Les résultats de l’autogestion révèlent une résurgence inattendue des principes de participation et de responsabilisation dans les organisations contemporaines. Cette étude remet en question les idées reçues sur l’autogestion, offrant des perspectives novatrices pour repenser les structures organisationnelles face aux défis actuels.
Méthodologie :
- Orientation idiographique et nomothétique
Au niveau méthodologique, ce travail s’appuiera sur deux orientations, généralement présentées comme distinctes et entre lesquelles il faut trancher, mais qui, dans cette étude, se complèteront pour mener à bien la démonstration de nos hypothèses :
-« une orientation idiographique dirigée vers la recherche des spécificités »8 : cette orientation nous permettra ainsi de présenter les caractéristiques spécifiques du modèle autogestionnaire au travers de la définition d’un « idéal type »9;
– « une orientation nomothétique cherchant à établir des régularités, des similitudes »10 : c’est cette démarche qui sera choisie en deuxième partie pour souligner les nombreuses similitudes
7 D’après l’expression de Gareth Morgan.
8 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
9 Un outil méthodologique particulier développé par Max Weber.
10 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
que nourrissent les pratiques autogestionnaires et les nouvelles théories sur l’entreprise. Nous montrerons ainsi que les spécificités propres aux modèles autogestionnaires semblent actuellement ne plus être le seul apanage de ce modèle libertaire, mais paraissent contaminer l’ensemble des nouvelles théories organisationnelles.
Nous n’en dégagerons pas pour autant une loi universelle selon laquelle le bon modèle d’organisation est celui prôné par le « modèle » autogestionnaire11. Il s’agit simplement de rendre compte d’un phénomène et de nourrir la réflexion sur le renouvellement des formes organisationnelles.
- La démarche déductive et inductive:
Les méthodes déductives, aussi appelées « hypothético-déductive », reposent sur un raisonnement qui « va des lois et des principes posés comme des hypothèses aux faits d’expérience »12. Cette démarche valorise donc, dans la méthodologie de la recherche, le rôle de la théorie que l’on soumet à l’épreuve des faits.
Cette démarche sera utilisée pour définir l’idéal type d’une organisation autogérée à partir des grands courants d’idée qui ont développé et publicisé l’idée autogestionnaire. Cet idéal type sera ensuite confronté à l’étude de cas d’une entreprise autogérée contemporaine en troisième partie. Il s’agira alors de mettre en valeur la mise en pratique des principes spécifiques au modèle autogestionnaire (mis en évidence par l’idéal type précédemment défini) dans cette entreprise. On passera alors de la logique nomothétique (la définition de régularités, de
« lois » propres au modèle autogestionnaire et qui en forment les spécificités) à la logique idiographique (en confrontant cet idéal type aux spécificités d’une entreprise ce réclamant de ce modèle pour souligner leur congruence).
La seconde démarche méthodologique repose sur un mouvement inverse en
« privilégi[ant] le cheminement des constatations particulières, tirées d’observations de terrain, vers les concepts généraux »13. Elle part donc du terrain pour aller vers la théorie.
Cette démarche sera utilisée pour mettre en évidence les similitudes qu’entretiennent les pratiques autogestionnaires et les nouvelles théories organisationnelles. On passera alors de la démarche idiographique (consistant à repérer les spécificités organisationnelles d’une entreprise autogérée) à la démarche nomothétique (en rapprochant ces spécificités
11 Bien au contraire, ce point sera qualifier au cours de l’introduction dans le paragraphe intitulé « résultats attendus »
12 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
13 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987
organisationnelles des principes organisationnels prônés par les nouvelles théories organisationnelles).
Cette démonstration s’appuiera sur trois méthodes successives :
-une méthode dite « génétique »
-une méthode typologique qui s’inspire de la notion d’ « idéal-type » développée par Max Weber
-une méthode comparative
- La méthode génétique :
Cette méthode consiste à retracer la genèse des phénomènes et à mettre en évidence les conditions d’apparition de ces phénomènes.
En effet, les phénomènes organisationnels sont à considérer comme des phénomènes sociaux. Les Sciences Humaines et Sociales (SHS) admettent que les phénomènes sociaux sont des constructions sociales historiquement situées.
Il s’agira donc, dans un premier temps, de retracer la généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles pour mettre en valeur leur progression vers des thématiques de plus en plus proches de l’idée autogestionnaire.
Il s’agira ensuite de retracer la genèse du modèle autogestionnaire en parcourant les grands courants de pensée qui ont participé à la naissance et à la promotion de cette idée, afin d’en retenir les caractéristiques principales propres à fonder une idéal type de l’organisation autogérée.
Nous ne retiendrons que l’essentiel de ce travail généalogique:
- La spécificité des principaux concepts développés par les nouvelles théories organisationnelles et communicationnelles,
- l’idéal type d’une organisation autogérée.
Le travail préalable à ces deux constats sera toutefois retranscrit en annexes.
- La méthode typologique
Cette méthode est liée au concept d’idéal type développé par Max Weber (1862-1920). Appréhender la réalité sociale nécessite une définition précise de ce dont on va traiter. Pour se faire Max Weber utilise une méthode spécifique : l’ « idéal type ». Cette notion se définit
comme une schématisation du réel pour permettre d’accéder à une meilleure compréhension du phénomène étudié en échappant aux jugements incontrôlés.
