Comment l’analyse comparative révèle les mécanismes de défense en communication interculturelle?

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🏫 Institut Facultaire des Sciences de l'Information et de la Communication - Département du 3ème Cycle
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) - 2014
🎓 Auteur·trice·s
PATA KIANTWADI David
PATA KIANTWADI David

L’analyse comparative de la communication révèle des mécanismes de défense inattendus dans le contexte congolais. Cette recherche innovante, alliant psychologie interculturelle et méthodologies mixtes, offre un cadre théorique essentiel pour comprendre les dynamiques de la communication interculturelle.


Chapitre III : CADRE PSYCHOLOGIQUE DE LA COMMUNICATION INTERCULTURELLE

Il est question dans ce chapitre de traiter tour à tour des questions relatives à la nécessité du cadre théorique de notre étude et de décrire les deux théories servant de soubassement à l’étude des phénomènes psychologiques de la communication interculturelle (mécanismes de défense) : la psychologie interculturelle et le constructivisme.

Section 1 :

Nécessité du cadre psychologique dans l’étude de la communication interculturelle

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il sied de signaler que les conclusions tirées de deux chapitres précédents nous laissent transparaître essentiellement un présupposé-clé à propos de la communication interculturelle. Lors des contacts interculturels, les acteurs sociaux sont soumis permanemment à des « processus communicationnels de contextualisation ou communications généralisées processuelles »313 appelés aussi « processus psychologiques de création du sens »314 ou « processus primaires de la pensée »315.

Ces processus permettent aux acteurs, non seulement de construire les sens des contextes dans lesquels les échanges sont effectués, mais aussi de construire leurs identités et des relations par la production de certains phénomènes psychosociaux spécifiques comme les « mécanismes de défense ». Ces mécanismes leur permettent d’assurer l’intégrité et l’identité culturelle durant la cohabitation avec les autres culturels.

Vouloir fournir des explications à un tel principe impose, entre autres, le choix de la théorie psychologique interculturelle, d’une part et du constructivisme, d’autre part. La psychologique interculturelle, puisque les phénomènes à étudier sont des « construits, constructs en anglais », fruits des psychés dans la communication interculturelle ; le Paradigme constructiviste, comme les phénomènes sous examen sont des constructs, la démarche à utiliser pour leur découverte nécessite également un processus constructiviste scientifique.

Ce paradigme nous amènera à mettre en place un cadre de référence théorique, dit modèle de recherche, qui nous servira de cadre de compréhension et d’interprétation des phénomènes sous examen. Il s’agit donc, dans ce troisième chapitre, d’examiner ces deux paradigmes et la modélisation du cadre de référence théorique de notre recherche.

Section 2 :

Psychologie interculturelle

Il s’agit dans ce paragraphe d’examiner le fondement scientifique du paradigme psychologique dans l’étude des processus psychiques de la communication interculturelle et de décrire quelques-uns de ces processus. Ces processus permettent à l’acteur social de construire du sens, c’est-à-dire de trouver des significations des contextes dans lesquels les échanges sont effectués.

    1. Fondement scientifique de l’approche « psychologie interculturelle »

Depuis Gustav Theodor Fechner316 et Wilhelm Wundt317 en Allemagne, William James318 aux USA, Théodule Ribot319 et Daniel Lagache320 en France jusqu’à ce jour, la psychologie scientifique a largement été admise et soutenue dans les différents domaines et secteurs de la vie. Dans les termes de Bruno Latour321, on peut dire que la psychologie a gagné une grande force de mobilisation, car elle circule et est admise comme « vraie » dans de longs réseaux d’alliés humains (alliés scientifiques, politiques, économiques, sociaux) et non humains (énoncés, croyances, institutions, etc.).

Dans son application, elle a fait émerger plusieurs disciplines, notamment la psychologie sociale ou psychosociologie au sens de Jean Maisonneuve322, la psychologie cognitive, la psychologie du travail, la psychologie des organisations, la psychologie politique, …

Mais l’intensification des contacts entre cultures, due notamment au phénomène de l’immigration, à l’engagement des personnes selon leurs compétences peu importe leur origine culturelle dans les organisations modernes, au tourisme et aux autres occasions de rencontre comme par exemple les colloques scientifiques, les réunions internationales, a amené des psychologues à réfléchir sur un nouveau modèle d’étude du comportement humain. Car, « la rencontre interculturelle nous interroge sur notre propre identité et le sentiment de valeur que nous attachons, elle remet en question notre vision du monde que nous avons tendance à considérer comme étant la seule possible »323.

Cette réflexion avait été influencée par la vague du courant américain contemporain dénommée «constructionnisme social » 324.

