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Quelles stratégies d’implémentation révèlent l’autofiction ?

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🏫 Université 8 mai 1945 Guelma - Faculté des Lettres et des Langues - Département des Lettres et de Langue Française
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2022/2023
🎓 Auteur·trice·s
Bouhessane Amira Bouguerra Hana
Bouhessane Amira Bouguerra Hana

Les stratégies d’implémentation en autofiction révèlent comment Rachid Boudjedra, à travers ‘La Répudiation’, transforme des thèmes familiaux en réflexions profondes sur la mémoire et l’identité. Cette étude met en lumière des dynamiques inattendues, cruciales pour comprendre le statut des femmes dans le récit.


Chapitre II

Les personnages sous le regard de Rachid

Rachid et l’image persistante du père :

La répudiation est un roman d’expression française paru en 1969, c’est-à-dire sept ans après l’indépendance de l’Algérie. Boudjedra en tant qu’écrivain algérien, a tenté de rendre compte de la situation des Algériens avant et après l’indépendance.

Le narrateur nous présente un roman traditionnel dont le thème principal se fonde sur la famille, la famille dans cette période est considérée de type patriarcal.

D’abord, il faut donner une définition de terme patriarcat :

Selon Larousse : patriarcat du latin : ecclésiastique patriarcats qui veut dire :

«une forme d’organisation social dans laquelle l’homme exerce le pouvoir dans le domaine politique, économique, religieux, ou détient le rôle dominant au sein de la famille par rapport à la femme ».

D’après cette définition, on peut dire que le terme patriarcat est un système dans lequel le pouvoir appartient aux hommes, le père est le chef de la famille, et ils sont sous sa direction.

Pierre Bonté et Michel Izard, en définissent ce terme comme suit : «une forme d’organisation sociale et juridique fondée sur la détention de l’autorité par les hommes à l’exclusion explicite des femmes ».21

La société décrite par le narrateur de la répudiation est une société de l’après-indépendance qui est de type notamment patriarcale où le père, Si Zoubir, est le fondateur et l’autoritaire.

Si Zoubir est un personnage imbu de sa personnalité, il se croit investi d’un pouvoir qui lui permet de présider aux destinées des membres de sa famille, il est le chef du clan. C’est un commerçant riche et puissant qui préside aux destinées des membres de sa famille et de sa communauté. C’est un personnage que Rachid va décrire à travers ses attributs physiques et surtout en insistant sur ses penchants libidineux. Il le décrit comme étant sans aucun attrait physique et petit de taille, sans aucun charme. Néanmoins, c’est son pouvoir de chef qui va

21 : Pierre Bonte et Michel Izard (dir), Dictionnaire de l’ethnologie et l’anthropologie, presses Universitaire de France, 1991, p 455.

lui permettre de s’imposer et surtout d’assouvir ses désirs les plus dépravés. Rachid explique ainsi à Céline que la société dans laquelle il se trouve est féodale dans la mesure où le chef de la tribu est le seul qui peut se complaire à assouvir l’ensemble de ses envies.

«Mon père est un gros commerçant. Il dort dans son alacrité rassurante. Ma mère est une femme répudiée. Elle obtient l’orgasme solitairement, avec sa main ou bien avec l’aide de Nana. Dans notre ville, les marabouts se multiplient. Les rapports qui régissent notre société sont féodaux ; les femmes n’ont qu’un seul droit : posséder et entretenir un organe sexuel.

Je suis un enfant précoce ; c’est une danseuse, amante de Si Zoubir, qui me l’a dit. Je n’ai pas très bien compris ; pourtant je n’avais rien fait de mal ; je l’ai seulement regardée se déshabiller en pensant qu’elle était moins belle que Zoubida. Elle m’a laissé faire et elle a ajouté : Tu as de qui tenir !

» Là non plus je n’ai pas compris à quoi elle faisait allusion. Zahir et moi, nous fréquentons le lycée et, à ce titre, sommes la fierté de la famille ; cependant nos oncles nous haïssent justement pour cette promotion, gage de rupture définitive d’avec la paysannerie riche et semi-féodale »22.

Il a un pouvoir certain sur sa femme, la maman de ses enfants. C’est un personnage qui évolue dans le récit selon ses instincts et ses désirs, c’est un personnage central dans la Répudiation de Rachid Boudjedra, il va se remarier, il va répudier la mère de Rachid.

Ce dernier n’acceptera pas cette décision qui lui semblera une atteinte à sa personne en tant que fils. Notre personnage Rachid va cultiver tout au long du récit une haine viscérale contre son père, la figure de père devient ainsi une motivation de la haine à l’encontre de l’autorité paternelle en particulier et le pouvoir en général. Rachid va devenir un ennemi postcolonial pour le projet de son père, Si Zoubir est celui qui demeure la source des malheurs de Rachid et de

sa famille, cette image de père opposée à Rachid jusqu’à ses délires, il va se venger de

22 La répudiation, page 93.

cette image en abusant de sa propre belle-mère, il va commettre l’insecte afin de soulager la douleur qui le ronge au fond de lui-même.

