibilité de se référer aux orientations de gestion pour définir sa politique fiscale et arrêter ses choix fiscaux. L’entreprise en vient ainsi naturellement à privilégier, au plan fiscal, la recherche systématique de la voie la moins imposée, l’optimisation du paramètre fiscal abstraction faite des contraintes de gestion.
Myron Scholes et Mark A.Wolfson expliquent que la mise en œuvre de stratégie minimisant les impôts peut introduire des coûts significatifs dans les dimensions autres que fiscales de telle sorte qu’une stratégie de minimisation fiscale peut être sous optimale. Après tout, un moyen particulièrement efficace d’éviter des impôts consiste à éviter d’investir dans des activités rentables93.
Les considérations autres que proprement fiscales (coût, marché, contexte socio-politique, structure financière de l’entreprise,…) font qu’une stratégie fiscale efficiente est souvent différente de celle ne consistant qu’à minimiser les impôts.
L’absence de stratégie, qui devrait normalement ressortir rapidement de la phase de prise de connaissance générale de l’entreprise, est en revanche un élément de nature à remettre en cause le principe même de la mission d’audit fiscal du moins dans sa partie consacrée au contrôle de l’efficacité. Dans une telle situation, la priorité pour l’entreprise réside dans la définition d’une stratégie, non dans un examen approfondi de la situation fiscale, du moins sous l’angle de l’efficacité.
A force de vouloir réduire l’imposition à coup d’avantages fiscaux (par le biais du dégrèvement financier), et en absence d’une stratégie globale explicite, certaines entreprises ont vu se disperser leurs ressources, elles se sont laissées éloigner de leur métier de base et ont dû payer le coût d’apprentissage des nouveaux métiers à un coût des fois plus élevé que l’impôt94.
La prise de conscience des effets pervers de l’usage des avantages sur l’allocation des ressources contribue pour les entreprises à développer une stratégie fiscale qui s’intègre à la stratégie globale de l’entreprise.
92M.Chadefaux, L’audit fiscal, Editions Litec, 1987, p.106.
93 Myron S.Scholes et Mark A.Wolfson, Fiscalité, ouvrage traduit de l’anglais-PUF, 1996, p.9.
94 R.Yaich, Cours Avantages fiscaux, Maîtrise en sciences comptables, Ecole Supérieure de Commerce-Sfax, 2004-2005.
La mesure de la performance fiscale de l’entreprise, évaluant l’adéquation des décisions fiscales aux choix de politique générale, n’a de sens que si elle permet d’apprécier la contribution effective de ces décisions fiscales à la réalisation des objectifs de l’entreprise ; cela n’est concevable que si ces derniers ont été préalablement définis. Ce n’est qu’à cette condition que l’audit fiscal peut prendre toute sa signification et contribuer à l’optimisation de la gestion fiscale de l’entreprise95.
Questions Fréquemment Posées
Comment l’audit fiscal contribue-t-il à l’efficacité fiscale dans les PME ?
L’audit fiscal permet de vérifier que le paramètre fiscal s’intègre le mieux dans la gestion de l’entreprise et que les décisions fiscales adoptées sont conformes aux orientations de politique générale.
Pourquoi est-il important d’intégrer la gestion fiscale dans la stratégie globale de l’entreprise ?
La gestion fiscale ne peut se concevoir en vase clos et doit être intégrée dans la réflexion et la prise de décisions, car elle est partie intégrante de la gestion de l’entreprise.
Quelles sont les caractéristiques d’une approche globale de l’optimisation fiscale ?
Une approche globale lie les solutions fiscales à la structure et à la stratégie de l’entreprise, faisant de la question fiscale une partie intégrante de la prise de décision.