Les meilleures pratiques en jugement comptable révèlent que l’indépendance et l’objectivité sont essentielles pour réduire la subjectivité. Cette étude met en lumière des qualités clés et des mesures pratiques pour renforcer le jugement professionnel des experts-comptables, avec des implications significatives pour la profession.
Sous section 2 : Les qualités nécessaires pour réduire la part de subjectivité de l’expert-comptable
Certaines qualités de l’expert-comptable peuvent influer sur l’exercice du jugement professionnel. L’expert-comptable doit être indépendant et objectif, posséder les connaissances et l’expérience appropriées, maintenir sa compétence professionnelle tout en étant conscient des facteurs d’altération du jugement et faire preuve de scepticisme professionnel.
Ces valeurs nécessaires à l’expert-comptable peuvent être résumées dans le tableau 2 ci-dessous[90] :
Tableau 2 : Les qualités de l’expert-comptable qui influent sur le jugement professionnel |
– Compétence et conscience professionnelle |
– Connaissance, expérience et expertise |
– Indépendance, objectivité et intégrité |
– Scepticisme professionnel |
Chacune de ces caractéristiques mérite d’être étudiée en profondeur. Nous distinguerons les qualités personnelles des qualités professionnelles.
§1. Les qualités nécessaires sur le plan personnel
Les qualités personnelles de l’expert-comptable peuvent être regroupées comme suit :
– La compétence ;
– L’objectivité, l’intégrité et l’indépendance ;
– Et, la personnalité.
1) Pouvoir être un professionnel compétent et consciencieux
a) Les normes
i) La compétence
La compétence peut être définie comme étant « une combinaison de connaissances, savoir-faire, expériences et comportements s’exerçant dans un contexte précis. Elle se constate lors de sa mise en œuvre en situation professionnelle à partir de laquelle elle est validable »[91]. Selon l’ICCA, « la compétence comprend une vaste gamme de connaissances, d’attitudes et de comportements observables qui, pris ensemble, constituent la capacité de rendre un service professionnel déterminé »[92]. La compétence est une valeur reprise dans la devise de la profession comptable sous le terme « science ». Un homme compétent est un homme capable de bien juger d’une chose, qui a des compétences approfondies dans une matière.
« Le devoir de compétence permet au professionnel de s’acquitter au mieux des deux impératifs à la base de l’exercice professionnel :
– Accomplir un travail de qualité irréprochable;
– Accomplir son devoir de conseil »[93].
La compétence est évoquée dans le code d’éthique des professionnels comptables de l’IFAC. Elle distingue deux phases distinctes, d’une part l’acquisition d’une compétence professionnelle et d’autre part l’entretien de la compétence professionnelle.
L’acquisition d’une compétence professionnelle requiert un niveau élevé de formation générale, suivie d’un enseignement, d’une formation et d’examens spécialisés ainsi que d’un stage professionnel.
L’entretien de la compétence professionnelle requiert que l’expert-comptable soit en permanence au courant des développements intervenus dans la profession comptable, notamment les recommandations nationales et internationales adoptées en matière de comptabilité, d’audit et d’autres disciplines ainsi que les prescriptions réglementaires et légales concernées. D’un autre côté, l’entretien de la compétence professionnelle requiert que l’expert-comptable adopte un système de contrôle qualité dans l’exécution de ses travaux professionnels. A titre d’exemple, l’article 40 du code d’éthique professionnelle français, énonce : « afin de maintenir le haut degré de compétence qu’exige sa mission, tout professionnel doit consacrer annuellement un certain nombre d’heures à sa formation permanente et veiller également à celle de ses collaborateurs »[94].
Les objectifs que l’on peut assigner à ces normes témoignent de deux préoccupations :
– Homogénéiser le comportement professionnel : bien que l’expert-comptable dispose d’une grande liberté d’action pour assumer sa mission, il est cependant souhaitable qu’à un niveau de connaissance identique, corresponde un comportement homogène des professionnels dans l’application de ces connaissances.
