L’impact des règlements européens révèle des effets directs et immédiats sur les États membres, souvent méconnus. Cette étude comparative met en lumière des différences cruciales entre l’Union africaine et l’Union européenne, avec des implications majeures pour l’intégration régionale et la gouvernance.
Paragraphe 2 : Portée des actes
Les actes de décision, pris par les institutions de l’UE, ainsi qu’il l’est en Afrique dans le cadre de l’OHADA46, ont un effet direct et immédiat sur les Etats membres et les citoyens, de même qu’ils ont une primauté sur l’ordre juridique national interne de chaque Etat.
A- Effet direct et application immédiate
En liaison avec la pluralité de la nature des actes de l’UE, les effets de ces actes varient également.
S’agissant des règlements, ils sont considérés comme « lois de l’Union ». Ils se distinguent par deux propriétés tout à fait inhabituelles en droit international :
- leur caractère propre à l’Union, c’est-à-dire leur particularité de créer un même droit dans toute l’Union sans tenir compte des frontières et d’être valables uniformément et intégralement dans tous les États membres ;
leur applicabilité directe, c’est-à-dire le fait que les règlements créent un même droit sans que les États membres aient à adopter une mesure d’application particulière, en conférant des droits directs aux citoyens de l’Union ou en leur imposant directement des obligations.
Les ressemblances entre ces actes et les lois nationales sont manifestes.
Lorsqu’ils sont adoptés dans le cadre de la procédure de codécision avec le Parlement européen, ils peuvent être qualifiés d’actes législatifs.
Les directives sont, avec les règlements, l’un des deux instruments les plus importants dont dispose l’UE. Contrairement au règlement, le principal objectif de la directive n’est donc pas l’harmonisation juridique, mais le rapprochement des législations. Ce dernier permettra d’éliminer peu à peu les contradictions et les différences entre les législations nationales jusqu’à ce que, dans chaque État membre, les conditions soient aussi similaires que possible sur le fond.
La directive est donc46 Les actes uniformes de l’OHADA entrent en vigueur quatre dix jours (90) jours après leur adoption et avec effet erga omnes après trente (30) jours. L’article 10 dispose que les règles de l’OHADA sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toutes dispositions contraires de droit interne antérieure ou postérieure.
l’un des instruments de base de la réalisation du marché intérieur. La directive ne lie les États membres que quant au résultat à atteindre. Elle leur laisse le choix de la forme et des moyens qu’ils adopteront pour réaliser les objectifs de l’Union dans le cadre de leur ordre juridique interne.
Les dispositions d’une directive ne remplacent pas automatiquement les règles juridiques nationales, mais elles imposent aux États membres l’obligation d’adapter leur droit national aux dispositions de l’Union. En général, cela nécessite une procédure législative, sous la forme de transposition.
La directive ne crée pas de droits ou d’obligations directs pour les citoyens de l’Union ; les États membres sont expressément désignés comme ses seuls destinataires. C’est seulement la mise en œuvre de la directive par les autorités compétentes des États membres qui confère des droits ou impose des obligations aux citoyens.
Afin de pallier ces inconvénients, la Cour de justice a décidé, selon une jurisprudence constante, que, dans certaines circonstances, le citoyen de l’Union peut invoquer directement les dispositions d’une directive et donc se prévaloir des droits qu’elle lui ouvre et, le cas échéant, les faire reconnaître par les tribunaux nationaux.
La Cour de justice a fixé les conditions de cet effet direct, à savoir :
les dispositions de la directive doivent déterminer les droits des citoyens ou entreprises de l’Union de manière suffisamment claire et précise;
l’invocation de ce droit ne doit être liée à aucune condition ou obligation;
le législateur national ne doit avoir aucune marge d’appréciation pour l’établissement du droit quant au fond;
le délai de transposition de la directive doit déjà être écoulé.
La jurisprudence de la Cour de justice au sujet de l’effet direct des directives repose, pour l’essentiel, sur la considération qu’un État membre agit de manière contradictoire et abusive lorsqu’il applique son droit alors qu’il aurait dû l’adapter conformément aux exigences des directives.
Cette application inacceptable du droit par l’État est contrecarrée par la reconnaissance de l’effet direct d’une disposition d’une directive. Il est donc logique que, jusqu’à présent, la Cour de justice n’ait reconnu un effet direct aux directives que dans les relations entre les citoyens de l’Union et les États membres, et cela uniquement lorsque l’effet direct est en faveur du citoyen de l’Union et non à son détriment, c’est-à-dire seulement dans les cas où le droit de l’Union comporte une réglementation plus favorable pour le citoyen que le droit national non adapté (« effet direct vertical »).
L’effet direct des directives sur les relations entre particuliers (« effet direct horizontal») a, en revanche, été rejeté par la Cour de justice. Le caractère répressif de l’effet direct a amené la Cour de justice à conclure que cet effet ne pouvait intervenir entre les personnes privées, parce que celles-ci ne peuvent être tenues pour responsables des manquements des États membres.
