L’analyse des risques maritimes révèle des lacunes significatives dans les contrats d’assurance tunisiens, souvent inspirés du modèle français. Cette étude met en lumière l’urgence d’une réforme pour garantir une couverture adéquate, essentielle pour la sécurité des échanges commerciaux en Tunisie et au Maghreb.
Section 5 : Temps et lieu du risque
- Dans le droit tunisien de l’assurance : Le CAT qui régit toutes les catégories d’assurances dont le transport maritime80 de marchandises diffère du CCMT sur la notion de période d’assurance.
L’article 3 du CAT énonce l’obligation de mentionner dans le contrat sa date d’effet et sa durée. Pour les rédacteurs de l’article, la couverture prend effet généralement le lendemain du jour de la souscription à zéro heure. Antérieurement, à la date fixée, le contrat ne prend pas effet. Une fois la couverture commence elle dure pour un temps déterminé, un an ou un mois finissant tel jour à 24 heures. Le choix d’une date d’effet, doit respecter le principe de la non rétroactivité.
Cependant, cette logique du « temps de l’assurance » ne s’applique pas avec la même aisance lorsqu’il s’agit d’assurance transport maritime de marchandises.
Le vendeur devrait-il attendre l’heure précise de la prise d’effet du contrat souscrit par l’acheteur pour lancer l’opération de transport ?
78 Le tramping anglicisme couramment utilisé, désigne le transport maritime à la demande, par un navire de commerce non affecté à une ligne régulière.
79 Présence de l’assureur au déchargement et prise des mesures conservatoires avant le départ du navire.
80 Le Code prévoit la codification de ATMM
Le transporteur serait-il obligé de faire de son mieux pour livrer la marchandise avant l’expiration de l’assurance ?
Cette logique de la date et de l’heure de l’effet et de la durée n’est pas compatible avec les opérations de transport. C’est pour cette raison que l’article 302 du CCMT ne mentionne ni la date d’effet ni la durée, il parle de temps du risque. Cette notion de temps du risque, englobe, la date, l’heure mais aussi le moment de son commencement. C’est pourquoi c’est l’article 302 du CCMT qui devient applicable si on parle de certificat d’assurance ou d’aliment ou d’ordre d’assurance, c’est-à-dire lorsqu’on parle de l’expédition elle-même.
- Mention de la date d’effet et de la durée sur les actes d’expédition : La mention de la date d’effet et de la durée de la garantie dans les certificats au voyage et dans les déclarations d’aliment est incompatible avec l’esprit du contrat. Comment concevoir, en effet, un certificat d’assurance au voyage ou un ordre d’assurance qui mentionne la date de prise d’effet ?
Les polices françaises même les plus anciennes ne fixaient pas les dates d’effets et d’expirations, l’assurance est valable du jour de sa souscription, elle reste valable pour la durée du voyage, la durée doit être raisonnable.
- La date d’effet : Il y a lieu de remarquer qu’aucun modèle français ou étranger ne mentionne sur l’acte de couverture d’une expédition la notion de
« date d’effet » seule est écrit « date » sans aucune autre indication, la différence est de taille.
L’article 302 du CCMT stipule que « Le contrat d’assurance est daté du jour où il est souscrit ». Cependant il doit indiquer le temps du risque. Nous rappelons que l’article 302 ne parle pas de date d’effet.
L’article 9 des CG des compagnies stipule toutefois que « la garantie de l’Assureur commence au moment où les facultés assurées, conditionnés pour l’expédition, quittent les magasins au point extrême de départ du voyage assuré ». La différence entre d’une part l’article 3 du code des assurances qui parle de « date d’effet » et d’autre part, le « temps du risque » de l’article 302 du CCMT et « le moment » de commencement du risque des CG est importante, la notion de date
d’effet n’est pas compatible avec le risque transport dont l’étendue temporelle s’accorde sur la durée d’un voyage et non sur un intervalle temporel fixé. Seulement la quasi-totalité des imprimés conçus par les compagnies d’assurances en Tunisie prévoient une case « date d’effet » en plus de la case indiquant le jour de souscription.
Si les assureurs se basent sur le dernier paragraphe de l’article 328 du CCMT qui stipule que « Dans l’assurance pour une durée déterminée, la garantie de l’assureur commence et cesse aux dates prévues, quel que soit le lieu où se trouvera le navire », ils doivent savoir que cet article concerne les assurances corps et non les assurances facultés.
A l’examen des Conditions Particulières du marché on s’aperçoit que l’imprimé prévoit des cases « date d’effet » où ils renseignent souvent le jour de la souscription, parfois le lendemain. Les imprimés auraient été parfaitement adaptés pour les risques des autres catégories d’assurances. La différence avec l’assurance maritime provient de la définition de la prise d’effet donnée dans les CG du contrat d’assurance qui ne coïncide souvent pas à une date mais à un moment.
Un demandeur d’assurance doit-il au moment de renseigner le formulaire de déclaration du risque revenir au vendeur pour connaitre le moment d’envoi ?
Prenons encore le cas d’une marchandise en mer, dont l’assurance est faite tout juste avant son arrivée. Si on constate de la mouille lors de son débarquement et qu’il s’agit d’avarie survenu au port de départ, l’assuré sera-t-il indemnisé ? La réponse serait affirmative selon l’esprit de la police l’assurance transport maritime. La réponse serait par contre négative, suivant les contrats d’usage en Tunisie, qui fixent la date d’effet au plutôt le jour de souscription.
On peut valablement conclure que la date de souscription même postérieure au sinistre ne peut être une cause de refus d’indemnisation, si non à quoi sert l’article 30 intitulé « Présomption de connaissance de nouvelles…… ».
