Les perspectives futures en communication congolaise révèlent des mécanismes de défense socioculturelle inattendus, transformant notre compréhension des dynamiques interculturelles. Cette recherche, alliant méthodologies qualitative et quantitative, offre des solutions cruciales pour naviguer dans un paysage communicationnel complexe et multiculturel.
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de la « remise en cause de l’autorité »
- Description de cas
- Communications généralisées et contextualités situationnelles de la « remise en cause de l’autorité »
Pour comprendre comment les acteurs sociaux congolais produisent la « remise en cause de l’autorité » dans un contexte multiculturel, les sujets enquêtés ont été appelés à tour de rôle à se prononcer sur le thème ci-après : « Les gens de votre province ont tendance à remettre en cause les informations fournies par des autorités qui ne sont pas les leur ».
Les données recueillies de ces échanges peuvent être résumées comme suit457 :
- Bandundu : Très souvent nous remettons en cause l’autorité des étrangers au profit de la nôtre, car il est bien clair que son propre frère ne peut pas mentir. Par exemple, lors des élections de 2006, un ancien ministre qui avait une mauvaise réputation a reçu néanmoins le soutien des autres ressortissants de sa contrée face à un candidat venant d’une autre province plus proche, parce que, disaient-ils, « voter pour un étranger c’est porter son choix sur un oiseau qui finira par s’envoler ».
- Bas-Congo : Souvent les Bakongo ne font pas confiance aux ressortissants d’autres provinces. Ceci s’illustre au dicton « kiaku kiaku kiangani kiangani » qui se traduit en français par « ton frère restera ton frère et l’étranger ne deviendra jamais ton frère ».
- Equateur : Très souvent nous refusons d’être dirigés par un étranger, car chez nous il est interdit à un étranger de faire la politique. Nous sommes réticents envers des dirigeants qui ne sont pas de notre province.
- Kasaï Occidental : Très souvent notre population a tendance à remettre en cause les informations fournies par un étranger (non autochtone). En 2009, les Luba avaient du mal à obéir au Gouverneur intérimaire de l’époque parce qu’il est Pende parmi le peuple soupçonné avoir plusieurs origines. Actuellement, le Secrétaire de l’UDPS est du Bas-Congo. Les partisans de chez nous ont du mal à respecter ses instructions, parce que disent-ils il n’est pas des leurs.
- Kasaï Oriental : la remise en cause de l’autorité qui n’est pas de sa province est une question nationale. Cette pratique se fait partout. Chez nous, nous refusons très souvent d’être dirigés par un étranger, surtout pas au gouvernorat.
- Katanga : Très souvent les Katangais aiment être dirigés par leurs frères. Ils refusent d’obéir à quelqu’un venu d’ailleurs. Dans les affaires, ils n’acceptent pas de travailler pour le compte des autres.
- Kinshasa : Il est vrai que souvent nous faisons plus confiance aux Kinois qu’à d’autres puisqu’ils sont bien informés et donnent des informations exactes surtout qu’ils maîtrisent mieux le Lingala que les étrangers. Un fois nous étions en discussion, ma petite sœur et moi, sur un sujet de dissertation et notre locataire, kasaien de son état, voulait me contredire et aussitôt je dis à ma petite sœur, il ne faut pas l’écouter, car c’est un villageois, il a des connaissances limitées.
- Maniema : Très souvent nous faisons confiance aux nôtres parce qu’ils ne peuvent pas mentir. Un chef qui est de notre contrée a le souci de notre province plus que d’autres. Par contre, nous remarquons que les Kinois ne s’aiment pas entre eux.
- Nord-Kivu : Rarement nous avons tendance à remettre en cause certaines informations provenant des nôtres. Les gens sont très ouverts aux potentialités des autres, c’est le cas de Konde Vila Ki kanda, un originaire du Bas-Congo, élu député national en compétition avec des candidats originaires comme Payi Payi et Mbusa Nwamuisi.
- Province Orientale : Très souvent les religieux kinois sont rejetés par les autochtones. En revanche, les prêtres locaux sont considérés comme des dieux. Nous avons la facilité de croire aux nôtres qu’à ceux venant d’ailleurs, la preuve a été donnée par le référendum de 2006 où les gens avaient voté en masse puisqu’ils ont cru aux messages d’encouragement des politiciens ressortissants de leur province.
- Sud-Kivu : Très souvent nous aimons plus être dirigés par un autochtone qu’un étranger. L’autochtone se soucie de son peuple et prend soin de lui. Tandis que l’étranger avec ses propres objectifs et ambitions va nous égarer de notre culture. Dans n’importe quel domaine de la vie, l’étranger peut être un adjoint mais pas un titulaire du poste.
Toutes ces données sont analysées en termes d’éléments communicationnels (généralisés et contextuels) dans le paragraphe qui suit en fonction de « tableau panoramique de dépouillement » (voir le tableau n°08) et de la « grille d’analyse » (voir tableau n°09).
- Analyse des éléments communicationnels (généralisés et contextuels)
Il est question ici de dégager les éléments de la communication généralisée et de la contextualité situationnelle à partir des discours (réactions) des sujets enquêtés décrits ci-haut. Le tableau panoramique n°30 résume les éléments de cette analyse.
Tableau n°30 : Tableau panoramique de remise en cause de l’autorité
Tableau n°30 : Tableau panoramique de remise en cause de l’autorité | |
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Province | Tendance à remettre en cause l’autorité |
Bandundu | Très souvent |
Bas-Congo | Souvent |
Equateur | Très souvent |
Kasaï Occidental | Très souvent |
Kasaï Oriental | Très souvent |
Katanga | Très souvent |
Kinshasa | Souvent |
Maniema | Très souvent |
Nord-Kivu | Rarement |
Province Orientale | Très souvent |
Sud-Kivu | Très souvent |
Le tableau n°30 nous permet de constater que :
- dix provinces pratiquent la « remise en cause de l’autorité » (soit 91 %), il s’agit de : Bandundu, Bas-Congo, Equateur, Kasaï Occidental, Kasaï Oriental, Katanga, Maniema, Province Orientale et Sud-Kivu. Ces provinces développent des valeurs négatives à l’égard d’autres culturels, comme le sentiment de rejet, de méfiance et la tendance égocentrique
- une seule province ne pratique pas ce mécanisme (soit 9 %), il s’agit du Nord-Kivu. Les originaires de cette province développent des valeurs positives à l’égard des autres culturels, notamment le sentiment d’acceptation, la confiance et l’altruisme.
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457 Données recueillies lors des entretiens avec les étudiants des premières années de graduat (A et B) de l’IFASIC, du 09 au 30 avril 2013. ↑
Questions Fréquemment Posées
Pourquoi les Congolais remettent-ils en cause l’autorité des étrangers ?
Les Congolais remettent souvent en cause l’autorité des étrangers au profit de la leur, car ils estiment que leur propre frère ne peut pas mentir.
Comment la remise en cause de l’autorité se manifeste-t-elle dans différentes provinces congolaises ?
Dans plusieurs provinces, comme le Bandundu et le Kasaï Occidental, les populations remettent en cause les informations fournies par des autorités qui ne sont pas de leur province.
Quelle est l’attitude des Katangais envers les dirigeants étrangers ?
Les Katangais aiment être dirigés par leurs frères et refusent souvent d’obéir à quelqu’un venu d’ailleurs.