Comment les meilleures pratiques transforment-elles l’organisation en 2023 ?

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🏫 Université Haute Bretagne
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2005-2006
🎓 Auteur·trice·s
Suzy Canivenc
Suzy Canivenc

Les meilleures pratiques organisationnelles révèlent des dynamiques surprenantes entre ordre et désordre. Cette recherche met en lumière la nécessité de réactualiser l’autogestion, offrant des perspectives innovantes pour transformer les structures organisationnelles face aux défis contemporains.


Entre organisation formelle et informelle, entre ordre et désordre : les voies de la souplesse organisationnelle :

Comme nous l’avons vu, La Péniche dispose de dispositifs organisationnels formels de prise de décision, tels que la réunion hebdomadaire.

Cependant, la mise en trace, la formalisation des normes organisationnelles régissant l’organisation (tels que les règlements intérieurs, les chartes éthiques, les fiches métiers, les fiches ou plans de formation, les tableaux de bords…) reste une pratique peu développée dans cette entreprise. En effet, La Péniche souhaite ne pas « sombrer dans un formalisme excessif. D’autant plus qu’il ne protège que de peu de chose. Se réfugier, en cas de désaccord important, derrière des statuts qui ont tout prévu ne résout rien »218.

216 Autogestion, mode d’emploi.

217 BOLTANSKI, Luc et CHIAPELLO, Eve. Le nouvel esprit du capitalisme. Gallimard, 1999

218 Autogestion mode d’emploi.

Ainsi, la communication écrite et la formalisation des normes organisationnelles semblent être réduites à leur strict minimum dans cette entreprise. Les seuls écrits concernant l’organisation du travail ou de l’entreprise circulant à la Péniche sont des documents concernant la gestion ainsi que les ordres du jour destinés à la réunion hebdomadaire219.

Comme nous l’explique les membres de La Péniche, « le plus important n’est peut être pas les règles formelles de prise de décision mais l’information et la compréhension des problèmes. Pour prendre des décisions collectives et adéquates il faut que tout le monde soit au courant de tout et pense à tout. La circulation de l’information est donc fondamentale. Les réunions et leurs comptes-rendus y pourvoient, mais également l’échange dans le travail quotidien »220.

Ainsi, à la formalisation écrite des règles organisationnelles se substitue un ajustement permanent par la communication orale.

C’est ainsi l’oral, et non pas l’écrit, qui est le mode de communication à vocation organisationnelle privilégié. C’est d’ailleurs le mode de communication le plus utilisé dans les entreprises généralement, même si elle n’y est pas toujours reconnue à sa juste valeur, et notamment dans sa dimension hautement organisationnelle. En effet, l’oral permet de diffuser un message en temps réel et de l’adapter à son interlocuteur en tenant compte de ses

219 Cf. annexe 3 : La Péniche : 13. Les fiches gestion (p 156), 14. Les documents de gestion (p 151) et 15. Les ordres du jour des réunions (p 162).

220 Autogestion mode d’emploi.

éventuelles réactions. L’oral est donc le mode de communication le plus approprié à la réalisation d’échanges et de feedbacks fructueux au niveau de la qualité, de la rapidité et de la pertinence de l’échange informationnel.

Cependant, cette communication souffre d’un défaut qui pose généralement problème dans les organisations : la nécessité de répéter le message pour le faire passer à l’ensemble des individus concernés. La Péniche dépasse cette carence grâce à l’agencement en bureau ouvert, qui permet non seulement de faire passer l’information à l’interlocuteur désiré, mais, en outre, permet à l’ensemble des membres de l’entreprise de bénéficier de cette information, renforçant ainsi les principes collectifs et démocratiques d’organisation.

Toutefois, il apparaît indispensable aux membres de la Péniche de « fixer clairement les règles de base du fonctionnement de manière à ce qu’elle soient compréhensibles et sans ambiguïté pour tous » et que tous saisissent le projet spécifique dont cette entreprise est porteuse. Mais « que ces règles soient écrites ou pas importent peu.