Les décisions sont, elles, de deux catégories : (1) les décisions adressées à des destinataires particuliers et (2) les décisions générales, qui ne sont pas adressées à des destinataires particuliers (article 288, paragraphe 4, du traité FUE).
Les décisions qui ont des destinataires particuliers constituent l’acte juridique caractéristique par lequel les institutions de l’UE, en particulier le Conseil et la Commission, accomplissent leur fonction exécutive. Une telle décision peut exiger d’un État membre, d’une entreprise ou d’un citoyen qu’il agisse ou s’abstienne d’agir, lui conférer des droits ou lui imposer des obligations.
Il en va exactement de même dans les ordres juridiques nationaux, où les administrations nationales fixent de manière contraignante pour les citoyens les conditions d’application d’une loi à un cas particulier.
Une décision de ce type a les caractéristiques structurelles suivantes :
– elle a une validité individuelle, ce qui la distingue du règlement. Les destinataires d’une décision doivent être individuellement désignés et ne sont liés que de manière individuelle. Il suffit pour cela que la catégorie de personnes concernées soit déterminable au moment de l’adoption de la décision et ne puisse être étendue ultérieurement.
Le contenu de la décision, notamment, est décisif dans ce contexte: il doit en effet pouvoir influer, de manière individuelle et directe, sur la situation des sujets de droit. Il peut donc arriver que des tiers soient également concernés de manière individuelle par une décision, par exemple en raison de caractéristiques personnelles particulières ou de circonstances spéciales les distinguant de toutes les autres personnes, et deviennent ainsi identifiables comme le destinataire lui-même;
- elle est obligatoire dans tous ses éléments, ce qui la différencie des directives, qui ne sont obligatoires que quant au résultat à atteindre;
elle lie directement ses destinataires. En outre, une décision adressée à un État membre peut aussi, dans les mêmes conditions qu’une directive, avoir un effet direct sur les citoyens de l’Union.
Les décisions d’ordre général, qui n’ont pas de destinataires particuliers, sont obligatoires dans tous leurs éléments, sans qu’il soit précisé à qui s’applique l’obligation. Ce n’est qu’en examinant le contenu de la décision que l’on peut déterminer qui elle lie.
Parmi les décisions d’ordre général, on distingue les types de décision suivants :
- décisions portant modification de dispositions des traités : ces décisions s’appliquent de manière générale et abstraite, c’est-à-dire qu’elles lient toutes les institutions, les organes et les organismes de l’UE ainsi que les États membres. Parmi celles-ci figurent les décisions visant à simplifier les procédures d’adoption [article 81, paragraphe 3, et article 192, paragraphe 2, point c), du traité FUE] ou celles visant à faciliter les exigences en matière de majorité qualifiée (article 312, paragraphe 2, et article 333, paragraphe 1, du traité FUE) ;
- décisions visant la concrétisation du droit des conventions : ces décisions ont un effet juridique contraignant pour l’ensemble de l’UE ou pour les institutions, les organes et les organismes de l’UE concernés, en cas de décision relative à leur composition ; elles n’ont aucun effet externe pour les particuliers ;
- décisions relatives au droit interne aux institutions ou au droit
- interinstitutionnel : ces décisions lient les institutions, les organes et les organismes de l’UE concernés (par exemple les règlements intérieurs des institutions de l’UE et les accords interinstitutionnels conclus entre les institutions de l’UE) ;
- décisions dans le cadre du pouvoir d’organisation : ces décisions (par exemple les nominations, les rémunérations) lient les agents ou les membres des organes administratifs concernés ;
- décisions de gouvernance : ces décisions entrent en concurrence avec les règlements et les directives, mais ne visent pas un effet juridique contraignant externe pour les particuliers. En principe, l’effet contraignant se limite aux institutions participant au processus d’adoption, notamment lorsqu’il s’agit des orientations ou des lignes directrices des futures politiques. Exceptionnellement, elles peuvent avoir des effets juridiques généraux et abstraits ou des effets financiers ;
- décisions dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune: ces décisions sont contraignantes pour l’UE. L’effet contraignant envers les États membres est limité par des dispositions spéciales (par exemple article 28, paragraphes 2 et 5, et article 31, paragraphe 1, du traité UE). Elles ne sont pas soumises à la juridiction de la Cour de justice.
Les recommandations et les avis constituent une dernière catégorie d’actes juridiques, expressément prévue par les traités de l’Union. Ces actes permettent aux institutions de l’Union de se prononcer de manière non contraignante — c’est-à-dire sans obligation juridique pour les destinataires- à l’égard des États membres et, dans certains cas, également des citoyens de l’Union.
Les recommandations suggèrent aux destinataires un comportement donné sans pour autant leur imposer d’obligation légale. Ainsi, lorsqu’il y a lieu de craindre que l’adoption ou la modification d’une disposition législative, réglementaire ou administrative d’un État membre ne fausse les conditions de concurrence sur le marché intérieur, la Commission européenne peut recommander à l’État intéressé les mesures appropriées pour éviter la distorsion en cause (article 117, paragraphe 1, deuxième phrase, du traité FUE).
