L’approche méthodologique en gestion foncière révèle une inefficacité alarmante dans la gestion des terres en Haïti, exacerbée par des faiblesses institutionnelles. Cette étude critique propose des solutions normatives essentielles pour transformer le paysage foncier et protéger les droits de propriété, un enjeu crucial pour l’avenir du pays.
Collectivités territoriales et gestion des terres
Le dispositif territorial actuel qui demeure en vigueur sur ces questions est celui fixé par la Constitution de 1987 (amendée en 2011). L’article 9 du texte dispose : « Le territoire de la République est divisé et subdivisé en départements, arrondissements, communes, quartiers et sections communales »157. Le nombre de ces divisions et subdivisions est fixé par le décret du 1er février 2006158, fixant le cadre général de la décentralisation159 qui en détermine aussi l’organisation et le fonctionnement, dans le respect des dispositions constitutionnelles y relatives (art. 61 à 84).
En vertu des dispositions de l’article 61 de la Constitution, disposant que : « les collectivités territoriales sont la section communale, la commune et le département », elles sont des entités décentralisées, disposant donc de la personnalité juridique160. La commune a les compétences suivantes : « attribution des parcelles et délivrance des titres d’exploitation se rapportant au domaine foncier communal ou aux parties du domaine foncier national ayant fait l’objet d’un transfert de gestion à leur profit »161.
Il existe certaines dispositions légales162 faisant référence à la Commune et / ou aux Sections communales qui leur confère des prérogatives ayant des incidences directes sur la gestion du foncier. Comme par exemple : les plans d’aménagement du territoire communal, le plan de réforme foncière déterminant les zones résidentielles, industrielles, agricoles et commerciales, décrit dans l’article 36-11 du décret du 1er février 2006 sur le fonctionnement de la Commune163. Et en ce qui concerne la Section communale, le Conseil d’Administration de la Section Communale s’est vu attribuer la gestion du domaine privé de la section communale dans la loi du 4 avril 1996, disposition conservée.
157 La Constitution haïtienne de 1789, amendée en 2011, art 9.
158 Le Moniteur, numéro extraordinaire, no 57 du 14 juin 2006.
159 Le Moniteur, décret du 1er février 2006, art. 1.
160 Conseil Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIAT), Étude d’Impacts Sociaux, Prepared for the Inter-American Development Bank, Haïti, Juin 2017, Op.cit. , p 16.
161 Décret du 1er février 2006, Op.Cit.
162 Ibid. Art36-11.
163 Land Alliance, (Consultant Pierre, Jean-Paul), Analyse institutionnelle du contexte de la sécurité foncière en milieu rural, rapport final, janvier 2012, p11.
dans le décret du 1er février 2006 qui l’a révisée164. Il est assez fort de constater que cette gestion est ineffective par manque de capacité technique et à cause des faiblesses générées dans l’ordre étatique.
Suivant la politique de l’État haïtien, en vue de multiplier les services dans les collectivités territoriales divers bureaux et organismes déconcentrés sont sur place pour mieux desservir les populations en milieu rural et urbain. Et en ce qui concerne les questions foncières, le bureau de la DGI est en chargé notamment de l’enregistrement (en particulier des procès-verbaux d’arpentage et des transactions foncières), ainsi que de l’encaissement des taxes sur la propriété bâtie et des loyers de fermage sur les terres de l’État.
On trouve également, en principe, au niveau communal un bureau agricole rattaché au ministère en charge de l’agriculture. Or l’absence de lois organiques pouvant régir les collectivités territoriales au niveau départemental et communal entrave fortement leur contribution à la gestion des terres puisque leurs limites de compétence ne sont point définies.
En outres, les capacités étant faibles à tous les niveaux, les risques de voir combler les lacunes observées dans la gouvernance formelle demeurent élevés165.
4.2.3.1. Le domaine public des collectivités
Comme nous l’avons déjà souligné, trois catégories de collectivités sont reconnues par la constitution : le département, la commune et la section communale166. Le texte qui en fixe leur régime juridique est celui du 1er février 2006. Ce texte ne comporte aucune disposition se référant à un éventuel167 domaine public. Au demeurant, cela apparaît confirmé, de manière indirecte par d’autres dispositions et d’autres textes, parmi lesquels il faut citer un autre décret de la même date, le 1er février 2006, fixant l’organisation et le fonctionnement de la commune.
