Les stratégies d’implémentation interculturelle révèlent des mécanismes de défense insoupçonnés dans la communication congolaise. Cette recherche innovante, alliant psychologie et méthodologie, offre des perspectives essentielles pour comprendre les dynamiques interculturelles contemporaines, avec des implications critiques pour le dialogue culturel.
- Interculturalité, un ensemble des processus générés par les interactions des cultures Pour Michel Sauquet, Martin Vielajus et Juliette Decoster 193, l’interculturalité désigne la
réalité des relations entre les cultures.
Michel Cullin194 pense que le concept d’interculturalité est important, car il suppose la connaissance de l’autre et le dialogue. Mais il peut mener aussi dans sa dérive extrémiste à l’assimilation forcée, on sait ce que cela signifie dans les héritages de la période coloniale.
De son côté, Claude Clanet195 voit dans l’interculturalité un ensemble de processus psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels, etc., générés par les interactions des cultures, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle entre les partenaires en relation.
Une autre dimension de l’interculturalité est la transculturalité, qui « implique la prise en compte ou la conscience de la double culture. Certains pensent que c’est un mythe »196. Mais si nous réfléchissons sur nos cultures africaines en général et congolaises en particulier, elles ont toujours été l’objet d’un processus de métissage permanent. Il n’y a pas d’identité nationale au sens barrésien ou maurrassien.
Par là, nous pouvons donc comprendre que l’interculturalité n’est pas une idéologie, ni une mode. Elle n’est pas non plus une troisième culture. C’est une perspective pour comprendre la dynamique culturelle à travers les espaces et les temps de l’interaction entre
192FORESTAL, « La démarche transculturelle en Didactique des Langues-Cultures : une démarche discutable… et/ou qui mérite d’être discutée », in Synergies, n°6, 2009 pp. 59-75.
193SAUQUET, M. et alii, op.cit, p. 4.
194CULLIN, M., « Travail de mémoire et communication interculturelle », p.1, document téléchargé le 18 mai 2010, URL : www.oefz.at/cms/index.php
195CLANET, C., L’interculturel. Introduction aux approches interculturelles en Éducation et en Sciences Humaines, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1993, p. 21.
196CULLIN, M., op.cit, p. 2.
personnes. Le problème de base de l’interculturel serait, selon Nestor Garcia Canclini197, la manière de rendre commensurable et faire cohabiter ce qui rentre avec ce qui ne rentre pas dans la configuration culturelle de chacun.
Avant de boucler ce paragraphe, il est tout de même intéressant d’évoquer la notion de multiculturalisme, un concept qui est chaque fois cité lorsqu’on parle de l’interculturel. A ce sujet, Noël Equilbey198 fait remarquer que la notion d’interculturel se différencie de celle de multiculturel ou pluriculturel qui correspond simplement à la juxtaposition de cultures dans un contexte donné. Le paragraphe qui suit en donne les détails.
Avant de conclure ce paragraphe, il nous paraît utile d’établir la différence entre les trois concepts : le multiculturalisme, l’interculturel et l’interculturalité. Le multiculturalisme est une des politiques possibles pour gérer la diversité et que dans une société coexistent des cultures diverses qui néanmoins finalement doivent se subordonner à une culture dominante. L’interculturel, en revanche, essaie d’aller au-delà des limites du multiculturalisme, en ajoutant aux deux principes de base (égalité de droits et respect de la différence) une dimension dont le multiculturalisme ne tient pas compte : l’interaction intense qui a toujours existé et existe encore entre cultures. Les deux réalités traduisent la situation d’interculturalité d’un milieu donné. Le tableau n°01 nous résume l’essentiel de ce sujet.
