Comment les mécanismes de défense influencent-ils la communication interculturelle au Congo ?

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🏫 Institut Facultaire des Sciences de l'Information et de la Communication - Département du 3ème Cycle
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) - 2014
🎓 Auteur·trice·s
PATA KIANTWADI David
PATA KIANTWADI David

L’impact des mécanismes de défense dans la communication interculturelle congolaise révèle des dynamiques inattendues. Cette recherche innovante, alliant psychologie et méthodologie mixte, offre des perspectives essentielles pour comprendre les interactions socioculturelles, avec des implications significatives pour les théories de la communication.


    1. Discussion des résultats à la lumière des théories et travaux antérieurs

Il s’agit ici de confronter les résultats obtenus à ceux des études antérieures ainsi qu’aux théories qui ont servi de soubassement. Cette confrontation se fera à deux niveaux : fournir des explications scientifiques qui soutiennent l’hypothèse de recherche et esquisser la portée des résultats.

      1. Explications scientifiques par rapport à l’hypothèse de recherche

L’affirmation de l’hypothèse de recherche trouve des explications scientifiques dans la revue de la littérature, tant nationale qu’internationale dont nous avons retenu dix à titre indicatif.

        1. Première explication : les mécanismes de défense sont des formes de communication généralisées

La première explication table sur l’idée que les mécanismes de défense sont, d’après les membres du Collège invisible, des formes de communication, dites «communications généralisées processuelles» d’après Alex Mucchielli et Claire Noy466 puisqu’ils sont des comportements élaborés dans des contextes bien précis, d’où le qualificatif « processuel ». Il s’agit des comportements des hommes liés à leur culture constituant des ensembles significatifs, selon Yves Winkin467. Ils font partie de « l’agir communicationnel » des acteurs sociaux, d’après Jürgen Habermas468, puisqu’ils déterminent leur comportement face aux autres. Selon l’approche de Paul Watzlawick, Janet Beavin et Don D. Jackson469, on peut les considérer comme un ensemble du système comportemental véhiculant une communication. C’est ce qu’affirme donc la thèse sous-tendue par Edward T. Hall lorsqu’il conclut que « la culture est communication et la communication est culture » 470.

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        1. Deuxième explication : la communication interculturelle affecte les changements identitaires et l’ajustement psychologique

La deuxième explication tient du fait que la communication interculturelle affecte les changements identitaires et l’ajustement psychologique des acteurs sociaux, c’est ce qui les amène à produire des mécanismes de défense. Selon Richard Clément et ses collaborateurs471, différents facteurs semblent impliqués dans des interactions complexes, notamment : l’importance sociale de son propre groupe et des autres groupes présents, le support social reçu des membres de son propre groupe et des membres d’autres groupes, le stress et pression subies dans l’environnement où l’on vit.

        1. Troisième explication : la survivance de la structure ethnotribale dans les villes congolaises grâce à la communication interculturelle

La troisième explication s’appuie sur le fait que, dans les villes congolaises, d’après le groupe de chercheurs congolais472, on retrouve des survivances de la structure ethno-tribale dans le comportement quotidien des individus. Il en est ainsi dans l’usage des langues lors de diverses cérémonies (deuil, mariage, …). Dans le souci d’une plus grande sécurité psychologique et afin de ne pas être totalement dilués dans la masse urbaine, les ressortissants d’une tribu arrivent à se regrouper dans des associations et des mutuelles. Cette solidarité traditionnelle fait réapparaître des réflexes tribalistes dans maintes attitudes des Congolais qui sont une des formes des mécanismes de défense socioculturelle.

466MUCCHIELLI, A. et NOY, C., op.cit, pp. 117, 132-137

467WINKIN, Y. (dir.), op.cit, p. 23.

468HABERMAS, J., op.cit, pp. 1-332.

469WATZLAWICK, P. et alii, op.cit, p.45.

470HALL, E. T., op.cit, p. 219.