L’image obsédante du père est une métaphore de désirs chez notre personnage de parvenir à une paix intérieure. L’image du père est une constante qu’on trouve dans le roman de Rachid Boudjedra où il raconte comment cette image l’obsède et finit par le consumer ; c’est une relation conflictuelle où le père semble détenir à travers le discours de Rachid une mémoire porteuse de malheur et de détresse et c’est à travers des épisodes de l’heureux de sa vie que Rachid va dire la déchéance de l’image de père .

«Tout à l’heure, mon père sera de retour. Resplendis sa laideur naturelle. Djellaba en soie, Sant, malgré jaune. Babouches marocaines. Belle allure. Il faudrait aller lui chercher du thé à la menthe fraîche et de l’eau glacée dans un énorme pot en terre cuite.

Rituel. L’odeur de la menthe qui infuse dans le breuvage brûlant coupera la parole mielleuse du croque-mort surpris dans son sommeil et resurgi de sa sieste moite et agitée, l’air lamentable face à la prestance de Si Zoubir. Rêve avalé de travers. Arrivée tonitruante des premiers marchands de jasmin.

Pour le moment, le bonhomme dort profondément, la bouche ouverte et le livre tombé à terre. L’enfant ne me cherche pas querelle ; il ne tardera pas à s’endormir, à son tour. Le téléphone, quelle fascination ! »23

Les souvenirs de l’enfance semblent ainsi emprunts d’une obscurité qui reflète les pensées malsaines de père, le narrateur Rachid exprime également le poids des traditions qui font que le père devient porteur aussi des malheurs de sa mère, ce sont des circonstances tristes et souvent tragiques qui mènent à la souffrance et au malheur de la cellule familiale. Rachid exhibe la déchéance morale et surtout l’absence de compassion de père.

Si Zoubir est finalement un personnage qui se développe à travers le point de vue de Rachid qui le décrit comme étant un monstre. Le passé même du père semble échapper à la vision que Rachid se fait du père. Dans la société tribale se trouvent Rachid et son père, le système patriarcal donne un grand

23 La répudiation, page 113.

pouvoir au père de la famille qui doit veiller à la prospérité et à la réussite de ses enfants ; cependant dans la répudiation, la réalité est autre, on assiste à un abandon du père par rapport à ses responsabilités, il est comme obsédé par son deuxième mariage et va abandonner ses enfants à travers sa nouvelle vie avec Zoubida. C’est pourquoi Rachid va sentir un malaise qui va constamment se faire sentir dans le récit.

«Mon père, au fond, n’était qu’à demi avalé par le sexe – de – sa – jeune femme ; et s’il ne venait plus à la maison où logeait l’énorme tribu, il n’en continuait pas moins d’avoir la haute main sur nous. Ma ne l’intéressait plus. Il s’en lavait les mains. Il était tranquille et sur mes oncles. Seulement, il se méfiait de compter nous. Il nous trouvait

des faces de traîtres et d’assassins. Il ne pouvait pas nous lâcher. Livrés à nous-mêmes, nous aurions organisé les pires complots. Il se sentait déjà persécuté ! Nous lui sucions son sang, son argent et sa vie. Nous le prenions très au sérieux ; et lui, pour mieux nous triturer, entrait souvent en transe. Il était alors lamentable et nous avions vite pitié ; nous regrettions même nos mauvaises intentions. »24

Rachid va cultiver une haine envers son père qui se manifestera à travers l’inceste pour détruire l’image de père. Il va tenter de séduire Zoubida, l’action de notre personnage témoigne de la gravité de la situation où se trouve la famille de Si Zoubir. Ce dernier est l’artisan de la destruction de sa propre famille à travers ses choix et ses désirs de changer de vie en épousant une jeune fille, générant un conflit entre lui et son fils Rachid. Nous constatons une perversion

de l’image du père qui devient porteur des germes de la destruction de la cellule familiale. La répudiation de la mère et l’abandon de ses enfants est un cas parmi d’autres qui va expliquer les désirs refoulés du père de trouver le plaisir ailleurs. La famille de Rachid se retrouve ainsi sans l’image d’un père protecteur et affectueux. Rachid exprime à Céline que l’image du père devient négative et parvient même à être le reflet de la laideur de ce personnage vieillissant. Le père de

Rachid devient donc un obstacle à l’évolution et à la construction harmonieuse.

24 La répudiation, page 85.

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21 Pierre Bonté et Michel Izard, Dictionnaire de l’ethnologie et l’anthropologie, presses Universitaire de France, 1991, p 455.

22 La répudiation, page 93.

23 La répudiation, page 113.

24 La répudiation, page 85.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les caractéristiques du patriarcat dans ‘La Répudiation’ de Rachid Boudjedra ?

La société décrite dans ‘La Répudiation’ est de type patriarcal où le père, Si Zoubir, est le fondateur et l’autoritaire, exerçant un pouvoir sur les membres de sa famille.

Comment Rachid Boudjedra décrit-il la figure paternelle dans son roman ?

Rachid Boudjedra décrit la figure paternelle comme un personnage imbu de sa personnalité, qui se croit investi d’un pouvoir lui permettant de présider aux destinées de sa famille, tout en étant dépeint comme sans attrait physique.

Quel est le rôle des femmes dans ‘La Répudiation’ ?

Dans ‘La Répudiation’, les femmes n’ont qu’un seul droit : posséder et entretenir un organe sexuel, et la mère de Rachid est présentée comme une femme répudiée, ce qui souligne leur statut dans la société patriarcale.

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