L’analyse de cas en communication interculturelle révèle des mécanismes de défense insoupçonnés dans le contexte congolais. En combinant approches qualitatives et quantitatives, cette recherche offre des perspectives novatrices sur l’ajustement psychologique et l’identité culturelle, essentielles pour comprendre les interactions multiculturelles.
Cette deuxième vague d’études, la communication interculturelle, s’attache à poursuivre une meilleure compréhension des phénomènes (ajustement psychologique, construction et changement identitaire, intégration, ….) qui surviennent lors de la rencontre entre plusieurs personnes d’origine ethnique et culturelle différente. L’apparition de ces phénomènes est déterminée par de nombreux facteurs, dont certains sont liés à l’individu (âge, attitude, nationalité, origine ethnique, personnalité et sexe) et d’autres à l’environnement (province, ville, …).
Toutefois, comme nous pouvons le remarquer, l’ensemble de ces travaux donne une image différenciée mais cohérente de Cultural Studies sur l’influence de la culture dans le processus de la communication humaine. Que ce soit dans le processus de la production ou de la réception des biens culturels (1er courant–communication de masse) ou dans la construction des identités culturelles lors de la confrontation entre des personnes d’origines culturelles et ethniques différentes dans un cadre social donné (2nd courant- communication interculturelle), option choisie dans cette étude, les
acteurs sociaux sont soumis permanemment dans un processus communicationnel de contextualisation leur permettant, non seulement de construire les sens, les identités et les relations, mais aussi de produire des phénomènes psychologiques spécifiques comme les « mécanismes de défense » pour assurer leur intégrité et l’identité culturelle.
Ces courants ont largement inspiré des études de terrain dans les sociétés occidentales, surtout avec la problématique des immigrations. Mais, en Afrique, en général, et en RDC, en particulier, où se posent de nombreux problèmes liés à la gestion de la diversité ethnique et culturelle (conflits sociaux, guerres, instabilité sociale, …), cette problématique suscite, à notre connaissance, peu d’intérêt dans les milieux scientifiques, sauf quelques tentatives de réflexion précitées, notamment avec le Groupe de chercheurs de l’IFASIC, lesquelles sont plus ethnographiques que psychologiques. Pourtant, l’étude de ces phénomènes nécessite aussi une
« approche psychologique interculturelle »60 avec l’appui du « constructivisme scientifique »61.
60 Approche interculturelle défendue par Rom Harre (1995), Jérôme Seymour Bruner (1991), John W. Berry, Ype H. Poortinga, Marshal H. Segall et Pierre R. Dasen (1992), Pierre R. Dasen (1994 ; 2000), John Shotter (1995), Tania Ogay (2000) et Hélène Martin (2000). ↑
61 Approche constructiviste défendue par Jean Piaget (1936), Lev S. Vygotski (1985), Peter L. Berger et Thomas Luckmann (1966), Jean Poupart (1981), Egan G. Guba et Yvonna S. Lincoln (1994), Thmos A. Schwandts (1994) et Alex Mucchielli (2005). ↑
Cette approche examine les processus psychologiques impliqués dans la communication selon le contexte culturel sous trois modalités62. La première modalité est l’étude d’un phénomène à l’intérieur d’une seule aire culturelle, portant en particulier sur l’influence de la culture sur celui-ci, ou des interactions entre le phénomène en question et la culture. La deuxième modalité est l’étude comparative d’un phénomène dans plusieurs cultures. La troisième modalité, c’est l’étude des processus mis en jeu par la rencontre de personnes d’origines culturelles différentes ou se réclamant de deux ou de plusieurs cultures dans une situation d’échange.
Il convient de signaler que de toutes les trois modalités la dernière nous intéresse particulièrement dans la mesure où elle met en évidence les processus de communication interculturelle. Les processus étant des aspects latents ou cachés (structure psychique) nécessitant une « étude structurale » pour leur découverte, il s’impose à nous d’en étudier les manifestations. Ces manifestations appelées « mécanismes (réactions) de défense » sont des phénomènes émergeants de la « communication » au sens de postulats défendus par des chercheurs en sciences de l’information et de la communication, notamment :
- Alex Mucchielli et Claire Noy63 quand ils parlent de « communications généralisées
processuelles » ;
- Les membres du Collège invisible64 qui postulent que la « recherche sur la communication entre les hommes ne commence qu’à partir du moment où est posée la question : parmi les milliers de comportements corporellement possibles, quels sont ceux retenus par la culture pour constituer des ensembles significatifs » ;
- Paul Watzlawick, Janet Beavin et Don D. Jackson65 pour lesquels la communication est
l’ensemble du système comportemental, c’est-à-dire toute utilisation des codes du comportement ; ceci soutient l’un des axiomes fondamentaux du Collège invisible : on ne peut pas ne pas communiquer ;
- Jürgen Habermas66 lorsqu’il parle de « l’agir communicationnel, c’est-à-dire la
communication généralisée recouvre l’activité orientée vers le succès et l’activité orientée vers l’intercompréhension » ;
- Harold Garfinkel67 quand il parle de codes de communication et de normes
comportementales implicites que le membre de la société utilise comme schèmes d’interprétation pour comprendre les apparences réelles en tant qu’apparences d’événements familiers.
