Les perspectives futures de la communication révèlent des mécanismes de défense insoupçonnés au sein de la diversité culturelle congolaise. Cette étude innovante, alliant psychologie interculturelle et méthodologies mixtes, offre des clés essentielles pour comprendre les dynamiques de la communication interculturelle.
- Neuvième explication : l’apparition des mécanismes est liée à la diversité culturelle et ethnique du contexte dans lequel la communication se réalise
La neuvième explication surgit quand il apparaît que ces mécanismes sont liés à la diversité ethnique et culturelle qui caractérise notre pays, phénomène appelé
« multiculturalime », c’est-à-dire « la coexistence de diverses cultures dans un même espace réel, médiatique ou virtuel »481. Voila par exemple, les données démographiques recueillies dans le Portail de l’Université de Laval482 nous renseigne que la R.D.C est l’un des pays les plus multiethniques d’Afrique, avec à peu près 250 ethnies réparties en deux grands groupes.
Le premier groupe est formé des peuples bantous (environ 80%), dont les principaux sont les Luba, les Mongo et les Kongo. Il y a également d’autres petits groupes, notamment, les Ambala, Ambuun, Angba, Babindi, Bangala, Bango, Pende, Bazombe, Bemba, Bembe, Bira, Bowa, Dikidiki, Dzing, Fuliru, Havu, Hema, Hunde, Hutu, Iboko, Kanioka, Kaonde, Kuba, Kumu, Kwango, Lengola, Lokele, Lundas, Lupu, Lwalwa, Mbala, Mbole, Mbuza (Budja), Nande, NgoliBangoli, Ngombe, Nkumu, Nyanga, Popoi, Poto, Sango, Shi, Songo, Sukus, Tabwa, Tchokwé, Téké, Tembo, Tetela, Topoke, Ungana, Vira, Wakuti, Yaka, Yakoma, Yanzi, Yeke, Yela, Batsamba, Baholo, Baboma, etc..
Le second groupe est constitué des ethnies non bantoues estimées à peu près à 20%. Elles se répartissent entre le groupe Soudanique central (Ngbandi, Ngbaka, Manvu, Mbunja, Moru-
480 Idem.
481 RODRIGO, M.A, op.cit, p.131.
Mangbetu, Zande, Lugbara, Logo), le groupe Pygmée (Mbuti, Twa, Baka, Babinga), le groupe Nilotique (Alur, Lugbara et Logo) et le groupe Chamite (Hima-Tutsi). Ces deux derniers sont venus de la vallée du Nil suite aux migrations.
Les gens de ces differentes ethnies sont appelées à vivre ensemble. Dans cette cohabitation, on enregistre chez les sujets congolais enquêtés, la présence des relations entre les cultures (interculturel), le dialogue interculturel suppose une « démarche de découverte réciproque et la relation entre les cultures » 483 ou « la connaissance de l’autre et le dialogue »484 (interculturalité) ». Il s’agit donc de la dynamique culturelle à travers les espaces et les temps de l’interaction entre personnes. Cependant, lors des échanges, il s’observe un
« ensemble des processus (psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels, …) engagé dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle entre les partenaires en relation »485. Dans ces processus, il se déroule un processus d’intégration inter-ethnique, appelé différemment selon les pays, melting pot aux États-Unis, salad bowl au Canada, mizzoug galouyot (intégration des seuls immigrés juifs) en Israël. En tant que facteur de communication interculturelle, le sentiment d’appartenance à une ethnie, appelé ethnicité, détermine le comportement des individus dans la société, le cas le plus typique actuellement est celui d’ethno-démocratie et de vote ethnique.
Des résultats obtenus de notre enquête, il se dégage que les sujets enquêtés prennent en compte ou sont conscients de l’existence d’autres cultures. Ce qui confirme la thèse de la transculturalité de Michel Cullin486. Pour étayer cette affirmation, nous prenons l’exemple suivant : tous les individus enquêtés reconnaissent l’existence des mécanismes de défense dans leur milieu social, même lorsque les provinces sont comparées deux à deux, il a été observé des oppositions (dissemblances). Cette prise de conscience est l’occasion, si nous nous inscrivons dans l’approche de Nestor Garcia Canclini487, de rendre visibles les points de différence et les points communs afin de faire cohabiter ce qui rentre avec ce qui ne rentre pas dans la configuration culturelle de chacun.
Cette cohabitation dans un même espace social de personnes identifiées issues cultures diverses a suscité, comme l’a déjà fait observé Emilio Lamo de Espinosa488, deux faits essentiels sur les identités socioculturelles des personnes impliquées, à savoir le problème de différence (ou des inégalités) et celui d’égalité. Les résultats observés dans le cadre de notre étude ont démontré quand même des inégalités entre les provinces. C’est ce qui justifie l’émergence des mécanismes de défense.
