L’analyse comparative du recouvrement fiscal révèle que l’incivisme fiscal, loin d’être un simple phénomène, menace gravement les recettes de l’État. Quelles solutions innovantes peuvent être mises en œuvre pour renforcer l’efficacité des politiques de recouvrement et restaurer la confiance des citoyens ?
Paragraphe 2 : Approche évaluative des politiques du contentieux de recouvrement
L’incivisme fiscal, influencé par une multitude de facteurs socio-économiques et comportementaux, peut entraîner une érosion des recettes fiscales et compromettre la capacité de l’État à fournir des services publics essentiels. Comme l’observe Thomas Piketty, « l’incivisme fiscal peut être considéré comme une menace pour la cohésion sociale, car il sape les fondements mêmes du contrat social en affaiblissant la capacité de l’État à redistribuer les richesses et à garantir un niveau minimal de solidarité » (Piketty, 2014).
Face à cette réalité, les autorités fiscales sont contraintes de mettre en œuvre des politiques de recouvrement contentieux pour restaurer l’intégrité du système fiscal.
Comme l’affirme Richard Bird, « Le contentieux de recouvrement est un outil indispensable pour dissuader les contribuables de violer les lois fiscales et pour rétablir l’équité fiscale dans la société » (Bird, 2004).
Ainsi, le recours au contentieux de recouvrement devient essentiel pour restaurer la confiance des contribuables dans le système fiscal et pour garantir la viabilité financière de l’État à long terme.
A- Contexte d’application du contentieux de recouvrement
Le contentieux de recouvrement est l’ensemble des litiges ou contestations qui naissent des procédures de poursuites en recouvrement des impôts et taxes assimilées dus en vertu des dispositions du Code Général des Impôts ainsi que des procédés permettant de les résoudre. Il s’agit des contestations relatives aux actes de poursuites.
L’opération de recouvrement de l’impôt s’effectue généralement sans encombre si, après la déclaration, le redevable tient à ses obligations et paie l’impôt sans tergiverser. Faute pour le redevable de se conformer à ses obligations en matière de paiement de l’impôt, l’Administration aie habilité à mettre en œuvre des procédures contraignantes dites de recouvrement forcé à son encontre. Le déroulement de ces procédures est autonome et débouche sur un contentieux dont l’objet et le règlement obéissent à des règles particulières.
En effet, le recouvrement forcé trouve sa raison d’être dans l’exigibilité de l’impôt. L’exigibilité s’entend comme le délai dans lequel le trésor public peut valablement réclamer l’impôt au redevable.
Par ailleurs, le recouvrement forcé des créances fiscales nécessite l’existence d’un titre préalable ayant force exécutoire. L’Administration fiscale n’est pas un créancier ordinaire. Elle n’a pas besoin de recourir au juge pour enjoindre à ses débiteurs de régler leurs dettes. Elle a le droit d’émettre des titres ou actes qui sont directement exécutoires. Ces actes sont crédités d’une présomption de légalité, en vertu du privilège du préalable et qui offre aux personnes publiques un pouvoir d’action unilatérale en vue de l’intérêt général.
Outre qu’il se justifie par la présomption de légalité attachée aux décisions de l’Administration, ce privilège s’explique par la nécessité d’assurer le fonctionnement continu et régulier de l’action administrative et, en l’occurrence, de percevoir l’impôt.
Les actes de poursuites, ils sont au nombre de trois, il s’agit : des avis à tiers détenteurs, des saisies et la fermeture provisoire des établissements. C’est donc contre ces trois actes qu’un redevable peut engager le contentieux de recouvrement.
Par ailleurs, dans cette procédure, il est loisible au redevable de critiquer également les actes d’impositions ainsi que tout acte précédent les mesures de poursuites. Dans ce cas, ce redevable ne doit à aucun moment porter ses contestations ni sur le bien-fondé des impositions mises à sa charge ni sur la régularité de la procédure les ayant établies.
Graphique n°1 : Illustration des formes du contentieux de recouvrement
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Source : Résultats de nos investigations
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Quelles formes peuvent prendre le contentieux de recouvrement ?
L’opposition à contrainte
Il y a opposition à contrainte lorsque le contribuable conteste l’existence, la quotité ou l’exigibilité de l’obligation fiscale. L’opposition à contrainte invoque des faits extérieurs à l’assiette de l’impôt mais qui se rapportent au recouvrement. En termes claires, le contribuable conteste l’obligation de payer.
L’opposition à l’acte de poursuites
Il y a opposition à l’acte de poursuites lorsque les contestations portent sur la régularité en la forme des actes de poursuite ou de la procédure de recouvrement. Le contribuable soutient et estime que les poursuites exercées à son encontre sont irrégulières ou que les actes de poursuite à lui signifiés sont entachés de vice de forme.
La revendication d’objets saisis
Il y a revendication d’objets saisis, lorsqu’il est prétendu que les meubles et effets mobiliers, insaisissables ou appartenant à des tiers, sont saisis chez un débiteur au cours d’une procédure de recouvrement.
Quelles sont les différentes phases du contentieux du recouvrement ?