Il suffit qu’elles soient suffisamment claires pour être écrites. Même si ces règles doivent pouvoir être modifiées ou souplement appliquées, il faut qu’elles soient « écrivables ». Cela ne nécessite pas d’écrire des règles en détail pour toutes les situations, réelles ou potentielles. C’est beaucoup plus souple que cela. Tout simplement parce que les quelques principes de base sont facilement clairs dans la tête de tous »221.

Ces principes de base régissant l’organisation du travail et la gestion de l’entreprise sont ceux qui fondent le caractère autogestionnaire de cette entreprise, à savoir le partage, l’égalité et la coopération.

Ainsi, si un certain formalisme est nécessaire, celui-ci ne doit toucher que les grandes lignes de l’organisation (les principes fondamentaux qui structurent le projet d’entreprise) et ne pas s’attacher à spécifier précisément toutes les activités qui prennent place dans l’organisation. Comme les nouvelles théories organisationnelles le précisent, il s’agit de formaliser le but à atteindre tout en laissant au collectif le soin de définir en situation les modalités avec lesquelles il tentera d’atteindre cet objectif en tenant compte des contraintes internes et externes contingentes au moment où la prise de décision a lieu.

On retrouve donc ici le principe de spécification critique minimal, au cœur de l’organisation holographique, qui consiste à formaliser au minimum l’organisation pour développer l’apprentissage organisationnel, l’intelligence collective et pratique.

Ainsi, le fonctionnement concret de la Péniche nous donne à voir l’illustration parfaite de l’aspect organisationnel tant des processus formels que des processus non formalisés à

221 Autogestion mode d’emploi.

l’avance. La Péniche met notamment en application les recommandations d’Anni Bartoli qui conseille de développer une formalisation souple qui ne doit pas toucher au contenu ni aux modalités des échanges mais qui doit simplement faciliter les communications en prévoyant des espaces et des temporalités à cet effet. Il s’agit alors de donner des cadres formels à l’informel, de développer des dispositifs formels permettant au processus informels de s’épanouir sans aucune retenue, et par là même de déployer tout leur potentiel organisationnel, tout comme la Péniche le fait avec par exemple les réunions hebdomadaire ou encore l’agencement en bureau ouvert.

Ainsi, une autre règle fondatrice de l’entreprise, et qui nous laisse entrevoir l’intérêt de faire des entreprises autogérées un sujet d’étude pour le champ de la Communication Organisationnelle, est celle qui consiste à « discuter » en permanence. C’est ainsi les activités communicationnelles et informationnelles qui sont au fondement du caractère adaptatif et flexible de ce type d’organisation.

Cette stratégie du juste équilibre entre le formel et l’informel permet en effet de faire de l’organisation de l’activité et de l’entreprise en général un processus en mouvement,

inconstant, qui se doit d’être flexible pour faire face aux fluctuations tant endogènes qu’exogènes. La formalisation de la finalité du projet, mais la non formalisation précise des modalités d’organisation qui permettront de l’atteindre ; la formalisation des moments et des lieux d’échanges (qui sont au maximum élargis à la Péniche puisque tout est fait pour que tout le monde puisse parler continuellement à tout le monde), mais la non formalisation de leur contenu, permettent ainsi d’ouvrir cette entreprise à la complexité, à l’imprévisibilité, à l’incertitude,

à l’aléa, au hasard (des variables tant porteuses de dangers que d’opportunités). La Péniche nous montre ainsi concrètement que non seulement le désordre n’est pas un obstacle à l’ordre, à l’organisation de l’entreprise, mais qu’il peut être un facteur d’ordre ; de la multiplication des interactions (et donc de la complexité) naît un principe organisationnel flexible.

La Péniche illustre ainsi le principe d’ « ordre par le bruit », développé par Henri Atlan et Van Forester, à la base du concept d’auto-organisation.

