Quelles implications politiques pour l’expertise comptable en 2023?

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🏫 Université de Sfax - Faculté des Sciences Economiques et de Gestion - Commission d'Expertise Comptable
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de diplôme d'expertise comptable - 2006-2007
🎓 Auteur·trice·s
Ramzi BORGI
Ramzi BORGI

Les implications politiques en expertise comptable révèlent une réalité surprenante : les compétences comportementales surpassent souvent les qualifications académiques dans la réussite professionnelle. Cette étude met en lumière l’importance cruciale de ces compétences dans un marché de plus en plus compétitif.


Sous-section 1 : Les risques liés au marché

Le souci de chaque professionnel est le développement d’un portefeuille clients important et fructueux. Toutefois, la tendance générale des nouveaux diplômés, notamment, qui consiste à exercer directement dans le libéral sans développer au préalable les compétences nécessaires à la réussite professionnelle, associée à l’augmentation du nombre des professionnels215, exerçant dans un marché inefficient, a fait submerger une stratégie d’acceptation des clients basée sur le nombre et non pas sur la qualité des affaires.

Une telle stratégie ne peut avoir pour conséquence que de renforcer la nature de la demande prédominante sur le marché tunisien, notamment, dans le segment des affaires de petites et moyennes tailles, basée sur le modèle professionnel du client avec les risques qu’elle engendre.

214 Sur un plan légal, l’article 32 du code pénal dispose « sont considérés et punis comme complices : 3) Ceux qui ont, dans les mêmes conditions, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action dans les faits qui l’ont préparée ou facilité, ou dans ceux qui l’ont consommée… ».

215 L’OECT compte plus de 480 membres, personnes physiques, et 200 personnes morales.

§1. La nature de la demande dominante du marché tunisien

A l’instar de tout métier, la profession comptable est régie par la loi de l’offre et de la demande. Or, le marché des services supérieurs est caractérisé, selon la théorie de Say (J-B.) par le fait que l’offre crée sa propre demande. Ainsi, un expert-comptable compétent 216, doté d’un réseau relationnel efficace ainsi que des compétences de marketing professionnel, devrait connaître la réussite.

Toutefois, le marché tunisien des prestations de services comptables souffre, principalement en ce qui concerne les affaires de petite et moyenne taille 217, d’importantes distorsions quant aux règles d’appréciation des experts-comptables qui ne sont pas basées sur leur professionnalisme mais plutôt sur la satisfaction des exigences du client qui ne sont pas toujours compatibles avec le professionnalisme.

Ainsi, l’attachement à la stratégie d’exercice se basant sur le modèle de professionnalisme, risque t-il de paraître pénalisant, particulièrement, aux yeux des nouveaux diplômés. En effet, ce risque est engendré par la tendance générale chez les experts-comptables, nouvellement diplômés, d’exercer directement dans le libéral, sans se donner le temps de développer, au préalable, leur compétence ainsi que des réseaux relationnels efficaces leur permettant de se faire connaître et de se doter de meilleures capacités de conclure de bonnes affaires.

Ces facteurs participent à l’amplification de l’incapacité de certains professionnels d’identifier les situations où il est obligatoire de « dire non », voire même leur incapacité de dire non même en connaissance de cause. Cette incapacité se trouve au carrefour des principaux risques professionnels liés à la nature du marché.

Les résultats de l’enquête, menée dans le cadre de la préparation du présent mémoire, montre une sous-estimation de ce risque par les experts-comptables participants218.

§2. Le risque de litiges

Le risque qu’un client devienne une source de litiges pour l’expert-comptable est favorisé, notamment, dans les cas suivants :

216 Sur le plan technique, comportemental et en matière de gestion des risques.

217 Le marché tunisien a fait de grands pas vers l’efficience en ce qui concerne les missions de grande taille. Ainsi peut-on affirmer que le marché tunisien est inefficient en nombre et non pas en valeur de marché.