483 SAUQUET, M. et alii, op.cit, p. 4.
484 CULLIN, M., op.cit, p.1.
485 CLANET, C., op.cit, 1993, p. 21.
486 CULLIN, M., op.cit, p. 2.
487 CANCLINI, N.G., op.cit, p. 223.
488 LAMO DE ESPINOSA, E., op.cit, p. 18.
- 10ème explication : la présence des universaux culturels donne lieu à l’apparition de certains mécanismes de défense
Malgré les inégalités relevées entre les diffénts acteurs, il est remarquable la présence des caractéristiques communes qui traversent leurs cultures (universaux culturels). Elles sont désignées en termes de « transculturel » par Jacques Demorgon489, comme ont déclaré tous les enquêtés qu’ils se sentent à l’aise lorsqu’ils restent ensemble avec les autres malgré les différences culturelles, d’accueillir les autres dans leur milieu et de copier parfois certains de leurs comportements.
Cette dimension est essentielle, car elle renforce les relations interethniques au travers d’une coopération entre les ethnies ou les groupes socioculturels et elle permet de trouver les conditions et elle permet un mode de fonctionnement susceptible de prévenir les conflits. D’ailleurs, des résultats comparatifs ont émergé 55% de cas de ressemblance entre certaines provinces.
A cet effet, il y a donc nécessité que ces cultures continuent à cohabiter avec d’autres pour des raisons suivantes tel que déjà évoqué par Paul-Marcel Lemaire 490:
- la culture, individuelle ou collective, est un système clos, emprisonnant, qui empêche la communication avec les autres cultures ;
- toute culture a absolument besoin d’autres cultures pour ne pas étouffer ses membres et ne pas dépérir elle-même ;
- tout individu, tout groupe social, toute institution, voire tout pays est culturellement plus riche s’il participe organiquement à plus d’une culture. Ainsi donc, avec la communication interculturelle, il n’existe plus de frontières entre les humains et les sociétés, s’impose le métissage culturel qui nous ouvre à tout l’univers.
La réussite de cette cohabitation n’est possible que grâce à certaines actions spécifiques de la part des acteurs sociaux, actions déjà recommandées par certains auteurs comme Edward Twitchel Hall491 et Nicole Carignan492. Il s’agit de (d’) :
- aller au-delà de sa propre culture, appelé Beyond culture en anglais, pour comprendre la communication interculturelle ;
- comprendre le caractère organique des différences culturelles, les dépasser en redécouvrant la «nature» oubliée ;
- s’impliquer de manière active et consciente dans les aspects de son existence qui lui semblent les plus naturels afin d’échapper aux contraintes latentes d’une culture naturalisée ;
- encourager la reconnaissance de la différence, la valorisation et la prise en compte des ressemblances, de l’échange, de la réciprocité et de la solidarité.
489 FORESTAL, op.cit, pp. 59-75.
490 LEMAIRE, P.-M., op.cit, pp. 585-590.
491 HALL, E.T., 1979, op.cit, pp. 11-12.
492 CARIGNAN, N., op.cit, p. 7.
- Portée des résultats de l’étude
Nous allons ici examiner la question de la validité externe de l’étude en comparant nos résultats avec d’autres populations afin de circonscrire les limites de leurs généralisations.
A notre connaissance, ce serait la première recherche qui étudie simultanément vingt mécanismes de défense socioculturelle à travers les communications généralisées processuelles contrairement aux recherches menées sous d’autres cieux. Bien qu’existe l’étude de Viviane Bidou-Houbaine493, mais celle-ci ne s’est limitée qu’aux mécanismes discriminatoires à partir des entretiens entre les conseillers d’orientation de missions locales et les jeunes élèves.
De leur côté, les précurseurs de Cultural studies avaient déjà révélé la présence de certains mécanismes dans les relations entre les cultures ou groupes sociaux. A titre d’exemple, nous pouvons citer :
- « l’influence de la culture diffusée dans la classe ouvrière par les moyens modernes de communication » et « l’influence des produits de l’industrie culturelle sur les classes populaires »494 ;
- « la résistance à l’ordre social des classes populaires »495 ;
- « l’opposition entre l’État dominant et les Etats subordonnés » 496 ;
- «la globalisation, un processus de décomposition des frontières façonnant les cultures nationales et les identités individuelles, la construction des identités sociales à partir de la fracture des paysages sociaux (social landscapes) dans les sociétés industrielles avancées, l’homogénéisation et la différenciation » 497 ;
- « l’hégémonie, les processus de résistance ou d’acceptation du monde social tel qu’il est perçu à partir des contenus idéologiques d’une culture » 498 ;
- « l’exercice du pouvoir ou résistance au pouvoir, les rapports de pouvoir entre les sexes et la manière dont la domination patriarcale et masculine s’exerce » 499 ;
- « la blanchité reposant sur le racisme » 500.