- Quid de la date d’expiration ? : Une rubrique « date d’expiration » figure dans presque tous les certificats au voyage. La rubrique annonce la fin de
l’assurance deux mois après la date de souscription.
Une assurance dont la « date d’effet » est le premier juin expire-t-elle le 31 juillet suivant ?
La réponse est certainement non, car en assurance transport, la durée de la couverture, coïncide avec la durée du voyage. L’assurance « de magasin à magasin », couvre ainsi les périodes du transport préliminaire, du séjour au port d’embarquement, du trajet maritime, du séjour au port de déchargement et du transport accessoire. Ces périodes excédent la durée de deux mois, le séjour au port d’arrivée peut durer à lui seul deux mois. Cette difficulté est résolue par la notion de « date de validité ».
- La date de validité : Un certificat au voyage daté du jour de sa souscription est valable deux mois. Le jour de souscription valide la couverture d’un risque né antérieurement, même pour une longue période, à condition de remplir la condition de l’article 30 intitulé « Présomption de connaissance de nouvelles…… » (supra.75).
- Utilisation irrégulière de l’effet rétroactif : Devant les difficultés nées de la mention de « date d’effet », les assureurs accordent souvent l’« Effet rétroactif ». Cette pratique est faite dans le but d’éviter à l’assuré les sanctions de l’obligation d’assurance puisqu’en possession d’un aliment pré-signé, ils indiquent librement une date antérieure à l’arrivée du navire et évitent ainsi la sanction de l’article 31 de la loi n° 80-88 du 31 décembre 1980 portant loi de Finances pour l’année 1981. L’effet rétroactif évite aussi la nullité qui peut entacher un contrat souscrit après l’arrivée des objets assurés.
Seulement, avant d’accorder l’effet rétroactif, les assureurs, vérifient que la marchandise soit arrivée et qu’il n’y a plus de risque d’avaries. En agissant ainsi, ils accomplissent deux graves erreurs :
En premier lieu ils souscrivent sciemment des contrats entachés de nullités, car d’après l’article 316 du CCMT « Toute assurance conclue après la perte ou l’arrivée des choses assurées est nulle, si la nouvelle de la perte ou celle de l’arrivée est parvenue,……. ». Un assuré peut dans ce cas, valablement réclamer sa prime
d’assurance en invoquant la nullité du contrat.
En deuxième lieu, c’est une complicité manifeste avec l’assuré dans le but d’empêcher l’application des sanctions, ce qui fait perdre à l’Etat des pénalités dont il a droit. Un tel agissement, souvent fait par un responsable sous prétexte que le risque est nul constitue autre chose qu’une opération d’assurance.
- Utilisation régulière de l’effet rétroactif : L’usage de l’effet rétroactif est valable dans l’assurance transport maritime de marchandises, on pourrait même dire que son non utilisation constituera une situation anormale. Il suffit pour cela de bien appliquer les prescriptions de l’article 302 du CCMT qui restent désormais incomprises jusqu’à nos jours.
Rappelons que selon l’article, le contrat est daté de sa souscription, l’imprimé pré-daté, en l’absence d’un accord antérieur par télécopie ou par courrier électronique, serait une faute très grave de la part de l’assureur, il s’agit même de falsification d’un document administratif.
Seulement, la combinaison des articles 302 et 316 du CCMT avec l’article 9 des CG permet l’usage de l’effet rétroactif régulier à la condition que, le contrat soit daté du jour de sa souscription, que la marchandise ne soit pas arrivée et qu’il n’y a pas de nouvelle de réalisation du risque couvert au moment de la souscription.
On pourrait dire qu’un assuré pourrait valablement souscrire une assurance transport maritime tant qu’il n’a pas réceptionné sa marchandise à domicile, même après le déchargement de la marchandise au port d’arrivée et après le séjour au port. En théorie cela est possible, pour les conteneurs scellés dont on ignore avant leurs ouvertures l’état des marchandises à l’intérieur.
En cas de survenance d’un événement majeur en cours de route ou pendant le déchargement toute couverture devient impossible du fait de l’impossibilité d’ignorer la survenance de tels événements. Donc la pratique de l’effet rétroactif est valable aux conditions précitées. La situation est quelque peu différente par l’existence de la loi sur l’obligation d’assurance.
En effet, les agents de douanes contrôlent si l’assurance a été souscrite avant l’arrivée du navire transporteur au port national final et non avant l’arrivée de la marchandise à sa destination finale. Pour les polices
d’abonnement, les agents de douanes sont plus souples et appliquent le délai de huit jours dont dispose l’assuré à partir de la date d’arrivée du navire.
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78 Le tramping anglicisme couramment utilisé, désigne le transport maritime à la demande, par un navire de commerce non affecté à une ligne régulière. ↑
79 Présence de l’assureur au déchargement et prise des mesures conservatoires avant le départ du navire. ↑
80 Le Code prévoit la codification de ATMM. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la différence entre la date d’effet et le temps du risque dans l’assurance maritime en Tunisie?
La date d’effet mentionnée dans le contrat d’assurance est la date à laquelle la couverture commence, tandis que le temps du risque englobe la date, l’heure et le moment de commencement du risque, comme stipulé par l’article 302 du CCMT.
Comment la notion de temps de l’assurance s’applique-t-elle à l’assurance transport maritime?
La logique du temps de l’assurance ne s’applique pas aisément à l’assurance transport maritime, car elle ne doit pas être liée à une date précise mais plutôt au moment de l’expédition.
Pourquoi les polices d’assurance françaises ne mentionnent-elles pas de date d’effet?
Les polices françaises, même les plus anciennes, ne fixent pas de dates d’effet et restent valables du jour de leur souscription pour la durée du voyage, qui doit être raisonnable.