L’innovation technologique en comptabilité transforme le jugement professionnel des experts-comptables. Cette étude révèle comment les nouvelles normes et outils influencent le processus décisionnel, offrant des perspectives cruciales pour améliorer l’aptitude au jugement dans un environnement financier en constante évolution.
Section 2 : Les déterminants d’un bon jugement
L’exercice du jugement professionnel procède d’un processus complexe. Cette complexité est due au grand nombre de contraintes et règles de fonctionnement qui le distinguent, et à l’ensemble des tâches pouvant être accomplies à chaque étape. Evaluer le processus n’est donc pas une chose facile.
Notre objectif est de pouvoir dégager, à la lumière des analyses, les aptitudes que l’expert-comptable doit développer au cours de sa carrière. Ces aptitudes qui sont le consensus, la justesse du diagnostic et la justifiabilité, si elles caractérisent la décision prise, pourront être signe que le processus a correctement fonctionné.
Sous section 1 : L’aptitude à rechercher un consensus
§1. La solution idéale : l’exactitude
L’exactitude d’un jugement signifie que l’on est en mesure de l’évaluer à l’aide de règles très précises, à la fois objectives et mesurables. Or, plus le problème auquel sera confronté l’expert-comptable sera complexe, moins il sera aisé de trouver des critères neutres permettant de procéder à cette évaluation qui tient compte du moment et du contexte dans lequel le jugement est exercé.
De plus, l’importance accordée à la dimension humaine lors de l’exécution de la mission ne permet pas à ces critères d’être totalement objectifs. Un bon jugement sera donc plus facilement mesuré par sa capacité à recueillir l’adhésion de l’ensemble des parties concernées.
§2. A défaut de solution idéale, la recherche d’un consensus
Le consensus consiste à avoir un consentement universel de la solution proposée à un problème donné. Le consentement universel, dans la discipline des sciences humaines, peut se définir comme une : « adhésion générale à un principe, à une assertion, à une croyance, qu’on donne parfois comme critère de vérité, comme si cette unanimité était l’expression de la raison »59.
Puisque l’expert-comptable recherche l’expression de la vérité à travers l’exercice de son jugement, il aura donc d’autant plus l’assurance raisonnable que son opinion exprime la vérité que les jugements qui la soutiennent ont recueilli l’aval du plus grand nombre. Selon la théorie des systèmes, plus un système est le centre de confrontations d’idées et de débats contradictoires, plus il est capable d’identifier les meilleures solutions60.
Le consensus est d’autant plus difficile à trouver lorsque les intérêts du client et de l’expert-comptable divergent. L’éthique personnelle de l’expert-comptable prend alors toute son importance car elle va lui permettre de tracer les limites rouges à ne pas dépasser.
« La conviction et la responsabilité sont les deux pôles de la décision. Mais s’il y a opposition entre les deux extrêmes, il y a aussi complémentarité » nous enseigne Pascal DELANNOY61. En effet, la morale de conviction incite le professionnel à agir sans référence aux conséquences. Elle guide donc l’action de l’expert-comptable quelles qu’en soient les conséquences.
Par contre, la morale de responsabilité ordonne d’envisager les conséquences possibles d’une décision et de tenter d’introduire dans la trame des évènements un acte qui aboutira à certains résultats. La morale de responsabilité interprète l’action en terme de moyens par rapport à des fins. L’expert-comptable peut donc s’inspirer de ces deux morales.
Cependant, la conciliation de deux éthiques n’est pas facile comme le souligne Jean MOUSSÉ : « Les convictions qui donnent sens aux décisions pratiques de la morale se heurtent en permanence à la complexité mouvante des réalités économiques, politiques et sociales. (…) Les convictions restent abstraites et dangereuses tant qu’elles ne s’incarnent pas dans les comportements des hommes et l’organisation de la société. Inversement, les conditions de la vie réelle sont privées de sens humain tant qu’aucune conviction ne les éclaire »62.
La dialectique entre l’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité permet de dépasser cette opposition et donne naissance à ce que Jean Moussé appelle l’éthique du compromis : « la plupart des responsables n’ont guère le choix entre deux biens, mais plutôt entre deux options dont aucune n’est parfaite et dont l’une est seulement moins mauvaise que l’autre. Il ne s’agit ni de démission, ni de lâcheté, mais d’intelligence au service du mieux »63.
Il ne s’agit donc pas pour l’expert-comptable de choisir entre sa solution et la solution du client, mais plutôt de mettre sa compétence et son éthique de la conviction au service de la prise de ses responsabilités, en demeurant conscient que le pragmatisme est le complément nécessaire aux valeurs. Les interrogations éthiques au sujet de sa responsabilité conduisent souvent l’expert-comptable à se référer à son système de valeurs.
Avoir une éthique du consensus signifie pour l’expert-comptable de tenir compte des structures de la réalité en dehors desquelles aucune éthique ne peut prendre forme lorsque l’on se réfère à son système de valeur.
§3. Le consensus : facteur de stabilité et de cohérence du jugement professionnel
L’obtention d’un consensus doit contribuer à la stabilité et à la cohérence du jugement professionnel.
1) La stabilité
L’exercice d’un jugement professionnel d’un expert-comptable sera stable s’il parvient à prendre une décision similaire à un problème similaire pour différents clients, à un moment différent mais dans un contexte présentant des ressemblances. Il ne saurait y avoir pluralité de poids, pluralité de mesures pour un expert-comptable intègre et objectif.
Lorsqu’il aboutit à un consensus, l’expert-comptable doit donc faire entrer la solution retenue et son contexte dans sa mémoire et savoir que cette solution sera sa référence pour l’avenir : l’instabilité d’un jugement nuit à son exactitude. Toutefois, la stabilité d’un jugement n’implique pas que le jugement n’est pas évolutif.
2) La cohérence
Le jugement doit être cohérent à toutes les étapes de la démarche. L’expert-comptable doit donc veiller à ce que le consensus qui sera adopté soit cohérent avec l’ensemble des jugements adoptés. L’obtention d’un consensus ne saurait donc se faire au détriment de la stratégie mise en place lors des travaux d’orientation et de planification.
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les aptitudes nécessaires pour un bon jugement professionnel en comptabilité ?
Les aptitudes nécessaires pour un bon jugement professionnel incluent le consensus, la justesse du diagnostic et la justifiabilité.
Comment l’expert-comptable peut-il évaluer l’exactitude de son jugement ?
L’exactitude d’un jugement signifie qu’on peut l’évaluer à l’aide de règles très précises, objectives et mesurables, bien que cela soit plus complexe avec des problèmes difficiles.
Pourquoi est-il difficile de trouver un consensus dans le jugement comptable ?
Le consensus est difficile à trouver lorsque les intérêts du client et de l’expert-comptable divergent, ce qui met en avant l’importance de l’éthique personnelle de l’expert-comptable.