– Actualiser les connaissances : l’expert-comptable se doit de se tenir informé des évolutions de la législation, de la doctrine, des techniques comptables et d’audit.
ii) La conscience
« La conscience vient du latin « conscientia », formé de « cum » (avec) et « scientia » (savoir, connaître). Conscience signifie donc » savoir avec » ou » connaître avec » »[95]. La conscience signifie littéralement la connaissance partagée avec quelqu’un et évoque un sentiment intime avec l’idée de bien et de mal. « Lorsque cette connaissance porte sur la valeur d’une chose ou d’un acte, la conscience devient morale »[96]. Ainsi, lorsqu’il prend une décision ou porte un jugement, « l’expert-comptable se situe en totalité dans un choix libre, avec la possibilité d’accepter ou de refuser le fait dont il a pris conscience »[97].
b) Les qualités nécessaires pour être compétent et consciencieux
i) Se remettre en question
Pour mettre à jour ses connaissances, l’expert-comptable doit savoir se remettre en question et être animé par la volonté naturelle de se trouver à la pointe de l’information. Un sentiment de suffisance lui ferait renoncer à cette perpétuelle remise en question.
ii) L’ouverture d’esprit
La remise en question de l’expert-comptable doit aller de pair avec une volonté de découverte. L’ouverture d’esprit de l’expert-comptable doit lui permettre d’aborder sans a priori, mais également sans ignorance, les différents interlocuteurs ou situations qu’il pourra rencontrer et d’apprécier la situation de l’entreprise dans son environnement. Si l’expert-comptable doit disposer de la compétence technique nécessaire à ses investigations, il doit également avoir un esprit ouvert et posséder une mobilité intellectuelle et une sensibilité lui permettant d’appréhender les contraintes de l’entreprise qu’il audite ou conseille.
L’expert-comptable doit alors être prêt à accepter les points de vues des autres et à consulter les professionnels et les spécialistes. Il ne sera capable de bien exercer son intuition que dans la mesure où il comprend l’environnement dans lequel il opère.
iii) La culture générale
L’expert-comptable doit avoir une culture générale adéquate. Il ne saurait limiter le développement des connaissances, nécessaires à l’exercice d’un jugement, aux seuls domaines qui touchent la profession. En développant sa culture générale, l’expert-comptable affermit son aptitude au jugement.
iv) La probité et l’honnêteté intellectuelle
Cette caractéristique doit permettre à l’expert de savoir refuser une mission pour laquelle il se sent incompétent. Mais l’audit ou le conseil étant un travail d’équipe, cela suppose qu’il s’assure également qu’il dispose de collaborateurs suffisamment compétents pour assurer les travaux qu’il va leur déléguer. Le professionnel doit donc veiller constamment à ce que son équipe dispose des compétences nécessaires et, par conséquent, prendre en charge la formation de son équipe.
L’expert-comptable doit également être un homme honnête, c’est-à-dire qu’il doit se montrer consciencieux en réalisant correctement son travail et en agissant suivant sa conscience. Il importe donc qu’il sache extraire de tels repères de ses connaissances et de son vécu et qu’il ne succombe pas à la tentation de s’accommoder aux situations en ayant des repères plus ou moins élastiques. Ce mode de comportement nécessite donc force et obstination pour vivre en harmonie avec ses valeurs.
v) L’humilité
Reconnaître son incompétence et recourir éventuellement à un expert nécessite de savoir faire preuve de discernement et d’humilité. En sollicitant l’assistance d’un spécialiste, l’expert-comptable a l’occasion de recueillir un niveau d’information supérieur au niveau de ses compétences pour étayer son jugement, de fournir une prestation de qualité à son client et de s’enrichir sur le plan intellectuel au contact de cet expert.
vi) Le travail en équipe
Selon A. YAICH, « le travail d’équipe est un facteur d’amélioration de la qualité des jugements professionnels en raison de la confrontation des points de vue différents que l’équipe suscite pourvu que ce soit réalisé dans une ambiance empreinte de courtoisie et de respect mutuel. Dans ce sens le principe de vérité dans la théorie des systèmes établit que plus un système est le siège d’interactions multiples et variées, plus il est capable de bien agir »[98].
Les missions liées aux états financiers nécessitent un travail d’équipe. Les collaborateurs doivent donc développer outre les compétences professionnelles et personnelles requises, des compétences pour le travail d’équipe. Selon le guide de compétence du cabinet d’expertise comptable, les compétences nécessaires pour le travail d’équipe sont essentiellement les suivantes[99] :
- Comprendre et composer avec la dynamique d’un groupe ;
- Etre souple : respecter, accueillir et appuyer les idées, les opinions et la contribution des autres membres du groupe ;
- Reconnaître et respecter la diversité des perspectives dans un groupe ;
- Recevoir et donner de la rétroaction de façon constructive et respectueuse ;
- Contribuer au succès de l’équipe en partageant l’information et son expertise ;
- Diriger, appuyer ou motiver l’équipe pour une performance maximale ;
- Gérer et résoudre les conflits de groupe ; etc.