62 DASEN, P.R., « L’ethnocentrisme de la Psychologie » in REY, M., Psychologie clinique et interrogations interculturelles, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 11 ↑
63 MUCCHIELLI, A. et NOY, C., Etude des communications : Approches constructivistes, Paris, Armand Colin, 2005, pp. 117, 132-137. ↑
64 WINKIN, Y. (dir.), La Nouvelle Communication, Paris, Seuil, 1981, p. 23. ↑
65 WATZLAWICK, P. et alii, Une logique de la communication, Paris, Seuil, 1972, p.45. ↑
66 HABERMAS, J., Théorie de l’agir communicationnel, tome 2, Paris, Fayard, 1987, pp. 1-332. ↑
67 GARFINKEL, H., « Le socle routinier des activités ordinaires », in Recherches en ethnométhodologie, Paris, PUF, 2007, p 101. ↑
De ces cinq repères scientifiques, nous nous optons pour celui d’Alex Mucchielli et Claire parce non seulement il reprend les codes de communication comportementale cités par les autres scientifiques, mais aussi il évoque l’idée de processus de leur contextualisation.
Margot Phaneuf68 affirme que certains mécanismes de défense ont une fonction plutôt adaptative, ils sont alors identifiés comme des mécanismes « matures ». Ils sont utilisés par des personnes bien portantes, dans des situations normales, alors que d’autres, à vocation plus strictement défensive, sont qualifiés « d’immatures » et sont caractéristiques de niveaux plus élevés de détresse.
En revanche, certains sont efficaces à contrôler l’anxiété et à préserver la personne de la souffrance et du mal-être, mais d’autres demeurent insuffisants et doivent alors être utilisés de manière répétitive et même compulsive. Ils deviennent alors nuisibles. Lorsqu’ils aident la personne à s’adapter à des situations difficiles, à tolérer un contexte pénible, ils sont bénéfiques.
Mais lorsqu’ils obnubilent le champ de la conscience, coupent la personne de la réalité, nuisent à son fonctionnement et à ses relations humaines, ils sont alors pernicieux.
Il convient d’indiquer qu’il n’y a pas de consensus quant au nombre de mécanismes de défense existants, car ce nombre est très variable selon les auteurs. L’affirmation de Roy Schafer69 est toujours actuelle : « Il ne peut y avoir de listes « exactes » ou « complètes » de mécanismes de défense, mais seulement des listes variant dans leur exhaustivité, dans leur consistance théorique interne et dans leur utilité pour ordonner l’observation clinique et les données de la recherche ». Toutefois, à la lumière des travaux diversifiés du second courant, on peut les regrouper autour de quatre catégories : les mécanismes psychiques de base, les mécanismes situationnels, les mécanismes discriminatoires et les mécanismes ethniques.
Dans la vie courante, ces mécanismes se manifestent par des éléments de la communication généralisée (attitude, conduite, langage, rituel d’interaction, etc.) et ceux de la contextualité situationnelle (norme, enjeu, positionnement et relation avec les autres, etc.). Dans les sociétés multi-ethniques ou multiculturelles, ces mécanismes peuvent devenir des facteurs de blocage et d’échec de communication entre les acteurs sociaux. Tandis que dans le milieu organisationnel, ces mécanismes sont susceptibles de perturber le climat social, d’affecter le rendement des employés ou encore provoquer des démissions, des grèves, des contre-performances, …
En considérant particulièrement les Congolais qui sont originaires de cultures multiples (culture nationale, culture tribale, culture ethnique et culture générationnelle), il est évident qu’ils ne seraient pas épargnés par les méfaits des mécanismes de défense. A cet effet, depuis toujours on enregistre des recrutements des agents basés sur le lien ethnique ou tribal au sein
68 PHANEUF, M, « Quelques mécanismes de défense observables chez nos étudiants », p. 4, document consulté le 24 décembre 2012, URL : http://www.infiressources.ca/fr ↑
69 SCHAFER, R., « Psycho-analytic interpretation », in Rorschach testing, Grune, New York, 1954, p. 161. ↑
des entreprises de l’Etat ou établissements publics, des conflits sociaux entre les groupes soi-disant minoritaires et majoritaires dans l’occupation des espaces ou dans la représentativité aux postes politiques. En témoigne l’observation de la tendance au vote ethnique en 2006 et 2011, etc. Ces phénomènes entraînent des effets collatéraux le plus souvent négligés et susceptibles de mettre en péril la cohésion nationale, notamment les guerres, les menaces de balkanisation, les contre-performances dans des entreprises publiques et autres institutions du pays.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les mécanismes de défense dans la communication interculturelle au Congo ?
Les mécanismes de défense sont des phénomènes psychologiques spécifiques qui émergent lors de la communication interculturelle, permettant aux acteurs sociaux d’assurer leur intégrité et leur identité culturelle.
Comment la culture influence-t-elle la communication interculturelle ?
La culture influence la communication interculturelle à travers des phénomènes tels que l’ajustement psychologique, la construction et le changement identitaire, et l’intégration lors de la rencontre entre personnes d’origines ethniques et culturelles différentes.
Quelle approche est adoptée pour étudier la communication interculturelle dans l’article ?
L’article adopte une approche de psychologie interculturelle combinée à des méthodologies qualitative et quantitative pour analyser les phénomènes psychologiques de la communication interculturelle.