Selon la forme du contentieux de recouvrement, celui-ci comporte deux phases : la phase administrative, qui se déroule devant l’Administration elle-même et, la phase juridictionnelle qui se déroule devant le juge compétent. La phase administrative est un préalable à la phase juridictionnelle dans certains cas.
Le contentieux du recouvrement dans sa phase administrative
Seule la revendication d’objets saisis doit être soumise en premier lieu au Directeur général des Impôts (DGI) ou à son représentant. Pour reprendre les propos du Professeur Robert Herzog, « Le contentieux du recouvrement des impositions est la phase ultime et décisive du processus d’imposition. Ne pouvant contester ni le bien-fondé des impositions mises à sa charge ni la régularité de la procédure les ayant établies, le contribuable ne pourra discuter que de la régularité des conditions dans lesquelles l’Administration entend le contraindre à payer. »
Lorsqu’il est prétendu que les meubles et effets mobiliers saisis appartiennent à des tiers ou sont insaisissables, au plus tard quinze (15) jours après la saisie, le revendiquant adresse au directeur général des impôts ou à son représentant, un mémoire appuyé de toutes justifications utiles. L’opposition demeure en principe sans effet sur le recouvrement.
A défaut de réponse dans le délai sus indiqué ou de décision de rejet, le requérant peut assigner le directeur général des impôts devant le juge des référés administratifs. Le recours doit être introduit, à peine d’irrecevabilité, dans le délai de quinze (15) jours suivant la notification de la décision de l’Administration ou l’expiration du délai de réponse accordé à celle-ci.
Le juge peut ordonner qu’il soit sursis à la vente des objets revendiqués jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement sur la revendication ou la demande en distraction. Toutefois, le contribuable peut, quelle que soit la nature de l’imposition contestée, demander à surseoir au paiement de la fraction litigieuse du principal et des pénalités afférentes, en constituant une caution en cash au Trésor Public, équivalant à 25% du montant total de la somme contestée et procéder au paiement de l’intégralité de la partie non contestée.
« Nul ne peut surseoir aux poursuites en recouvrement des impôts et taxes assimilées, pénalités et amendes, sauf versement, au trésor public, par l’opposant, d’une caution valant paiement de 25% du montant total de la somme contestée. » (Art 644 du CGI). En ce qui concerne le délai imparti à l’Administration pour répondre, ce dernier doit statuer dans un délai maximum de trente (30) jours à compter de la date de réception du mémoire du revendiquant et en tout cas avant qu’il ne soit procédé à la vente.
Lorsque le contribuable élève des contestations relatives à la régularité en la forme des actes de poursuites, il en saisit le directeur général des impôts dans les dix (10) jours à compter de la notification de l’acte et dans un délai de quinze (15) jours en cas de contestation de la quotité et de l’exigibilité de l’impôt.
L’Administration se prononce sur la contestation, dans un délai de trente (30) jours après sa réception.
Le contentieux du recouvrement dans sa phase juridictionnelle
Lorsque le désaccord persiste, le revendiquant peut saisir la juridiction compétente. Le revendiquant n’a pas la possibilité d’apporter de nouvelles preuves après la décision du DGI ou de son représentant. Le tribunal de première instance statuant en matière de référé administratif ou le juge délégué est compétent pour connaître des contestations relatives à la forme des mesures de poursuites engagées.
Pour le contentieux portant opposition à poursuite, en l’absence de réponse ou en cas de réponse insatisfaisante, le contribuable conserve le droit de porter la contestation devant la juridiction compétente du lieu de situation des biens saisis dans un délai de dix (10) jours. En cas de contestation sur les biens saisis, le délai est de quinze (15) jours à compter de la notification de la décision du DGI ou de l’expiration du délai de trente (30) jours qui lui est imparti pour statuer.
Pour toute contestation portant sur l’existence de l’obligation, sa quotité ou son exigibilité, constitue en l’absence de réponse ou en cas de réponse insatisfaisante, le contribuable dispose d’un délai de dix (10) jours pour porter la contestation devant la juridiction compétente du siège de la recette ayant entrepris les poursuites.
« Toutefois, lorsqu’un tiers, mis en cause en vertu de dispositions de droit commun, contestera son obligation à la dette du contribuable suivant un titre exécutoire, la juridiction administrative surseoira à statuer jusqu’à ce que la juridiction civile ait tranché la question de l’obligation. La juridiction civile est saisie, à peine de nullité, dans les sept (7) jours de la décision de sursis à statuer. » (Art 643-4 du CGI)
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les facteurs influençant l’incivisme fiscal au Bénin ?
L’incivisme fiscal est influencé par une multitude de facteurs socio-économiques et comportementaux.
Qu’est-ce que le contentieux de recouvrement ?
Le contentieux de recouvrement est l’ensemble des litiges ou contestations qui naissent des procédures de poursuites en recouvrement des impôts et taxes assimilées.
Pourquoi le contentieux de recouvrement est-il essentiel ?
Le recours au contentieux de recouvrement devient essentiel pour restaurer la confiance des contribuables dans le système fiscal et pour garantir la viabilité financière de l’État à long terme.