Les résultats de la photographie documentaire révèlent des représentations inattendues de l’occupation américaine d’Haïti (1915-1920). Cette étude met en lumière comment les choix vestimentaires et les postures des sujets transcendent leur fonction initiale, offrant une nouvelle compréhension des dynamiques sociopolitiques de l’époque.
B- Limitations de l’étude
Selon Georges Eddy Lucien, l’expression époque américaine renvoie à la périodisation traditionnelle 1915 – 1934, marquant le début du débarquement des forces militaires américaines en Haïti et leur départ. Elle mérite d’être nuancée car elle est marquée par des creuses que impriment à cette période dite « américaine » des caractéristiques de nature différente : La période 1915- 1922, période d’entente et de conflits entre les dirigeants haïtiens et le personnel américain, laisse dessiner une période américaine très mitigée … Nous pouvons en déceler deux éléments récurrents : La cohabitation d’un pouvoir local avec le personnel américain non sans des nuances importantes et la présence des forces militaires américaines15. Selon professeur Michel Hector
« Dans les deux grandes crises de 1908-1915 et 1986-1994, la répression antipopulaire est également présente. En ce qui concerne la première, il a fallu cinq années de guerre et d’actes de violence conduites par l’armée étrangère et ses supplétifs (1915-1920) pour aboutir à l’annihilation de la mobilisation paysanne des cacos, au prix de milliers de morts et faciliter ainsi l’implantation de la domination nord-américaine16 ». De même, Michel Hector en a mis en
question la périodisation traditionnelle en mettant l’accent sur les cinq années de guerre meurtrière conduites par les occupants à travers les marines pour arriver à mettre en échec le mouvement des cacos.
Ainsi, nous nous situons sur ces points de vue pour faire une délimitation afin de mieux explorer le champ de la recherche. Cette délimitation se fait en rapport à l’orientation adoptée dans ce mémoire, de voir le premier quinquennal de résistance populaire, que les marines de concert avec le pouvoir politique, des vigilants, des gendarmes, des traitres vont mettre en échec par des assassinats (1915 – 1920).
La première correspond à l’envahissement physique des américains sur le sol Haïti, la seconde date correspond à l’assassinat de Benoit Batraville, le chef de file du mouvement des cacos après Charlemagne Péralte. C’est pourquoi, nous nous retrouvons dans la
« sous-périodisation » de l’occupation américaine d’Haïti de Georges Eddy Lucien à savoir 1915 – 1922 et celle de Michel Hector à savoir 1915 – 1920.
Selon Sauveur Pierre Etienne, 28 Juillet 1915 a été l’effondrement de l’Etat Haïtien et l’incapacité des élites à opposer à une quelconque résistance organisée favorisent le déploiement rapide des troupes de l’armée états-unienne. Ses points stratégiques et les bâtiments symboliques de la capitale (ports, casernes, bureau des douanes et des contributions, palais présidentiel, les ministères et les tribunaux) sont investis.
Les américains obtiennent la collaboration d’une fraction des élites politiques locales. La création de la gendarmerie comme le prévoit l’article X de la convention haïtiano-américaine composée d’Haïtiens et dont les officiers supérieurs sont tous des américains s’inscrit dans cette perspective17. Le mécontentement général dans les zones rurales provoque l’entrée en scène de Charlemagne Péralte et de Benoit Batraville, deux héros de la résistance paysanne.
En effet, entre 1915 – 1920 plusieurs milliers de civils et de combattants désarmés sont tués par les forces d’occupation alors que ces derniers combattent, avec l’aide de la gendarmerie Haïtienne commandée par les officiers américains, une insurrection armée de paysans, les cacos, particulièrement dans les campagnes du Centre, de l’Artibonite, de l’Ouest, du Sud, du Nord et du Nord-est d’Haïti.
Cette insurrection avait pour objectif de défendre la liberté de la nation à l’aide d’une guerre offensive, nationale et antiaméricaine consciemment. Le nombre de victimes est toujours incertain. Notre mémoire de recherche va permettre de garder la mémoire collective haïtienne vivace en se souvenant des exécutions sommaires, dans les périodes de résistances à
savoir 1915, 1918, 1919, 1920. Des milliers de civils meurent et sont tués lors de construction forcées de routes dans le pays, travaux appelés corvée. Selon Trouillot, 5 500 personnes sont morts pendant la corvée18. La mort de bon nombre de prisonnier à Chabert sous le coup de toute sorte de tortures, quand ils ne sont pas fusillés. Il y a un cimetière à cette fin…19
Durant les trois premiers mois de l’occupation, on enregistre 200 morts dans le camp des cacos. De 1916 à 1918, 250 autres insurgés sont morts au cours d’affrontements régulières. En 1919, 1881 guérilleros sont massacrés par la gendarmerie. L’assassinat de Charlemagne Péralte le 1er Novembre 1919 et celui de Benoit Batraville le 19 Mai 1920, scellent la fin de la résistance armée20.
Dans les années 30, le brigand d’hier et ses partisans seraient largement réhabilités. C’est à Charlemagne Péralte que Danache dédiera son livre : « …le premier devoir des haïtiens, après notre départ, sera d’élever un magnifique monument à Charlemagne Péralte. C’est Charlemagne Peralte et ses cacos qui nous ont porté à avoir de la considération pour vos compatriotes … »21.
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15 (Lucien Georges Eddy 2013, p 23) ↑
16 Hector Michel, « Mouvements populaires et sortie de crise (XIXe – XXe siècles) », p 86, Pouvoirs dans la Caraïbe [En ligne], 10 | 1998, mis en ligne le 05 mai 2011, consulté le 11 octobre 2012. URL : http://plc.revues.org/557 ; DOI : 10.4000/ plc.557 ↑
17 (Pierre – Etienne Sauveur 2011, p 210) ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les résultats de la photographie documentaire en Haïti entre 1915 et 1920?
L’objectif principal est d’examiner comment les photographes créent des images inédites qui dépassent leur fonction documentaire initiale.
Comment la photographie documentaire a-t-elle représenté les événements politiques en Haïti durant l’occupation américaine?
L’analyse se concentre particulièrement sur les codes vestimentaires et les postures des personnages pour comprendre les représentations sociopolitiques de l’époque.
Quelle est la période de l’occupation américaine d’Haïti selon Georges Eddy Lucien?
Selon Georges Eddy Lucien, l’expression époque américaine renvoie à la périodisation traditionnelle 1915 – 1934, mais mérite d’être nuancée, notamment en se concentrant sur la période 1915-1922.