Selon l’article 4 de ce texte, on peut trouver sur le territoire de la commune : « les biens des particuliers ; les biens des domaines public et privé de l’État ; les biens des domaines public et privé de la commune ; les biens des domaines public et privé de la section communale ; les biens des sociétés
165 Analyse du cadre légal et Institutionnel relatifs à la Gestion Durables des Terres, op.cit. p33.
166 Les subdivisions administratives selon l’article 9 de la constitution de 1987 sont : « Départements, Arrondissements, Communes, Quartiers et Sections communales. » ; Les articles : 32.7, 32.9…
167 L’article 36.5 de la constitution de 1987 : « Le droit de propriété ne s’étend pas au littoral, aux sources, rivières, cours d’eau, mines et carrières. Ils font partie du domaine public de l’Etat. »
168 Le Moniteur, spécial no 2 du 2 juin 2006.
privées ; les biens des associations à but non lucratif169. Ce texte semble bien confirmer que le département n’a pas de domaine public, à la différence de l’État, des communes et170 des sections communales. Le décret du 22 septembre 1964 établit une liste exhaustive du domaine public de l’État et n’a pas défini un domaine public pour la commune171.
De ce fait, même quand il s’agit d’une initiative de la commune, les marchés et les places publiques tombent dans le domaine national. On peut ajouter qu’il existe dans le décret un point relatif à l’expropriation pour cause d’utilité publique (art. 198 à 201), ce qui permet donc au moins de savoir comment pourrait se constituer éventuellement le domaine public.
On doit citer ici la loi du 27 décembre 1926, fixant l’interprétation de l’article 82 de la loi du 6 octobre 1881 sur les communes et précisant la distinction qui d’après l’article 83 de cette loi doit être faite entre les biens de l’État et ceux des communes. L’article 1 dispose : « Constituent le domaine communal tous immeubles acquis à la commune par les divers modes d’acquisition prévus au Code civil »172.
Il s’agit donc ici de la réaffirmation d’un principe classique du droit civiliste et il faut considérer qu’il demeure applicable dans le contexte actuel. L’article 82 fournit d’autres précisions :
« L’article 82 de la Loi du 6 octobre 1881 doit être entendu en ce sens que les communes ont un droit conditionnel à l’usage de celles des portions du domaine public ou du domaine de l’État (il faut sans doute comprendre ici domaine privé de l’État par opposition au précédent), qui seront reconnues indispensables à leur établissement, aucune propriété ainsi mise à la disposition d’une commune ne pouvant être affermée, vendue ou échangée par elle173. Ce droit prend fin dès que le bien domanial affecté à l’usage d’une commune n’est plus indispensable à l’établissement et au fonctionnement de l’administration communale ». Le décret du 1er février 2006, portant organisation des
169 Le Moniteur, spécial no 2 du 2 juin 2006.
170 En plus, une disposition constitutionnelle en vigueur reconnait aux habitants des Sections communales un droit de préemption pour l’exploitation des terres du domaine privé de l’État situées dans leur localité.
171 Le contenu est réglé par l’article 3 du décret du 22 septembre 1964, aussi les règles du Code civil s’appliquaient sans restriction, en particulier l’article 1995 (« L’État est soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers »). La première mention de l’interdiction de la prescription apparaît dans la loi du 29 juillet 1929, réglementant le service domanial (art. 3 notamment).
172 Loi du 6 octobre 1881, Art 1.
173 Il peut être utile de rappeler ici les dispositions de cet article 82 : « Sont déclarés biens communaux ceux qui ont été jusqu’ici régis par les Conseils communaux, tels que les quais, le littoral et ceux dont l’usage ou l’utilité est indispensable pour l’établissement de la commune d’après la présente loi. » On note que plusieurs éléments listés relèvent en fait du domaine public placé sous le contrôle de l’État.
CASEC, abrogeant la loi no 2 du Code rural relative à l’organisation de la section rurale174. Selon l’article 5 de ce texte : « la collectivité territoriale de la section communale peut contenir : les biens des particuliers ; les biens des domaines privés et publics de l’État ; les biens du domaine privé de la commune ; les biens du domaine privé de la section communale ».
