L’analyse comparative de la photographie révèle comment les images documentaires de l’occupation américaine d’Haïti (1915-1920) transcendent leur fonction initiale. En examinant les codes vestimentaires et les postures, cette étude met en lumière les représentations sociopolitiques complexes de cette période cruciale.
La photographie documentaire entre 1915 – 1920
Dans l’ouvrage publié sous la direction de Michel FRIZOT, les auteurs se consacrent à faire un rapport entre la photographie documentaire et un écrivain.
« Parler la photographie documentaire entre 1915 et 1920 c’est se comporter comme écrivain d’une certaine façon : rechercher des informations, recueillir des images, et écrire une manière d’aventure – la vie des photographies – faire vrai en évitant les invraisemblances historiques ; redonner une présence aux documents historiques. L’histoire de la photographie correspond à la suprématie du modèle de l’histoire de l’art, spécifiquement, l’histoire de la peinture.
Les photographies (images sur papier et monochromes) ont d’emblée été perçues comme des documents graphiques proches du dessin, de la lithographie, assimilation renforcée par l’usage illustratif et documentaire qu’on en a fait »55.
A travers cette approche, nous nous retrouvons dans cette démarche. A la seule différence, nous ne sommes pas en mesure d’identifier les photographes voir de construire un discours sur leur vie. En fait, nous nous accentuons sur la photographie en tant que telle comme document.
Certainement, la photographie est un document, et un document d’histoire – un indice où s’impriment en filigramme la date et les particularismes de l’instant, elle est aussi un fragment de l’histoire générale, un indice probant.
L’histoire se constitue à partir de la photographie, qui « se veut présente à l’histoire, et à l’histoire officielle aussi bien qu’à la plus secrète, à l’histoire collective autant qu’à l’individuelle ».
L’histoire, photographiquement, est en quelque sorte cette manière discursive que l’on a à mettre en scène les documents photographiques, de les enchainer les uns aux autres, d’expliquer la variabilité interne des images photographiques, en reconnaissant une forme évolutive à ce matériau qui nous sert…à faire de l’histoire.
La photographie est une vision objective du monde, une manière d’inventaire, donc un document. Pour d’autres, la vision est totalement subjective, et le photographe un artiste qui compose avec la réalité et se l’approprie…afin de mieux se montrer lui-même. Les images ont une destination qui
54 (Carani Marie 1995, p 223)
55 (Michel FRIZOT et all. 1994, p 9 – 10)
en prédétermine la forme, la taille et la qualité, destination souvent objective, à laquelle l’historien devrait se référer plus ouvertement : l’archive, le carton d’artiste, l’album de famille, le cadre sur la cheminée, le livre d’art, le journal d’information, le panneau d’affichage, le cimetière…
Et c’est alors que, dans un crépuscule nietzschéen, des icônes plutôt que des idoles, la photo- graphie arraisonne le réel absolu. Elle devient l’absolument réel du monde, passé par le cas d’une reproductibilité utopique. L’absolument réel de cela qui se fait passer pour tel…56
Des photographes sont soumises à l’action de « champs » – influences, filiations, références, déterminations sociales, codes de lecture – et pas seulement au déterminisme technologique.
Chacun fait de la photographie pas pour obtenir in fine « une photographie », mais en destinant par avance cet objet particulier à quelqu’un, à un usage, à une fonction, selon une intention qui sera atteinte ou non.
La photographie nous a révélé le sens du fortuit, la forme imageante de tout ce qui advient optiquement et nous apparait ultérieurement comme porteur d’un message épiphanique, infinie mais tenace, anodin mais essentiel. Elle est un détenteur de photons, particules qui signalent à nos yeux les innombrables évènements de l’univers.
L’histoire de la photographie renvoie à une pérennité d’une idéologie esthétique soucieuse de légiférer sur le présent à partir du seul modèle du passé. Faire une histoire des photographies requiert une archéologie du médium, le repérage des couches et des typologies du langage photographique, leurs implications en action mutuelle à un moment donné.
« Accepter de n’avoir affaire qu’à une population d’évènements dispersés », comme le souhaitait Michel Foucault dans l’ « archéologie du savoir ».
Cette histoire n’est pas la simple reconnaissance de la succession des couches stratigraphiques, c’est la relation d’un certain nombre d’indices qui définissent l’objet archéologique qu’est la photographique, qui l’ont fait exister et qui l’ont conduite à l’enfouissement, qui l’offrent en seconde lecture et lui confère une autre inattendue57.
Pour analyser la photographie d’actualité, il faut délimiter le concept d’ « évènement » et d’ « évènementiel58 ».
La photographie nous offre la possibilité d’étudier l’ « importance» de l’évènement sur le document lui-même. L’évènement est la prise de vue elle-même. Chaque image prend la place d’un témoin oculaire muet et témoigne d’elle-même par elle-même. C’est déjà un
56 « L’absolument réel de la photographie », par Sylvain Campeau ETC, n° 11, 1990, p. 44-47., http://id.erudit.org/iderudit/36284ac
57 (Michel FRIZOT et all. 1994, p 12)
58 « L’absolument réel de la photographie », par Sylvain Campeau ETC, n° 11, 1990, p. 44-47., http://id.erudit.org/iderudit/36284ac, p 132
document en soi, et le spectateur aura à décider ensuite de son caractère de référence et de son importance. Un évènement est considéré comme historique s’il s’insère dans un continuum temporel avec un avant et un après « catastrophe ».
L’évènement est conçu théâtralement comme dernier acte d’une tragédie. Avec la photographie – « la fleur bleue au pays de la technique » comme l’écrivait Walter Benjamin – le nouveau moyen était né, qui possédait dans sa forme technique la « qualité essentielle du présent » que Baudelaire exigeait pour l’art59.
________________________
54 (Carani Marie 1995, p 223) ↑
55 (Michel FRIZOT et all. 1994, p 9 – 10) ↑
56 « L’absolument réel de la photographie », par Sylvain Campeau ETC, n° 11, 1990, p. 44-47., http://id.erudit.org/iderudit/36284ac ↑
58 « L’absolument réel de la photographie », par Sylvain Campeau ETC, n° 11, 1990, p. 44-47., http://id.erudit.org/iderudit/36284ac, p 132 ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est l’importance de la photographie documentaire entre 1915 et 1920 en Haïti?
La photographie documentaire entre 1915 et 1920 est importante car elle permet de redonner une présence aux documents historiques et constitue un indice probant de l’histoire, reflétant à la fois l’histoire officielle et l’histoire secrète.
Comment la photographie est-elle perçue comme un document historique?
La photographie est perçue comme un document historique car elle est un indice où s’impriment la date et les particularismes de l’instant, servant à faire de l’histoire en mettant en scène les documents photographiques.
Quels sont les éléments analysés dans la photographie documentaire de l’occupation américaine d’Haïti?
L’analyse se concentre particulièrement sur les codes vestimentaires et les postures des personnages pour comprendre les représentations sociopolitiques de l’époque.