218 Voir l’analyse de la question 10.2 en annexe.

  • L’expert-comptable accepte des missions qui dépassent les capacités techniques et/ou matérielles du cabinet, augmentant ainsi le risque d’erreur ou de la non application des diligences nécessaires pour l’accomplissement de la mission. De même, l’expert-comptable peut accepter des missions pour lesquelles son indépendance (morale ou matérielle) est mise en cause, affectant par conséquent la bonne application des diligences ;
  • Le client a des antécédents en matière de litiges et de différends (avec des professionnels ou des tiers) ;
  • Présence de conflits actuels entre les associés et/ou les organes de direction ;
  • Le client qui n’accepte pas le respect de la réglementation en vigueur réagit négativement aux exigences professionnelles ;
  • Le client s’abstient de collaborer avec l’expert-comptable, ce qui affecte la qualité de la prestation rendue voire même rend la mission impraticable.

§ 3. Le risque de non recouvrement

Toute mission donne droit à rémunération par des honoraires raisonnablement déterminés. Ces honoraires servent à la couverture des charges engagées par le cabinet en vue de l’accomplissement de la mission en question et à la rémunération du service fourni par l’expert-comptable.

Il y a risque de non recouvrement lorsque le client ne paie pas (de mauvaise foi ou suite à des difficultés financières ou en raison d’un désaccord sur le montant des honoraires) le montant des honoraires réclamés par l’expert-comptable. Ce risque est aggravé par les dispositions fiscales régissant la déductibilité des provisions pour créances douteuses et la non reprise de la Taxe sur le Valeur Ajoutée sur les créances insolvables.

Sous-section 3 : Les risques liés à l’appréciation des travaux accomplis par l’expert-comptable

Les travaux accomplis par l’expert-comptable peuvent faire l’objet de contrôles par certains organismes. En effet, la commission de contrôle instaurée auprès des organismes professionnels ainsi que les tribunaux ont le droit de consulter les dossiers de travail afin d’apprécier la qualité des travaux et la mise en œuvre des diligences exigées par les missions en question.

Les risques liés à ce contrôle résident dans la non validation des jugements professionnels retenus par l’expert-comptable ainsi que dans la méconnaissance des difficultés de l’exercice de la profession par les institutions chargées des investigations ou des jugements.

§ 1. Le jugement professionnel

Les normes comptables, juridiques ainsi que fiscales sont, généralement, sujettes à interprétation en raison des termes généraux dans lesquels elles ont été rédigées, ce qui les rend inadaptées aux situations complexes pour lesquelles l’expert-comptable doit trouver une solution. Ce dernier est amené, donc, à apporter des réponses à des situations inédites en faisant recours à son jugement professionnel.

La nature de certains jugements, particulièrement en matière d’estimations comptables, rend l’appréciation subjective et pouvant, par conséquent, changer d’une personne à une autre. Une telle subjectivité, associée à la méconnaissance de certains corps institutionnels, notamment les tribunaux, des difficultés de l’exercice de la profession, peut amener le contrôleur à engager la responsabilité de l’expert-comptable, alors même qu’une autre personne, se trouvant dans les mêmes conditions, aurait pu émettre un avis favorable sur les travaux accomplis.

Dans ce sens, les experts-comptables participants à l’enquête classent le jugement professionnel les origines les plus importantes des risques professionnels219.

§2. Le risque lié à la procédure judiciaire

Ce risque concerne, principalement, l’appréciation des travaux d’audit 220 par les tribunaux. « En effet, la Tunisie n’a pas échappé à certaines affaires, qualifiées par la presse de scandales financiers, ayant secoué l’opinion publique et exposer la profession à une compagne de mise en doute »221.

Les juges dont la mission de faire appliquer la loi, ayant une faible connaissance des techniques comptables et des difficultés d’exercice de la profession, peuvent montrer une faible compréhension des considérations professionnelles.