Il faut aussi souligner que l’assemblée municipale a compétence pour fixer les modalités de gestion des biens communaux et leur affectation (art. 37.1). Elle sanctionne et ratifie « le plan de réforme foncière déterminant les zones résidentielles, industrielles, agricoles et commerciales » (art. 37.11). Il faut en outre préciser que les décisions doivent être prises à la majorité des deux tiers du175 quorum lorsqu’il est question du « mode de gestion des biens communaux et leur changement d’affectation, la durée et les conditions des baux à ferme ou à loyer » (art. 38.5)176. Toutefois, l’assemblée communale n’existe pas encore en Haïti.
Ainsi, ce transfert de compétence étant incomplète, et cela renforce les disparités au niveau des performances au sein des institutions et juridictions locales, et réduit aussi la marge de manœuvre (budgétaire), suscite des priorités contradictoires, diminue l’amélioration de l’efficacité et l’efficience dans la prestation de services publics pouvant favoriser une gestion plus efficaces des politiques et mécanismes en faveur de la gestion des terres et aussi dans le foncier en général.
Et vu que le pays est encore en panne de décentralisation, puisque la plupart des services, auxquels la population a droit, sont concentrées pour la majorité uniquement dans la capitale d’Haïti, à Port-au-Prince, ainsi que le pouvoir politique. L’effectivité des prérogatives accordées aux collectivités territoriales par la Constitution et le Code Rural haïtien sont négligés par les autorités compétentes, ainsi donc, techniquement ces prérogatives sont ineffectives177.
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157 La Constitution haïtienne de 1789, amendée en 2011, art 9. ↑
158 Le Moniteur, numéro extraordinaire, no 57 du 14 juin 2006. ↑
159 Le Moniteur, décret du 1er février 2006, art. 1. ↑
160 Conseil Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIAT), Étude d’Impacts Sociaux, Prepared for the Inter-American Development Bank, Haïti, Juin 2017, Op.cit. , p 16. ↑
161 Décret du 1er février 2006, Op.Cit. ↑
165 Analyse du cadre légal et Institutionnel relatifs à la Gestion Durables des Terres, op.cit. p33. ↑
166 Les subdivisions administratives selon l’article 9 de la constitution de 1987 sont : « Départements, Arrondissements, Communes, Quartiers et Sections communales. » ; Les articles : 32.7, 32.9… ↑
167 L’article 36.5 de la constitution de 1987 : « Le droit de propriété ne s’étend pas au littoral, aux sources, rivières, cours d’eau, mines et carrières. Ils font partie du domaine public de l’Etat. » ↑
168 Le Moniteur, spécial no 2 du 2 juin 2006. ↑
172 Loi du 6 octobre 1881, Art 1. ↑
173 Il peut être utile de rappeler ici les dispositions de cet article 82 : « Sont déclarés biens communaux ceux qui ont été jusqu’ici régis par les Conseils communaux, tels que les quais, le littoral et ceux dont l’usage ou l’utilité est indispensable pour l’établissement de la commune d’après la présente loi. » On note que plusieurs éléments listés relèvent en fait du domaine public placé sous le contrôle de l’État. ↑
174 CASEC, abrogeant la loi no 2 du Code rural relative à l’organisation de la section rurale. ↑
175 Il faut en outre préciser que les décisions doivent être prises à la majorité des deux tiers du quorum lorsqu’il est question du « mode de gestion des biens communaux et leur changement d’affectation, la durée et les conditions des baux à ferme ou à loyer » (art. 38.5). ↑
176 Il faut en outre préciser que les décisions doivent être prises à la majorité des deux tiers du quorum lorsqu’il est question du « mode de gestion des biens communaux et leur changement d’affectation, la durée et les conditions des baux à ferme ou à loyer » (art. 38.5). ↑
177 L’effectivité des prérogatives accordées aux collectivités territoriales par la Constitution et le Code Rural haïtien sont négligés par les autorités compétentes, ainsi donc, techniquement ces prérogatives sont ineffectives. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la structure des collectivités territoriales en Haïti selon la Constitution de 1987?
Le territoire de la République est divisé et subdivisé en départements, arrondissements, communes, quartiers et sections communales.
Quelles compétences ont les communes en matière de gestion foncière en Haïti?
La commune a les compétences suivantes : attribution des parcelles et délivrance des titres d’exploitation se rapportant au domaine foncier communal ou aux parties du domaine foncier national ayant fait l’objet d’un transfert de gestion à leur profit.
Quels sont les défis de la gestion des terres en Haïti?
Cette gestion est ineffective par manque de capacité technique et à cause des faiblesses générées dans l’ordre étatique.