Mais, notre étude n’a pas couvert tous ces aspects (mécanismes) et ne s’est limitée qu’à quelques sujets congolais non représentatifs de leurs milieux d’origine. Par conséquent, les résultats tirés doivent être pris avec beaucoup de réserve, mais ils peuvent inspirer d’autres recherches de terrain.
493 BIDOU-HOUBAINE, V., op.cit, pp. 15-20.
494 HOGGART, R., op.cit, pp. 1-423.
495 THOMPSON, E.P., op.cit, pp. 1-174.
496 GARNHAM, N., op.cit, p. 323.
497 HALL, S., op.cit, pp. 4-13.
498 MATTELART, A. et NEVEU, A., op.cit, p. 11.
499 SELLIER, G., op.cit, p. 40.
500 CERVULLE, M., op.cit, p. 48.
Section 3 :
Conclusion partielle du septième chapitre
Dans ce chapitre, nous venons de consolider les résultats des analyses qualitatives grâce aux techniques d’analyse statistique hautement élaborées. Ceci a permis finalement de valider notre hypothèse de recherche qui stipule que, dans la communication interculturelle, les individus d’origines culturelles et ethniques différentes produisent des mécanismes de défense psychiques de base, situationnels, discriminatoires et ethniques à travers les communications généralisées et les contextualités situationnelles.
Ce constat confirme partiellement notre cadre de référence théorique, car la variable
« province d’origine » (aire culturelle) a permis aux acteurs sociaux de construire de cadre d’interprétation devant les situations ou problèmes auxquels ils sont confrontés.
Certes, ce constat rencontre les préoccupations déjà avancées par de nombreux chercheurs de Cultural Studies. Mais, il devrait être pris avec beaucoup de réserve, car de nombreuses variables qui modèrent ou accentuent l’intensité de la variable province d’origine n’ont pas été contrôlées. Aussi, le nombre de sujets enquêtés ne permet pas d’obtenir des résultats fiables pour étudier des phénomènes aussi complexes et dynamiques de la société humaine. Ceci suppose donc des suites de recherche de type confirmatoire.
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481 RODRIGO, M.A, op.cit, p.131. ↑
483 SAUQUET, M. et alii, op.cit, p. 4. ↑
484 CULLIN, M., op.cit, p.1. ↑
485 CLANET, C., op.cit, 1993, p. 21. ↑
486 CULLIN, M., op.cit, p. 2. ↑
487 CANCLINI, N.G., op.cit, p. 223. ↑
488 LAMO DE ESPINOSA, E., op.cit, p. 18. ↑
489 FORESTAL, op.cit, pp. 59-75. ↑
490 LEMAIRE, P.-M., op.cit, pp. 585-590. ↑
491 HALL, E.T., 1979, op.cit, pp. 11-12. ↑
492 CARIGNAN, N., op.cit, p. 7. ↑
493 BIDOU-HOUBAINE, V., op.cit, pp. 15-20. ↑
494 HOGGART, R., op.cit, pp. 1-423. ↑
495 THOMPSON, E.P., op.cit, pp. 1-174. ↑
496 GARNHAM, N., op.cit, p. 323. ↑
497 HALL, S., op.cit, pp. 4-13. ↑
498 MATTELART, A. et NEVEU, A., op.cit, p. 11. ↑
499 SELLIER, G., op.cit, p. 40. ↑
500 CERVULLE, M., op.cit, p. 48. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les mécanismes de défense dans la communication interculturelle au Congo?
Les mécanismes de défense sont liés à la diversité ethnique et culturelle qui caractérise le Congo, impliquant des processus psychiques, relationnels et groupaux engagés dans des échanges réciproques.
Comment la diversité culturelle influence-t-elle la communication au Congo?
La diversité culturelle et ethnique au Congo, avec environ 250 ethnies, influence la communication en favorisant des relations interculturelles et un dialogue basé sur la découverte réciproque.
Qu’est-ce que l’ethnicité et son impact sur la communication au Congo?
L’ethnicité, ou le sentiment d’appartenance à une ethnie, détermine le comportement des individus dans la société, influençant ainsi la communication interculturelle et les interactions sociales.