Les innovations technologiques foncières au Sud-Kivu révèlent des lacunes surprenantes dans leur mise en œuvre, remettant en question leur efficacité. Cette étude critique propose des solutions pour une décentralisation foncière, essentielle à la protection des droits des communautés rurales.
Chapitre II. Etat de lieux du secteur foncier en RDC et essai de compréhension de la problématique foncière au Sud-Kivu
Section I:
Cadre juridique et institutionnel de gestion foncière en RDC
Les terres sont régies, en RDC, par la loi n°073-021 du 20 juillet 1973, telle que modifiée et complétée par la loi n°80-008 du 18 juillet 1980. Comme dans tous les pays de l’Afrique Centrale, cette loi affirme le principe de l’appartenance de toutes les terres à l’Etat congolais, y compris les terres dites indigènes sous l’ancien régime.
L’article 53, de la même loi, énonce que “le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat”. La loi a ainsi organisé le patrimoine foncier de l’Etat, d’une part, en domaine foncier public et, d’autre part, en domaine foncier privé (article 54). Le domaine public foncier, est reconnu par les dispositions de l’article 55, alinéa 1, qui le définissent comme constitué des terres affectées à un usage ou à un service public.
Les terres, du domaine privé, sont celles qui ne sont affectées ni à l’usage public, ni à l’usage d’un service public. L’inscription ou l’enregistrement, des droits de l’Etat, sur son domaine public ou privé, n’est pas légalement requis. Le domaine privé de l’Etat, est régi par le principe de la présomption légale de domanialité sur toutes les terres non affectées à un usage ou à un service public.
Elles ne peuvent, alors, faire l’objet de transfert de propriété. Elles sont, comme les terres du domaine public, déclarées inaliénables et imprescriptibles. Cependant, elles (les terres du domaine privé) peuvent faire l’objet de servitude (article 57, loi foncière) ou de concession des droits sous forme, selon le cas, de concessions foncières (article 57, loi foncière), de concessions forestières (article 82, code forestier), de concessions agricoles (nouvelle loi portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture) ou d’autres types de droits d’exploitation (miniers et pétroliers).
L’Etat congolais, étant le seul propriétaire des terres, les autres personnes, physiques ou morales, ne peuvent en détenir qu’un droit de jouissance attribué par contre, dénommé concession foncière (article 61). Ce droit, pour être valable, doit être inscrit au livre d’enregistrement et constaté par un titre dénommé Certificat d’Enregistrement (article 219, alinéa 1).
L’article 61 susmentionné définit la concession foncière comme un contrat par lequel l’Etat reconnaît à une collectivité, à une personne physique ou à une personne morale de droit privé ou de droit public, de nationalité congolaise ou étrangère, un droit de jouissance sur un fond aux conditions et modalités prévues par la loi et ses mesures d’exécution.
Il faut, préciser ici, que les personnes physiques de nationalités congolaises accèdent à la concession perpétuelle, non limitée dans le temps, qui leur reste acquise aussi longtemps que les conditions de fond et de forme prévues par la loi sont réunies (article 80). Les personnes physiques étrangères ainsi que les personnes morales de droit public ou de droit privé, ne peuvent prétendre qu’aux concessions ordinaires, d’une durée maximum de 25 ans renouvelables.
En cas de non renouvellement, la loi prévoit, dans certaines hypothèses (emphytéose, superficie), une indemnité pour le concessionnaire. Celle-ci, ne peut dépasser les 3⁄4 de la valeur actuelle et intrinsèque des immeubles incorporés au fond. Les titres de concessions perpétuelles, et ceux de concession ordinaire, non destinés aux opérations agricoles et d’élevage, peuvent faire l’objet d’un contrat d’occupation provisoire d’une durée de 5 ans, avant l’établissement du contrat de concession foncière, généralement une emphytéose (Article 154).
Les contrats de location susvisés ont pour objet la mise en valeur du terrain, en fonction de sa destination. Ce n’est qu’au constat de la mise en valeur, par procès-verbal établi par les services du cadastre foncier, territorialement compétent, qu’un contrat de concession définitif est accordé (perpétuelle ou ordinaire, selon le cas).
Le droit de jouissance sur le sol, ou concession foncière, est envisagé distinctement du droit sur les immeubles qui y sont incorporés, qui, eux, sont ouverts à l’appropriation privative (article 219, alinéa 2). En d’autres termes, le système juridique congolais distingue le régime foncier du régime immobilier. Si l’Etat seul est propriétaire foncier, la propriété sur les immeubles incorporés au sol, par contre, est ouverte à toute personne qui remplit les conditions organisées par la loi.
Cependant, qu’il s’agisse du droit de concession foncière ou du droit de propriété sur un immeuble incorporé dans le sol, l’un et/ou l’autre n’existe légalement que lorsque : 1) la parcelle des terres et/ou l’immeuble respectivement fait l’objet, selon le cas, d’un contrat de location/occupation provisoire/concession foncière et/ou de propriété immobilière, enregistrée(s) conformément à la loi par un fonctionnaire, le conservateur des titres fonciers et immobiliers (article 59).