471CLEMENT, R. et alii, op.cit, p.71.

472MBELOLO, Y.M.J. (dir.), op.cit, p. 12.

En effet, dans la ville-province de Kinshasa, selon Philippe Ntonda Kileuka473, où évoluent de nombreuses entreprises et institutions, les survivances de la structure ethnotribale apparaissent surtout dans des cérémonies de deuil, de mariage, …, au cours desquelles la palabre est organisée. Dans ce cas, la langue y occupe évidemment une place importante. Elle est utilisée dans le cadre de la transmission d’un message en recourant notamment aux sentences, aux maximes, aux proverbes et aux contes. La palabre est dans ce cas un lieu d’expression privilégiée dans cette société.

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        1. Quatrième explication : les individus d’origines ethniques et culturelles différentes produisent les mécanismes de défense discriminatoires

La quatrième explication se fonde sur le fait que dans un contexte multiculturel, les individus d’origines culturelles et ethniques différentes produisent des « mécanismes discriminatoires » tel qu’observé dans le contexte congolais. Viviane Bidou-Houbaine474 a découvert, à ce sujet, trois groupes de mécanismes discriminatoires auprès des jeunes étudiants : la discrimination liée à la différence perceptible, visible ou saillante (déroutinisation ou perte de repères et codes habituels de communication), la discrimination liée à la position sociale (perception de l’autre comme un agent social distinct : agentisation) et la discrimination liée à l’appartenance communautaire (préjugé et stéréotype).

        1. Cinquième explication : la communication interculturelle est le site central d’une tension entre des mécanismes de domination et de résistance selon les contextes idéologiques

La cinquième explication se base sur la communication interculturelle construite comme le site central d’une tension entre des mécanismes de domination et de résistance selon les contextes idéologiques, laquelle réalité n’a pas épargné les Congolais enquêtés. L’appréhension des contenus idéologiques d’une culture se fait, d’après Mattelart et Erik Neveu475, par le saisi du contexte donné, en quoi les systèmes de valeurs, les représentations qu’elles recèlent œuvrent à stimuler des processus de résistance ou d’acceptation du monde social tel qu’il est vécu.

        1. Sixième explication : les médias contribuent à l’acceptation de la culture d’ailleurs

La sixième explication s’autorise sur le fait que les médias comme la télévision ont aussi contribué à l’acceptation des cultures d’ailleurs comme ce fut le cas de la majorité de provinces à l’intérieur du pays. Les autochtones copient les modes des Kinois à travers les médias, par

473NTONDA, K.P., op.cit, p. 42.

474BIDOU-HOUBAINE, V., op.cit, pp. 15-20.

475MATTELART, A. et NEVEU, A., op.cit, p. 11.

exemple les émissions télévisuelles de musique, de théâtre, etc. Ce qui vient confirmer l’importance que Raymond Williams476 accordait à la télévision comme un système de médias avec des effets sur les systèmes éducatifs et un système de communication sur le changement social.

        1. Septième explication : le débat sur la communication interculturelle genère des vocables contradictoires

La septième explication remonte au débat sur la communication interculturelle qui génère toujours des vocables contradictoires alimentant généreusement les médias, le discours politique et l’opinion publique. Paul-Marcel Lemaire477 en a épinglé quelques-uns qui transparaissent dans les résultats tirés de notre étude, notamment la question de l’identité culturelle ou la culture provinciale (ou ethnique), le tribalisme ou l’universalisme, le protectionnisme culturel (free flow of information en anglais).

        1. Huitième explication : la langue est le véhicule principal des mécanismes de défense dans la communication interculturelle

La huitième explication repose sur ceci que la langue constitue le véhicule principal de ces mécanismes, car elle est considérée par Fabienne Baily478 comme le « produit culturel » en tant qu’elle reflète les caractéristiques d’une société donnée, qu’elle permet de verbaliser les strates implicites de la culture et que c’est un moyen de découverte, un outil grâce auquel des individus se connaissent et rentrent progressivement dans le système de référence de l’autre.