En revanche, les avis sont émis par les institutions de l’Union lorsqu’il y a lieu d’apprécier une situation existante ou certains événements dans l’Union ou dans les États membres. Dans certains cas, ils créent également les conditions préalables à de futurs actes juridiques contraignants ou constituent une condition pour introduire un recours auprès de la Cour de justice (articles 258 et 259 du traité FUE).
L’importance fondamentale des recommandations et des avis est avant tout politique et morale. En prévoyant ces actes, les auteurs des traités européens espéraient que les intéressés se conformeraient volontairement à un conseil qui leur serait donné ou tireraient les conséquences de l’appréciation d’une situation, étant donné la considération dont jouissent les institutions de l’Union européenne et le fait qu’elles disposent d’une vue d’ensemble et d’une expertise très large, qui dépasse le cadre national.
Outre les actes juridiques prévus par les traités, les institutions de l’Union disposent également de divers autres moyens d’action pour façonner l’ordre juridique de l’Union. Dans la pratique de l’Union européenne, les instruments les plus importants sont notamment les résolutions et les déclarations.
Les résolutions peuvent émaner du Conseil européen, du Conseil et du Parlement européen. Les résolutions exposent les conceptions et intentions communes sur le processus général d’intégration et sur des tâches spécifiques à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union. Les résolutions relatives aux affaires intérieures de l’UE peuvent porter sur des aspects fondamentaux de l’union politique, sur la politique régionale, la politique de l’énergie et l’Union économique et monétaire, notamment la mise en place du système monétaire européen.
L’importance politique de ces résolutions réside surtout dans l’orientation qu’elles donnent aux travaux futurs du Conseil. En tant que manifestations de la volonté politique commune, elles facilitent considérablement la recherche de terrains d’entente au sein du Conseil. En outre, ces résolutions garantissent un minimum de concordance entre le niveau décisionnel de l’Union et celui des autorités des États membres.
Quant aux déclarations, elles peuvent être de deux types. Lorsqu’elles concernent le développement de l’Union, à l’instar des déclarations relatives à l’UE, à la démocratie ou aux droits fondamentaux, elles correspondent essentiellement aux résolutions, de par leur signification. Ces déclarations permettent surtout de s’adresser à un vaste public ou à un groupe spécifique de destinataires.
D’autres déclarations sont établies dans le cadre du processus de décision du Conseil. Par ce deuxième type de déclarations, les membres du Conseil expriment des avis conjoints ou individuels sur l’interprétation des décisions prises en son sein. Ces déclarations interprétatives sont monnaie courante au Conseil et jouent un rôle essentiel dans la recherche des compromis. La portée juridique de ces déclarations doit être évaluée à l’aune des principes généraux d’interprétation selon lesquels l’interprétation d’une disposition dépend en grande partie de l’intention de son auteur.
S’agissant de l’Union africaine et pour ce qui est de l’impact direct de ses décisions sur les Etats membres, le maximum atteint par la Conférence de l’Union fut la prescription (Doc. Assembly/AU/8 (VI) Add.3) sur le non-traitement des décisions du Sommet de l’Union africaine par les mécanismes de ratification qui sont mis en place dans les Etats membres.
L’alinéa 2 de ladite prescription appelle les Etats membres à signer et ratifier les traités, les conventions, les protocoles et les pactes adoptés par la Conférence et demande aux parlements nationaux des Etats membres de tenir des sessions extraordinaires afin de les ratifier chaque fois que cela s’avère nécessaire.
Nous remarquons que l’effet direct est toujours dépendant de la volonté de l’Etat membre, dans le sens où la résolution ne s’applique pas à l’intérieur de l’Etat membre d’une façon automatique ; il faut donc que ce dernier l’approuve d’abord.
Le domaine intérieur est encore la prérogative des Etats africains et l’intervention de l’organisation dans ce domaine reste secondaire. L’Etat membre est libre de respecter ou de ne pas respecter ses engagements pris au moment de la signature de l’Acte constitutif.
La raison en est que les règlements internes de l’Union ont prévu des décisions non contraignantes au niveau de tous leurs éléments et il n’existe pas d’effet direct sur ces décisions car ce dispositif rend les décisions obligatoires.
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46 Les actes uniformes de l’OHADA entrent en vigueur quatre dix jours (90) jours après leur adoption et avec effet erga omnes après trente (30) jours. L’article 10 dispose que les règles de l’OHADA sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toutes dispositions contraires de droit interne antérieure ou postérieure. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les effets des règlements européens sur les États membres?
Les règlements européens ont un effet direct et immédiat sur les États membres et les citoyens, ayant une primauté sur l’ordre juridique national interne de chaque État.
Quelle est la différence entre un règlement et une directive de l’Union européenne?
Les règlements créent un même droit dans toute l’Union sans nécessiter de mesures d’application, tandis que les directives laissent aux États membres le choix de la forme et des moyens pour atteindre les objectifs de l’Union.
Comment les citoyens de l’Union peuvent-ils invoquer les directives européennes?
Les citoyens de l’Union peuvent invoquer directement les dispositions d’une directive si celles-ci déterminent leurs droits de manière suffisamment claire et précise, et si le délai de transposition de la directive est déjà écoulé.