Tableau n° 01 : Parallélisme entre le multiculturalisme, l’interculturel et l’interculturalité199
Concepts développés | |||
Multiculturalisme | Interculturel | Interculturalité | |
Eléments différenciateurs | Coexistence de diverses cultures dans un même espace réel, médiatique ou virtuel (diversité culturelle) | Dynamique qui se produit entre les identités culturelles différenciées | Perspective pour comprendre la dynamique culturelle à travers les espaces et les temps |
Réalité statique | Réalité dynamique | Réalité statique et dynamique |
De ce qui précède, nous affirmons que les trois réalités s’observent dans la société congolaise, car elle est composée d’identités ethniques diverses, plusieurs centaines, dont chacune à sa culture (réalité multiculturelle) et que la cohabitation de leur culture crée une certaine dynamique qui est très perceptible à Kinshasa, la capitale, et dans d’autres villes du pays (réalité interculturelle). Les deux réalités traduisent la situation d’interculturalité de notre pays (diversité et dynamique interculturelles).
197CANCLINI, N.G., La globalizacion imaginada, Barcelona, Paidos, 1999, p. 223.
198EQUILBEY, N. cité par BULL, A. et alii, op.cit, p.46.
199Tableau construit à partir des notions développées par Rodrigo, M.A. (1997), Pierre, P. (2010), Vertovec, S. (1996), Lamo d’Espinosa, E. (1995) et Kymlicka, W. (1996).
Section 4:
Opérationnalisation du concept « communication interculturelle »
Avant de passer à l’opérationnalisation de notre macro-concept, la communication interculturelle, il est nécessaire de rappeler que les concepts sont polysémiques selon les domaines et les auteurs. Pour contourner cette difficulté en ce qui concerne notre macro-concept, nous nous alignons à Malika Lemdani200, dont on peut retenir l’idée essentielle : « la communication interculturelle est une intercommunication chargée d’interculturalité ».
Cette conception a été déjà évoquée en 1984 par Edward Twitchel Hall201 lorsqu’il déclaré que «la culture est communication et la communication est culture », et en 1987 par Paul-Marcel Lemaire202 quand il estime que la communication interculturelle est un terrain où les termes de culture et de communication se prêtent au débat et à la passion.
De ce point de vue, on peut retenir deux dimensions de la communication interculturelle en rapport avec l’objet de notre étude : la communication dite « dimension communicative » et l’interculturalité, dite
« dimension interculturelle ».
Pour la première dimension, la communication, nous avons retenu trois composantes : – la communication interpersonnelle avec trois sous-composantes (la communication verbale, la communication verbale et les interactions), – la communication généralisée avec quatre sous-composantes (l’attitude, la conduite, le langage verbal et le rituel d’interaction), – la contextualité situationnelle avec quatre sous-composantes (la norme, l’enjeu, le positionnement et la relation avec les autres).
La deuxième dimension, l’interculturalité, comporte deux composantes : – le multiculturalisme avec une seule sous-composante (la diversité culturelle) et – la dynamique interculturelle avec trois sous-composantes (l’assimilation culturelle, la ségrégation culturelle et le syncrétisme culturel).
Ainsi, chaque sous-composante est définie par des indicateurs spécifiques. Le tableau n°02 résume l’essentiel de ces informations en termes de dimensions, composantes, sous-composantes et indicateurs.
200LEMDANI, M., op.cit, p. 3.
201HALL, E. T., op.cit, 1984, p. 219.
202LEMAIRE, P.-M., op.cit, pp. 585-590.