Ce courant, selon l’analyse critique de Hélène Martin325, a opéré un changement radical d’objet et de procédures par rapport à la psychologie traditionnelle, qu’elle soit d’obédience plutôt behavioriste ou cognitiviste. Il reproche à la psychologie de considérer l’individu comme fermé sur une psyché individuelle, voire de le résumer à son cerveau, de l’envisager comme spectateur de processus sur lesquels il n’aurait pas de contrôle et réagissant aux stimuli d’un environnement extérieur stable et déjà donné.

Selon ce courant, les individus, avant tout actifs et en relation, produisent la réalité à travers leur pratiques, le sens qu’ils donnent à ces dernières et leur capacité d’utiliser et de manipuler des règles collectivement construites plutôt qu’ils traitent l’information. Rom Harré326, par exemple, note que les situations que vivent les acteurs et les discours qu’ils tiennent sont construits par et entre eux dans des espaces d’interactions.

Pour cet auteur, les réalités sociales sont relativement polysémiques et les situations d’interaction forment ce qu’il appelle des « textures ouvertes » aux interprétations, aux négociations et aux autres actions possibles.

Selon ce courant, la psychologie doit s’intéresser aux pratiques des acteurs et aux significations qu’ils leur donnent. Ceci se trouve dans les pensées de Jérôme Seymour Bruner327 et John Shotter328. Pour le premier auteur, le concept fondamental de la psychologie ne doit plus être le comportement mais la signification ainsi que les processus et transactions qui concourent à sa construction. Tandis que pour le second, la psychologie doit étudier non pas les dynamiques propres d’une psyché individuelle ou les caractéristiques déjà déterminées d’un monde externe, mais les activités de communication se passant entre les gens dans le cours du temps et dans la vie quotidienne.

Ces pensées constituent donc des fondamentaux de la naissance du paradigme de psychologie interculturelle surtout avec des travaux de recherche menés en psychologie sociale dans divers domaines pratiques (scolaire, psychiatrique, professionnel, …). Cette approche du comportement permet de mieux comprendre la dynamique complexe qui se joue dans la rencontre interculturelle. Parmi les psychologues qui ont concouru à l’émergence de cette approche, nous pouvons citer à titre illustratif : Pierre R. Dasen, John W. Berry, Ype H. Poortinga, Marshal H. Segall, Tania Ogay, Yvan Leanza, Nilima Changkakoti et Hélène Martin.

Pour Pierre R. Dasen329, l’approche « la plus fructueuse » est l’approche «comparative interculturelle, qui recherche à la fois ce qui est commun (voire universel) et ce qui est différent ». De leur côté, John W. Berry, Ype H. Poortinga, Marshal H. Segall et Pierre R. Dasen330 considèrent la psychologie interculturelle comparative comme l’étude des ressemblances et des différences des fonctions psychologiques individuelles dans différents groupes ethniques et culturels ; des relations entre des variables psychologiques et des variables socioculturelles, écologiques et biologiques ; des modifications qui os’opèrent dans ces variables. Cette approche affirme que sur la base des processus psychologiques fondamentaux s’exprime une diversité de représentations et de comportements humains, car la culture encourage une opportunité de développer et d’exprimer ces processus de manières très variables.

Selon Tania Ogay, Yvan Leanza, Nilima Changkakoti et Pierre R. Dasen331, la psychologie interculturelle étudie toujours « les processus psychologiques dans leur contexte culturel. Elle permet de prendre du recul par rapport à une psychologie ethnocentrique, élaborée uniquement dans un contexte occidental. De ce fait, elle est essentiellement interdisciplinaire et en appelle à d’autres disciplines des sciences sociales qui permettent de faire le lien entre des variables au niveau de la société (ou groupes sociaux) et les caractéristiques de l’individu.

A ce sujet, Pierre R. Dasen332 retient trois types de recherches (approches) qui peuvent être menées en psychologie interculturelle. Il s’agit de :

  • l’étude d’un phénomène à l’intérieur d’une seule aire culturelle, portant en particulier sur l’influence de la culture sur celui-ci, ou des interactions entre le phénomène en question et la culture ;
  • l’étude comparative d’un phénomène dans plusieurs cultures ;
  • l’étude des processus mis en jeu par la rencontre de personnes d’origines culturelles différentes, ou se réclamant de deux ou de plusieurs cultures dans une situation d’échange.

Le premier type est parfois appelé « psychologie culturelle » et correspond à une prise de position relativiste qui exclut ou cherche à éviter les comparaisons. Le second appelé parfois « ethnopsychologie » considère que la méthode comparative est essentielle si l’on cherche à construire une psychologie qui ne soit pas monoculturelle et donc probablement ethnocentrique. Le troisième, appelé parfois « psychologie du contact des cultures », cherche à comparer les différents contextes culturels pour démontrer en quoi les processus psychologiques mis en œuvre sont universels ou sont, au contraire, liés à des contextes (sociaux, économiques, politiques) particuliers.