Ainsi, seul le certificat d’enregistrement consacre, légalement, l’existence d’une concession foncière (concession perpétuelle ou ordinaire), ou d’un droit de propriété immobilière. Il importe cependant de noter qu’en cas de copropriété immobilière, deux ou plusieurs certificats d’enregistrement seront établis, en fonction du nombre de copropriétaires : l’un constatant le droit de jouissance sur la portion de terre (la concession), et les autres, couvrant respectivement chacun des appartements de l’immeuble ou chacun des immeubles érigés sur la portion de terre concernée, et constatant la propriété immobilière au profit des bénéficiaires.
Les conditions et la procédure d’établissement (ou d’enregistrement), des droits fonciers et immobiliers, sont fixées par les dispositions des articles 219 à 230 de la loi foncière.
Comme il découle des explications qui précèdent, la réforme du droit foncier de 1973 a permis de régler et d’organiser l’accès à la terre pour toutes les personnes, physiques ou morales, de droit public ou de droit privé, de nationalité congolaise ou étrangère, mais a laissé entière la question de sécurisation des droits fonciers coutumiers des communautés locales, en prévoyant qu’elle serait réglée ultérieurement par voie de décret [une ordonnance présidentielle à l’époque (article 389)].
Mais, ce décret n’a pas été pris jusqu’à ce jour, déjà plus de 40 ans après. C’est au fait ce décret, s’il était pris, qui aurait pu fixer les modalités par lesquelles les droits fonciers coutumiers des communautés locales reconnus, collectifs ou individuels, allaient être sécurisés par les mécanismes du droit moderne, à savoir : l’enregistrement et la délivrance des titres documentaires.
Faute, pour un tel décret d’avoir été pris, il n’est, dès lors, pas possible aux communautés locales aujourd’hui de faire enregistrer leurs droits et obtenir les titres sur les terres qu’elles occupent régulièrement en vertu de la coutume. Qu’à cela ne tienne, les droits fonciers traditionnels des communautés locales n’ont pas été pour autant abolis.
Ces droits, aux termes des dispositions des articles 387, 388 et 389 de la loi du 20 juillet 1973 précitée, ont plutôt été reconduits et s’exercent désormais sur les terres du domaine privé de l’Etat. Elles sont désignées dans la loi par l’expression “ terres occupées par les communautés locales”. Cette occupation est, dans la réalité, coutumière.
Elle se traduit par le fait habiter une terre, de la cultiver et/ou de l’exploiter d’une manière quelconque, collective ou individuelle, conformément aux coutumes et usages locaux (article 388). (L’article 1 alinéa 7 du Décret n° 09/24 du 21/05/2009 portant création, organisation et fonctionnement du Fonds Forestier National en abrégé « F.F.N.
» précise qu’une communauté locale, est une population traditionnellement organisée sur base de la coutume et unie par des liens de solidarité clanique ou parentale qui fondent sa cohésion interne. Elle est caractérisée, en outre, par son attachement à un territoire déterminé) (Décret n°09/24 du 21/05/2009).
Cependant, en l’absence du décret susmentionné et aussi longtemps que ce décret annoncé n’aura pas été pris pour réglementer les droits de jouissance des communautés locales sur les terres qu’elles occupent, ces derniers continueront à habiter ces terres, à les cultiver et à les exploiter, en vertu des coutumes et usages locaux.
C’est autant dire, en définitive, qu’en RDC, les terres sont détenues soit en vertu d’un titre foncier de droit écrit (concession foncière, perpétuelle ou ordinaire, article 57 et suivant de la loi du 20 juillet 1973 précise), soit en vertu du droit coutumier, légalement reconnu et intégré dans le système du droit écrit (article 387, 388 et 389 susmentionnés).
Cette analyse est, du reste, confirmée par la nouvelle constitution du 18 février 2006, qui proclame d’une part que la propriété privée est sacrée et que l’Etat doit garantir le droit à la propriété individuelle ou collective, acquis conformément à la loi ou à la coutume et, d’autre part, que nul ne peut être peu privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité octroyée dans les conditions fixées par la loi (article 34) (Mpoyi, 2013).
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la loi régissant la gestion foncière en RDC?
Les terres sont régies, en RDC, par la loi n°073-021 du 20 juillet 1973, telle que modifiée et complétée par la loi n°80-008 du 18 juillet 1980.
Qu’est-ce qu’une concession foncière en RDC?
La concession foncière est un contrat par lequel l’Etat reconnaît à une collectivité, à une personne physique ou à une personne morale un droit de jouissance sur un fond aux conditions et modalités prévues par la loi.
Quels sont les types de droits d’exploitation des terres en RDC?
Les types de droits d’exploitation incluent des concessions foncières, des concessions forestières, des concessions agricoles, ainsi que d’autres types de droits d’exploitation comme miniers et pétroliers.