A ce sujet, la R.D.C est l’un des pays les plus multilingues de toute l’Afrique, car il regorge de 221 langues, dont 186 langues appartiennent à la seule famille bantoue parlées par plus de 80 % de la population congolaise. Les autres langues sont représentées par la famille nilo-saharienne. Ce pluralisme linguistique exceptionnel comprend trois grandes composantes479 : les langues locales dites «ethniques », les langues dites nationales et la langue officielle (le français).

Par rapport aux langues ethniques, chaque ethnie dispose d’un dialecte qui est parlé par ses membres, donc autant d’ethnies dont nous disposons, c’est aussi autant d’ethnies que nous enregistrons. Les langues nationales sont le Kikongo, le Lingala, le Swahili et le Tshiluba. Elles bénéficient d’une plus large audience, d’un plus grand développement et d’une plus grande expansion au plan national grâce à l’administration, la justice, l’école, la presse et

476WILLIAMS, R., op.cit, pp. 1-362.

477LEMAIRE, P.-M., op.cit, pp. 585-590.

478BAILY, F., op.cit, p. 20.

l’évangélisation. Les quatre langues nationales découpent le pays en quatre grandes aires linguistiques480 :

– le Swahili est parlé comme langue seconde par environ neuf millions de locuteurs dans les régions de l’Est, notamment au Katanga et dans les Kivus, en passant par le Lualaba à l’Ouest et les Grands Lacs à l’Est (ainsi qu’au Kenya et en Tanzanie) ;

– le Lingala est la langue maternelle ou la langue seconde d’environ 8,5 millions de locuteurs dans la capitale (Kinshasa), dans les régions du Moyen-Congo, du Haut-Congo, et en République centrafricaine ;

– le Kikongo, avec ses deux millions de locuteurs, est utilisé principalement dans les régions du Bas-Congo et du Bandundu ainsi qu’en Angola ;

– le Tshiluba est pratiqué par environ six millions de locuteurs dans le Sud, particulièrement dans la région du Kasaï.

Le français est la langue officielle reconnue à l’Administration et à l’Enseignement dans toutes les provinces du pays.

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466 Mucchielli, A. et Noy, C., op.cit, pp. 117, 132-137.

467 Winkin, Y. (dir.), op.cit, p. 23.

468 Habermas, J., op.cit, pp. 1-332.

469 Watzlawick, P. et alii, op.cit, p.45.

470 Hall, E. T., op.cit, p. 219.

471 Clément, R. et alii, op.cit, p.71.

472 Mbelolo, Y.M.J. (dir.), op.cit, p. 12.

473 Ntonda, K.P., op.cit, p. 42.

474 Bidou-Houbaine, V., op.cit, pp. 15-20.

475 Mattelart, A. et Neveu, A., op.cit, p. 11.

476 Williams, R., op.cit, pp. 1-362.

477 Lemaire, P.-M., op.cit, pp. 585-590.

478 Baily, F., op.cit, p. 20.

479 Pluralisme linguistique exceptionnel.

480 Découpage du pays en quatre grandes aires linguistiques.


Questions Fréquemment Posées

Comment les mécanismes de défense influencent-ils la communication interculturelle au Congo ?

Les mécanismes de défense sont considérés comme des formes de communication généralisées, élaborées dans des contextes précis, qui déterminent le comportement des acteurs sociaux face aux autres.

Quels sont les impacts de la communication interculturelle sur l’identité au Congo ?

La communication interculturelle affecte les changements identitaires et l’ajustement psychologique des acteurs sociaux, ce qui les amène à produire des mécanismes de défense.

Comment la structure ethnotribale influence-t-elle la communication dans les villes congolaises ?

Dans les villes congolaises, la survivance de la structure ethnotribale se manifeste dans le comportement quotidien des individus, notamment lors de cérémonies, où la solidarité traditionnelle réapparaît sous forme de mécanismes de défense socioculturelle.

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