Tableau no02 : Dimensions, composantes, sous-composantes et indicateurs du concept
« communication interculturelle»203
Concept | Dimension | Composante | Sous-composante | Indicateurs |
Communication interculturelle | Communication | Communication interpersonnelle ou inter-groupale | Communication verbale | Paroles |
Ecrits | ||||
Communication non verbale | Paralangages | |||
Interaction | Relations, réciprocités, échanges, liens, souci des autres | |||
Communication généralisée | Attitude | Tendance à vouloir interpréter, tendance à porter un jugement sur l’autre (évaluation), tendance à porter de l’aide (soutien), tendance à remettre en cause les informations recues (questionnement), tendance à comprendre les autres (compréhension) et tendance à suggérer des idées (suggestion) | ||
Conduite | Images issues de représentation des autres culturels, intentions visées et motivation | |||
Langage | Messages transmis et reçus | |||
Rituel d’interaction | Sociabilité, respect des autres et protection de soi | |||
Contextualité situationnelle | Norme | Pratiques culturelles, règles et habitudes | ||
Enjeu | Objectifs visés | |||
Positionnement | Distance sociale (forte ou faible) | |||
Relation avec les autres culturels | Acceptation ou rejet des autres | |||
Interculturalité | Multiculturalisme | Diversité culturelle | Cultures, langues, aire culturelle (réelle, médiatique et virtuelle) | |
Dynamique interculturelle | Assimilation culturelle | sentiment de domination ou d’assujettissement | ||
Ségrégation culturelle | Séparatisme, discrimination sociale et rejet | |||
Syncrétisme ou Métissage culturel | Sentiment de vivre ensemble, attractions sociales |
Il ressort de ce tableau cinq composantes qui définissent la « communication interculturelle » : la communication interpersonnelle, la communication généralisée, la contextualité situationnelle, le multiculturalisme et la dynamique interculturelle. Etant donné que notre étude est abordée selon l’approche psychologique (interculturelle et constructiviste)
avec comme objet « les mécanismes de défense socioculturelle », les produits des interactions interpersonnelles (aspect de la psychosociologie) ou des interactions interculturelles (aspect de l’anthropologie), nous allons nous intéresser seulement aux deux dimensions au niveau de l’exploitation des données empiriques, la communication généralisée et la contextualité situationnelle, qui sont des modes d’expression de ces mécanismes.
Section 5:
Conclusion partielle du premier chapitre
Nous venons d’examiner dans ce premier chapitre les contours de la communication interculturelle. Nous pouvons retenir à ce sujet que cette forme de communication est pratiquée par chaque individu, cette dynamique relationnelle constitue une caractéristique de la vie en société et elle détermine nos comportements. Dans cette relation, chacun apporte ce qu’il a enregistré durant toute sa vie dans différents endroits où il a évolué (famille, école, entreprise, église, village et ville, …). Ici, l’homme est conçu comme le fruit interculturel, et par conséquent les échanges qu’il entretient avec les autres sont chargés d’interculturalité. Ainsi, plusieurs facteurs détermineraient la nature de cette interculturalité. Le chapitre qui suit tente d’examiner ces facteurs ainsi que les mécanismes de défense qui en résultent.
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193 SAUQUET, M. et alii, op.cit, p. 4. ↑
194 CULLIN, M., « Travail de mémoire et communication interculturelle », p.1, document téléchargé le 18 mai 2010, URL : www.oefz.at/cms/index.php ↑
195 CLANET, C., L’interculturel. Introduction aux approches interculturelles en Éducation et en Sciences Humaines, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1993, p. 21. ↑
196 CULLIN, M., op.cit, p. 2. ↑
197 CANCLINI, N.G., La globalizacion imaginada, Barcelona, Paidos, 1999, p. 223. ↑
198 EQUILBEY, N. cité par BULL, A. et alii, op.cit, p.46. ↑
199 Tableau construit à partir des notions développées par Rodrigo, M.A. (1997), Pierre, P. (2010), Vertovec, S. (1996), Lamo d’Espinosa, E. (1995) et Kymlicka, W. (1996). ↑
200 LEMDANI, M., op.cit, p. 3. ↑
201 HALL, E. T., op.cit, 1984, p. 219. ↑
202 LEMAIRE, P.-M., op.cit, pp. 585-590. ↑
203 « communication interculturelle» ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que l’interculturalité dans le contexte congolais ?
L’interculturalité désigne la réalité des relations entre les cultures, engendrée par les interactions culturelles et impliquant un rapport d’échanges réciproques.
Quelle est la différence entre multiculturalisme et interculturalité ?
Le multiculturalisme correspond à la coexistence de diverses cultures dans un même espace, tandis que l’interculturalité va au-delà en intégrant l’interaction intense entre ces cultures.
Comment les stratégies d’implémentation influencent-elles la communication interculturelle au Congo ?
Les stratégies d’implémentation transforment la communication interculturelle en permettant une meilleure compréhension et un dialogue entre les cultures, tout en préservant les identités culturelles.