Les stratégies d’implémentation ISO 9001 révèlent des défis déontologiques inattendus dans les cabinets d’expertise comptable. Cette recherche met en lumière l’importance cruciale de la certification pour naviguer dans un environnement économique mondial, tout en préservant la confiance des clients.
Section 2 :
Problèmes déontologiques rencontrés lors de la certification
Nous allons aborder les problèmes pratiques lors de l’audit tierce partie et postérieurement à l’obtention du certificat.
En effet, le cadre rigide et réglementé dans lequel s’exerce notre profession ne facilite pas, loin s’en faut, la mise en œuvre de la certification.
Respect d’un principe de base de la profession : le secret professionnel
Le secret professionnel constitue un principe rigide qui régit notre profession.
A. Lemaignan le définit ainsi : « Il s’agit d’une caractéristique essentielle d’une profession libérale organisée et responsable : les clients doivent être assurés qu’en aucun cas leur confiance ne sera trahie dans leurs rapports avec les membres de l’Ordre »56.
Le secret professionnel s’impose aussi bien à l’Expert Comptable qu’à ses salariés conformément aux dispositions de l’article 8 de la loi 88-108 du 18/8/1988 qui stipule que : « Sous réserve de toutes les dispositions législatives contraires, les personnes physiques et morales inscrites au tableau de l’Ordre et leurs salariés sont tenus au secret professionnel.
Ils sont, en outre, astreints aux mêmes obligations pour les affaires dont ils ont à connaître à l’occasion de l’exercice de leurs missions ».
Les faits concernés par le secret professionnel doivent être entendus très largement : « tous les faits dont les membres de l’Ordre ont pu avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de leurs missions ».
De même, le paragraphe 1 de l’article 270 du code des sociétés commerciales stipule que : « Sous réserves des dispositions de l’article 269 du présent code les commissaires aux comptes ainsi que leurs collaborateurs et les experts sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ».
Ce principe étant posé, il est évident que l’audit tierce partie ne peut s’envisager aisément dans la profession d’Expert Comptable.
Le rôle de l’auditeur tierce partie est rappelons-le, de vérifier le fonctionnement du système d’assurance qualité et de s’assurer que les processus sont conduits par des gens ayant reçu une formation adéquate.
Dans le cas d’un cabinet d’Expertise Comptable, le problème réside exclusivement dans l’audit des « procédures-bureau », en relation avec les clients telles que, par exemple :
- La procédure d’établissement des comptes annuels ;
- La procédure de réalisation d’une mission de commissariat aux comptes ;
- La procédure d’élaboration d’un dossier de gestion.
La vérification de la bonne application des procédures au sein des dossiers clients ne pourra, en aucun cas, être réalisée par un auditeur non soumis au secret professionnel, en d’autres termes non membre de l’Ordre des Experts Comptables.
Il conviendra, lors de la certification, de prendre garde à ce problème déontologique, de prévoir avec l’organisme certificateur l’habilitation d’un membre de l’Ordre des Experts Comptables, de programmer ses interventions et ce en accord avec le Conseil de l’Ordre des Experts Comptables.
La communication externe de l’obtention du certificat est- elle possible ?
Ce problème épineux rencontré par les cabinets après l’obtention du certificat découle des règles d’éthique et des principes en matière de communication reconnus par la profession.
Ainsi l’article 10 de la loi 88-108 du 18 Août 1988 stipule que : « Toute publicité personnelle est interdite aux membres de l’Ordre.
Ils ne peuvent faire état que des titres ou diplômes délivrés par l’Etat ou par des organismes étrangers.
Toutefois, le conseil de l’Ordre peut effectuer ou autoriser toute publicité collective qu’il juge utile dans l’intérêt de la profession.
Les délais et les modalités de l’application de cet article sont fixés dans le code des devoirs professionnels et le règlement intérieur établis par le conseil de l’Ordre ».
L’article 21 du code des devoirs professionnels précise que le professionnel doit « s’interdire toute publicité à caractère commercial.
Ainsi, il est interdit au professionnel, pour faire valoir ses capacités, de faire publier des annonces sur les journaux, d’envoyer des circulaires ou des plaquettes à des clients potentiels sans leur demande expresse ».
Dans ce contexte les cabinets d’Expertise Comptable s’interrogent sur l’usage qui peut et/ou doit être fait de ce certificat ISO 9000.