2) Pouvoir être un professionnel objectif, intègre et indépendant
L’indépendance est le troisième pilier de la devise des professions comptables. Cette notion d’indépendance est interdépendante de deux autres qualités que sont l’objectivité et l’intégrité dont il convient, en préambule de préciser les liens.
L’indépendance caractérise les circonstances dans lesquelles l’expert-comptable doit fonder son opinion ou prendre une décision.
L’objectivité se caractérise par l’état d’esprit qui anime l’expert-comptable traduisant sa volonté de formuler des jugements impartiaux. Cette objectivité se manifeste par une intégrité et une attitude professionnelle dénuées de tout parti pris.
a) Les normes
Le code d’éthique des professionnels comptables de l’IFAC fait la part belle à l’indépendance en consacrant à cette valeur une section dans sa partie applicable aux professionnels comptables libéraux. Il propose de traiter les questions d’indépendance selon une approche conceptuelle mettant en place les grands principes applicables à l’indépendance. Il « donne également des indications spécifiques sur la façon de considérer les menaces potentielles sur l’indépendance dans certaines situations et précise les sauvegardes qui doivent être envisagées afin de minimiser le risque d’atteinte à l’objectivité »[100].
Les menaces identifiées pour l’indépendance sont les suivantes[101] :
- Le risque d’auto-contrôle, lorsqu’un professionnel fournit une assurance sur son propre travail ;
- Le risque lié à l’intérêt personnel, lorsque, par exemple, un professionnel pourrait tirer avantage d’intérêts financiers dans un client ;
- Le risque lié à la représentation, lorsqu’un professionnel défend une position ou une opinion d’un client ;
- Le risque lié à la familiarité, lorsqu’un professionnel devient trop complaisant à l’égard des intérêts d’un client ;
- Le risque d’intimidation, lorsqu’un professionnel est dissuadé d’agir en toute objectivité en raison de menaces, réelles ou perçues, émanant d’un client.
« Si les menaces, prises individuellement ou collectivement, ne sont pas manifestement négligeables, le professionnel devra mettre en place des sauvegardes afin d’éliminer ces menaces ou prendre des mesures propres à les ramener à un niveau ne portant aucune atteinte, réelle ou perçue, à l’intégrité »[102].
Il existe trois catégories de sauvegardes[103] :
- Sauvegardes mises en place par la profession, la législation ou la réglementation ;
- Sauvegardes mises en place et entretenues au sein de la société cliente de la mission d’expression d’assurance ;
- Sauvegardes intégrées au sein des propres systèmes et procédures du praticien, chargé de la mission d’expression d’assurance.
b) Les qualités personnelles nécessaires pour respecter la règle d’indépendance
i) Etre indépendant d’esprit
L’indépendance d’esprit désigne « l’état d’esprit qui permet d’émettre une opinion sans être affecté par des influences qui compromettent le jugement professionnel permettant à un professionnel d’agir avec l’intégrité et d’exercer l’objectivité et le scepticisme professionnels adéquats »[104].
ii) Paraître indépendant
« L’apparence d’indépendance implique que le professionnel doit éviter les faits ou les circonstances qui sont tels qu’une troisième partie objective et raisonnable, bien informée et ayant connaissance de tous les éléments pertinents y compris les mesures préventives appliquées, peut raisonnablement conclure que l’intégrité, l’objectivité ou le scepticisme professionnels sont compromis »[105].
3) La personnalité
Outre les qualités ci-dessus étudiées, l’expert-comptable doit avoir une forte personnalité qui lui permettra d’avoir suffisamment confiance en soi pour utiliser sa compétence, son objectivité et son intégrité dans ses jugements professionnels en toute indépendance.
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Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les qualités nécessaires pour un expert-comptable ?
Les qualités nécessaires pour un expert-comptable incluent la compétence, l’objectivité, l’intégrité, l’indépendance et la personnalité.
Pourquoi la compétence est-elle importante pour un expert-comptable ?
La compétence est importante car elle permet à l’expert-comptable d’accomplir un travail de qualité irréprochable et de remplir son devoir de conseil.
Comment un expert-comptable peut-il maintenir sa compétence professionnelle ?
Un expert-comptable peut maintenir sa compétence professionnelle en restant informé des développements dans la profession comptable et en adoptant un système de contrôle qualité dans l’exécution de ses travaux.
Quels sont les deux aspects de la compétence professionnelle selon le code d’éthique ?
Les deux aspects de la compétence professionnelle selon le code d’éthique sont l’acquisition de la compétence professionnelle et l’entretien de la compétence professionnelle.