La place des NTIC :

Ainsi, les dispositifs organisationnels, informationnels et communicationnels mis en œuvre à La Péniche accorde un place privilégiée à la communication orale. Toutefois, ceci n’empêche pas l’utilisation de systèmes techniques d’information. Internet peut d’ailleurs être considéré comme un dispositif informationnel et communicationnel clé de l’entreprise.

Tout d’abord parce qu’il est essentiel à l’activité : en effet, nombres d’informations servant à la rédaction des articles sont recherchées sur le net.

Mais Internet est également un outil organisationnel : il permet en effet de nombreux échanges d’informations intra entreprise grâce à l’envoi d’e-mail (envoie d’informations, de documentations, d’articles à relire…). La Péniche utilise également le système des e-mails comme moyen privilégié de communication avec son environnement (clients, partenaires, sous-traitants…).

Enfin, Internet est utilisé pour communiquer avec deux des salariés détachés de la Péniche parisienne mais y participant pleinement grâce au système de « webcam ». Ils sont en effet constamment reliés par caméra et haut parleur tout le long de leur temps de travail. Les systèmes techniques d’information ont ainsi une vraie vocation organisationnelle à la Péniche puisqu’ils permettent la création d’une entité virtuelle outrepassant les contraintes spatiales.

Malheureusement ce système technique semble souffrir de nombreuses lacunes : la communication est mauvaise, nécessitant des répétitions, et parfois inaudible. Cette barrière technique peut ainsi jouer sur la capacité et la possibilité de prendre la parole ou d’être écouté.

De plus elle influe sur la possibilité de se faire tout simplement comprendre ou de comprendre ses interlocuteurs.

En outre, ce système d’organisation pose le problème bien plus important (la technologie pouvant toujours s’améliorer) de l’aspect humain du travail si essentiel à la Péniche. En effet, l’impossibilité d’être réellement en présentiel et de vivre pleinement l’ensemble des rapports sociaux qui prennent place dans l’entreprise peut influencer sur le sentiment d’appartenance et jouer sur l’implication dans le collectif comme dans l’entreprise.

La médiation des systèmes d’information dans les communications interpersonnelles prive ainsi les relations d’une certaine humanité. La Péniche semble d’ailleurs s’être trouvée confrontée à la nécessité d’humaniser au plus vite ces systèmes en affublant les web-cams de traits anthropomorphiques222. Plus sérieusement, Il était question, dès juin 2005, de rapprocher ceux deux salariés dans une même entité, une « Péniche bis » appelée à devenir autonome, qui leur permettra de jouir d’un véritable collectif de travail, un rapprochement qui s’est effectué dès la rentrée 2005 et

qui a depuis embauché une nouvelle personne.

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218 Autogestion mode d’emploi.

219 Cf. annexe 3 : La Péniche : 13. Les fiches gestion (p 156), 14. Les documents de gestion (p 151) et 15. Les ordres du jour des réunions (p 162).

220 Autogestion mode d’emploi.

221 Autogestion mode d’emploi.

222 La Péniche semble d’ailleurs s’être trouvée confrontée à la nécessité d’humaniser au plus vite ces systèmes en affublant les web-cams de traits anthropomorphiques.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les meilleures pratiques organisationnelles pour favoriser la communication dans une entreprise?

La communication orale est privilégiée comme mode de communication à vocation organisationnelle, permettant de diffuser un message en temps réel et de l’adapter à son interlocuteur.

Pourquoi la formalisation écrite des règles organisationnelles est-elle peu développée à La Péniche?

La Péniche souhaite ne pas sombrer dans un formalisme excessif, car se réfugier derrière des statuts ne résout pas les désaccords importants.

Comment La Péniche assure-t-elle la circulation de l’information entre ses membres?

La Péniche utilise un agencement en bureau ouvert, permettant à tous les membres de bénéficier de l’information et renforçant ainsi les principes collectifs et démocratiques d’organisation.

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