En ce qui nous concerne, c’est le dernier type qui nous intéresse particulièrement dans la mesure où il rencontre l’objet d’étude de la communication interculturelle décrit précédemment par certains chercheurs des SIC dont Claude Clanet. Cet auteur postule que la communication interculturelle devrait rechercher «l’ensemble des processus – psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels, etc. – générés par les interactions de culture, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle entre les partenaires en relation » 333.

Il vient d’être démontré avec la nouvelle approche d’étude du comportement humain, psychologie interculturelle, que les acteurs sociaux produisent la réalité à travers leurs pratiques, le sens qu’ils donnent à ces dernières et leur capacité d’utiliser et de manipuler des règles collectivement construites. Ils construisent par et entre eux dans des espaces d’interaction pour former des « textures ouvertes » (cadre d’interprétations et de négociations). Ces constructions sont coordonnées par des processus spécifiques. Le paragraphe qui suit présente quelques-uns de ces processus.

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313 MUCCHIELLI, A. et NOY, C., op.cit, p. 118.

314 MEUNIER, J.-P. et PERAYA, D., Introduction aux théories de la communication : analyse sémio-pragmatique de la communication médiatique, Bruxelles, De Boeck, 1993, p. 227.

315 MUCCHIELLI, A., Les sciences de l’information et de la communication, Paris, 3e éd. Hachette, 2001, p. 104.

316 FECHNER, G.T., Elemente der psychophysik, Leipzig, Breitkof, 1860. pp. 1-30.

317 WUNDT, W., Grundzüge der physiologischen Psychologie, Leipzig, Engelmann, 1874, pp. 1-870.

318 JAMES, W., The Principles of Psychology, vol. 2, New York, Dover Publications, 1950, pp. 1-702.

319 RIBOT, T., L’hérédité : étude psychologique sur ses phénomènes, ses lois, ses causes, ses conséquences, Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1873, pp. 1-583.

320 LAGACHE, D., L’unité de la psychologie, Paris, 6ème édition PUF, 1983, pp. 1-71.

321 LATOUR, B., « Les « vues » de l’esprit. Une introduction à l’anthropologie des sciences et techniques », in Cultures et techniques, n°14, 1985, pp. 4-30.

322 MAISONNEUVE, J., Introduction à la Psychologie sociale, Paris, Le Psychologue, 2006, pp. 1-50.

323 OGAY, T. et alii, op.cit, p. 44.

324 La dénomination « constructionnisme » permet de distinguer lexicalement cette perspective contemporaine et ses spécificités du constructivisme, une « position théorique qui considère le développement, qu’il soit biologique, psychologique ou social comme la construction d’organisations données d’une relative stabilité qui se succèdent dans le temps » et dont le plus célèbre représentant est Piaget. Tiré de BLOCH, H. (dir.), Grand dictionnaire de la psychologie, Paris, Larousse, 1994, p. 168.

325 MARTIN, H., « Perspective sur la psychologie interculturelle comparative », in DASEN, P. R. PERREGAUX, C. (Edits.), Pourquoi des approches interculturelles en sciences de l’éducation ?, Bruxelles, De Boeck, vol. 3, 2000, pp. 89-90.

326 HARRE, R, « Discursive psychology », in SMITH, J.A, & alii (Edits), Rethinking psychology, London, Sage Publications, 1995, pp. 143-159.

327 BRUNER, J. S., « The Narrative Construction of Reality », in Critical Inquiry, vol. 18, n°1, 1991, pp. 1-21.

328 SHOTTER, J., « Dialogical psychology », in SMITH, J.A. & alii (Eds), Rethinking psychology, London, Sage, 1995, pp.160-178.

329 DASEN, P. R., « Fondements scientifiques d’une pédagogie interculturelle », in GHIONDA, A.C. (Ed.), Multikultur und Bildung in Europa, Berne, Huber, 1994, p. 286.

330 BERRY, J. W et alii, Crosscultural psychology: Research and applications, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 2.

331 OGAY, T. et alii, op.cit, pp. 36-37.

332 DASEN, P.R., op.cit, 2000, p. 11.

333 CLANET, C., « L’ensemble des processus – psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels, etc. – générés par les interactions de culture, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle entre les partenaires en relation ».


Questions Fréquemment Posées

Quels sont les mécanismes de défense en communication interculturelle?

Les mécanismes de défense permettent aux acteurs d’assurer l’intégrité et l’identité culturelle durant la cohabitation avec les autres culturels.

Pourquoi est-il nécessaire d’avoir un cadre psychologique dans l’étude de la communication interculturelle?

Le cadre psychologique est nécessaire pour comprendre les processus communicationnels de contextualisation et les mécanismes de défense qui émergent lors des contacts interculturels.

Quelles théories soutiennent l’étude des phénomènes psychologiques en communication interculturelle?

L’étude s’appuie sur la psychologie interculturelle et le constructivisme comme théories fondamentales pour examiner les phénomènes psychologiques de la communication interculturelle.

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