§3. Les risques liés au système fiscal tunisien

Les résultats des contrôles fiscaux, subis par les clients, pourraient engager, comme on vient de constater ci-dessus, la responsabilité civile 222, disciplinaire voire même pénale223 de l’expert-comptable.

219 Voir l’analyse de la question 10.2 en annexe.

220 L’analyse de l’enquête montre, clairement, que les missions de certification génèrent beaucoup plus de risques que les autres missions. En effet, 95% des experts-comptables affirment que ces missions génèrent des risques élevés, voire même, très élevés (notons que 6 experts-comptables ont attribué la note de 10/10).

Notons que l’étude de la composition des portefeuilles clients des répondants montre que pour 57% d’eux, les missions de certification se placent en premier rang avec plus de 50%.

221 L’OECT, « la gestion des risques des cabinets d’expertise comptable », 2005, page 16.

222 Articles 826 du COC et 22 de la loi n° 88-108 du 18 août 1988.

223 Articles 99 du CDPF et 270 et 271 du CSC

Toutefois, notre système fiscal est caractérisé par le fait que même l’entreprise soucieuse de respecter la loi fiscale peut, à l’occasion d’un contrôle fiscal, se trouver confrontée à des risques de redressement.

Ces risques émanent, principalement, de :

  • La complexité des règles fiscales ;
  • La rétroactivité de certaines lois fiscales ;
  • Les incertitudes dans l’interprétation des règles de droit fiscal ;
  • L’importance du formalisme et la gravité des risques qui lui sont associés ;
  • La nature abusive de certaines vérifications ; et
  • La possibilité de recours aux éléments extracomptables en plus de la comptabilité pour reconstituer le résultat imposable, dans un esprit de tolérance faible.

Ces risques contribuent à l’augmentation du degré d’incertitude dans les missions ayant trait à la fiscalité.

Le déficit de sécurité juridique en matière fiscale affecte les experts-comptables au même titre que leurs clients. D’ailleurs, les experts-comptables, ayant participé à l’enquête, classent ce déficit comme étant la première origine des risques professionnels224.

L’identification des risques professionnels ainsi que de leurs effets sur l’exercice professionnel est une étape fondamentale dans le processus permettant de prendre les mesures nécessaires pour les aligner à l’appétence pour le risque du cabinet et les traiter de façon appropriée.

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214 Sur un plan légal, l’article 32 du code pénal dispose « sont considérés et punis comme complices : 3) Ceux qui ont, dans les mêmes conditions, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action dans les faits qui l’ont préparée ou facilité, ou dans ceux qui l’ont consommée… ».

215 L’OECT compte plus de 480 membres, personnes physiques, et 200 personnes morales.

218 Voir l’analyse de la question 10.2 en annexe.

219 Voir l’analyse de la question 10.2 en annexe.

220 L’analyse de l’enquête montre, clairement, que les missions de certification génèrent beaucoup plus de risques que les autres missions. En effet, 95% des experts-comptables affirment que ces missions génèrent des risques élevés, voire même, très élevés (notons que 6 experts-comptables ont attribué la note de 10/10).

221 L’OECT, « la gestion des risques des cabinets d’expertise comptable », 2005, page 16.

222 Articles 826 du COC et 22 de la loi n° 88-108 du 18 août 1988.

223 Articles 99 du CDPF et 270 et 271 du CSC

224 D’ailleurs, les experts-comptables, ayant participé à l’enquête, classent ce déficit comme étant la première origine des risques professionnels.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les compétences essentielles pour réussir en expertise comptable?

L’article identifie trois types de compétences interdépendantes : comportementales, techniques et en gestion des risques.

Pourquoi les compétences comportementales sont-elles importantes pour les experts-comptables?

Les compétences comportementales sont considérées comme un vecteur de réussite globale et un facteur d’excellence dans la profession.

Quels risques le marché tunisien pose-t-il aux experts-comptables?

Le marché tunisien souffre d’importantes distorsions quant aux règles d’appréciation des experts-comptables, basées sur la satisfaction des exigences du client plutôt que sur le professionnalisme.

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