En l’absence de position officielle, les éléments de réponse suivants peuvent être avancés :
- Il n’est pas prévu que la mention de ce certificat figure sur le papier à lettres ;
- En matière de communication, la plaquette de présentation du cabinet joue un rôle important car elle permet une identification claire, une information pertinente sur les atouts du cabinet, l’équipe, les méthodes et les différents services proposés.
En effet, il semble que dans un esprit d’information et de valorisation et non de démarchage la mention de la certification ISO 9001 semble possible sur la plaquette de présentation du cabinet.
- L’obtention du certificat ISO 9001 par un cabinet d’Expertise Comptable sera publiée dans la liste des entreprises certifiées par l’organisme certificateur.
- Dans ce cas, le professionnel devra s’assurer que son nom est publié selon des modalités qui ne comportent pas de caractère promotionnel.
En plus, une telle publication devra être subordonnée à l’obtention de son autorisation.
Dans ce cas, il semble, à notre avis, que le caractère non promotionnel de cette publication semble acquis car les clients n’ont pas comme démarche habituelle de consulter la liste des sociétés certifiées pour choisir leurs Experts Comptables.
Par ailleurs, afin d’étayer ces prises de position, j’ai interrogé un cabinet d’audit et de commissariat aux comptes français certifié ISO, sur les pratiques en matière de communication sur le certificat.
Il en est fait état :
- Dans la plaquette de présentation ;
- Lors des réponses aux appels d’offres de sociétés ;
- Mais, à l’heure actuelle, afin de respecter l’éthique professionnelle, aucune mention ne figure sur les papiers à lettres du cabinet utilisés aux fins de courriers, factures, rapports…
Une annonce dans la presse tunisienne a néanmoins paru à titre d’information ; (à la suite de la certification d’un cabinet d’expertise comptable suivant la norme ISO 9002) le caractère non promotionnel de cette insertion est nettement plus ambigu.
Il en ressort qu’un rôle actif des instances dans le domaine de la communication doit s’affirmer, avec un double objectif :
- Etre le garant de la dignité, de l’honnêteté et de l’image de qualité de la profession ;
- Faire, éventuellement, évoluer les règles en matière de communication et en définir clairement les limites, ceci dans un souci de « coller » à l’évolution économique et au développement constant des modes de communication.
Le principe de confraternité est-il battu en brèche ?
La certification ISO 9001 soulève le problème de la confraternité en ce sens qu’elle apporte un atout supplémentaire au cabinet certifié par rapport à ses confrères.
Or, la déontologie des Experts Comptables impose au professionnel « de s’abstenir … de toutes manœuvres susceptibles de nuire à ses confrères ».
Ainsi, ne peut-on pas penser qu’il existe un risque de déstabilisation du marché si on laisse se développer un discours élitiste fondé sur la certification ?
En effet, nombreux sont les secteurs où la volonté des plus grands d’imposer les normes engendra de sérieuses difficultés pour les petits.
Georges Decourt57 critique de façon virulente les plus grands cabinets internationaux et on peut craindre une évolution divergente de la profession avec pour risque principal : la non participation des cabinets traditionnels aux missions de haut niveau.
Ainsi, la profession est confrontée à une évolution qui pourrait avoir des conséquences désastreuses si les instances n’y prennent pas garde.
________________________
56 Lemaignan A. (1990), Déontologie de l’expert comptable, Paris, Editions comptables Malesherbes, p.29. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les problèmes déontologiques liés à la certification ISO 9001 pour les cabinets d’expertise comptable?
Les problèmes déontologiques incluent le respect du secret professionnel, qui empêche un auditeur non membre de l’Ordre des Experts Comptables de vérifier les procédures au sein des dossiers clients.
Comment l’audit tierce partie est-il affecté par le secret professionnel dans les cabinets d’expertise comptable?
L’audit tierce partie ne peut s’envisager aisément, car il nécessite que l’auditeur soit soumis au secret professionnel, ce qui limite la possibilité d’auditer les procédures en relation avec les clients.
La communication externe sur l’obtention du certificat ISO 9001 est-elle possible pour les cabinets d’expertise comptable?
Non, la communication externe est limitée par des règles d’éthique qui interdisent la publicité personnelle, sauf si elle est autorisée par le conseil de l’Ordre.