Cette méthode consiste à dégager les lignes de force du phénomène étudié. L’idéal-type regroupe ainsi les caractéristiques essentielles d’un phénomène. Il n’a pas prétention à refléter la réalité mais facilite son analyse en accentuant certains traits. Ces traits caractéristiques ne sont pas nécessairement les plus courants, mais les plus spécifiques et les plus distinctifs pour caractériser l’objet.
Comme l’explique Max Weber « on obtient un idéal-type en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes, donnés isolément, diffus et discrets, que l’on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre et par endroit pas du tout, qu’on ordonne selon les précédents points de vue choisis unilatéralement, pour former un tableau de pensée homogène »14.
Par ce travail de grossissement et d’idéalisation des traits qui lui semblent fondamentaux, le chercheur construit des idéaltypes, outils grâce auxquels il pourra guider sa recherche.
Définir précisément le modèle autogestionnaire en soulignant ses lignes de forces, ses caractéristiques permettra ainsi de dépasser les discours de sens commun et d’en faire un véritable concept organisationnel. Cette étape nous paraît nécessaire pour intégrer le modèle autogestionnaire au sein du débat concernant le renouvellement des formes organisationnelles selon une approche comparative.
L’utilisation de cette méthode nécessite d’en souligner les limites pour éviter toute confusion sur ce qu’est un idéal type. En effet, comme nous l’avons évoqué précédemment, cet idéal type n’a pas prétention à refléter la réalité, il n’a pas non plus vocation à définir une norme, un modèle universel. C’est un tableau de pensée, il n’est pas la réalité historique ni surtout la réalité «authentique».
C’est avant tout un moyen de rendre intelligible des phénomènes sociaux complexes et multiformes tout en essayant d’échapper aux jugements hâtifs et superficiels du sens commun. Comme l’explique Max Weber lui-même « le concept idéal-typique (…) n’est pas lui-même une «hypothèse», mais il cherche à guider l’élaboration des hypothèses. De l’autre côté, il n’est pas un exposé du réel, mais se propose de doter l’exposé de moyens d’expression univoques »15.
Ainsi, l’idéal type, une fois défini, n’a d’autre signification que celle d’un concept limite purement idéal, auquel on mesure la réalité pour clarifier le contenu empirique de certains de
14 WEBER, Max. Essais sur la théorie de la science. Plon, 1965, pp. 179-180
15 WEBER, Max. Essais sur la théorie de la science. Plon, 1965, pp. 179-180
ses éléments importants, et avec lequel on la compare. Ainsi l’idéal type peut se définir comme une construction rationnelle qui rapporte le donné empirique à un cas idéal.
Un type idéal est ainsi une construction analytique qui sert à l’investigateur de tige de mesure pour établir des similitudes aussi bien que des déviations dans des cas concrets. Il fournit la méthode de base pour l’étude comparative, qui est celle que nous utiliserons en dernière instance pour achever notre démonstration.
- Méthodologie comparative :
Définir cet idéal type du modèle autogestionnaire nous permettra en effet de comparer les principes organisationnels prônés par cette idée à ceux publicisés par les nouvelles théories organisationnelles pour en dégager les similitudes.
La comparaison est en effet considérée par certains chercheurs comme le substitut de l’expérimentation en SHS.
Mais cette comparaison, si elle prétend se substituer à la preuve tangible et irréfutable des sciences dures, ne peut se situer uniquement au niveau théorique. L’idéal type autogestionnaire sera donc complété par l’étude empirique d’une entreprise dite « autogérée » et prenant place dans le contexte actuel. Cette étude de cas permettra donc de compléter et d’actualiser au contexte contemporain l’idéal type définit précédemment
L’appellation « autogéré » de l’entreprise étudiée sera confirmée par le fait que cette entreprise s’inscrit dans l’idéal type autogestionnaire précédemment défini.
Cette étude comparative nous permettra ainsi de démontrer que non seulement l’idéal type autogestionnaire, mais aussi et surtout les pratiques organisationnelles autogestionnaires, s’apparentent à celles prônées par les nouvelles théories organisationnelles. Ainsi, bien qu’ancienne, l’idée autogestionnaire nous apparaîtra comme encore, voire de plus en plus, d’actualité, au regard de ces nouvelles théories ayant pour spécificité de mettre l’accent sur les activités informationnelles, communicationnelles et cognitives au sein des entreprises.
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8 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
9 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
10 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987. ↑
11 Bien au contraire, ce point sera qualifier au cours de l’introduction dans le paragraphe intitulé « résultats attendus ». ↑
12 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987. ↑
13 GUIBERT, Joël et JUMEL, Guy. Méthodologie des pratiques de terrain en SHS. Armand Collin, 1987. ↑
14 WEBER, Max. Essais sur la théorie de la science. Plon, 1965, pp. 179-180. ↑
15 WEBER, Max. Essais sur la théorie de la science. Plon, 1965, pp. 179-180. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principes clés de l’autogestion selon l’étude de 2023 ?
Les principes clés de l’autogestion incluent la participation, la responsabilisation et la démocratie participative.
Comment l’étude aborde-t-elle la méthodologie de la recherche sur l’autogestion ?
L’étude s’appuie sur deux orientations méthodologiques : une orientation idiographique pour les spécificités et une orientation nomothétique pour établir des régularités.
Quelle est l’importance de transformer l’idée autogestionnaire en un concept organisationnel valide ?
Il est nécessaire de transformer l’idée autogestionnaire en un véritable concept organisationnel scientifiquement valide, au-delà de ses connotations historiques et idéologiques.